Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous demande quelques instants d'attention sur une mesure que la commission des finances considère comme particulièrement importante et à laquelle elle est très attachée.
Dans le domaine de la fiscalité des entreprises, monsieur le ministre, nous observons que la France est aujourd'hui le dernier grand pays d'Europe à imposer les plus-values de long terme nées de la détention de titres de participation.
En Allemagne, par exemple, les plus-values tirées de la cession de participations dans des filiales résidentes et non résidentes sont exonérées à hauteur de 95 % de l'impôt sur les sociétés, quelle que soit l'importance de la participation et la durée de détention.
En Espagne, les plus-values sont exonérées d'impôt sur les sociétés quand elles portent sur des participations supérieures ou égales à 5 % dans une société résidente et dès lors que la durée de détention est d'au moins un an.
Au Royaume-Uni, depuis 2002, il y a exonération des plus-values de cession de participations supérieures ou égales à 10 %, dès lors qu'elles sont détenues depuis au moins un an.
En France, ces plus-values sont imposées au taux, certes réduit, de 19 %, mais ce dispositif, complexe et archaïque, constitue un handicap dans la compétition fiscale.
Ce régime est donc un élément qui incite à certaines délocalisations d'activités. Il existe, par exemple, des sociétés de capital développement, des holdings de participation, qui s'établissent à Luxembourg pour bénéficier d'un régime plus favorable et c'est, à la vérité, une opération assez simple que de délocaliser ce type d'activités.
L'application du taux réduit de 19 % impose, en outre, que les entreprises constituent un compte de réserve spéciale et y versent le produit des plus-values nettes de l'impôt acquitté. En cas de prélèvement sur cette réserve, pour distribution de revenus ou pour incorporation dans le capital social, les plus-values ainsi comptabilisées supportent un complément d'impôt qui conduit au taux d'imposition de droit commun de 33, 33 %
Le suivi et la gestion de la réserve spéciale des plus-values à long terme représentent un coût administratif très lourd, en particulier pour les PME. La dotation de la réserve et le frottement fiscal tendent à immobiliser durablement des sommes parfois élevées. Dans certaines banques ou à France Télécom, cela peut représenter plus de 2 milliards d'euros, et cela au détriment de leur affectation à des objectifs économiquement plus utiles. C'est, enfin, un facteur bloquant dans certaines restructurations de capital.
Une réforme de ce régime est indispensable. Elle est à vrai dire étudiée depuis déjà un certain temps et, pour ma part, j'ai pris l'initiative de poser ce problème au ministre Alain Lambert voilà un peu plus d'un an. Le dispositif que nous vous proposons ce soir est donc le résultat, après plusieurs avatars, de cette recherche.
L'opération doit être équilibrée. Elle ne doit pas, en tout cas, engendrer un coût budgétaire significatif ou trop important, compte tenu des contraintes actuelles.
Dès lors, tout cela étant dit, le présent amendement se compose de quatre volets.
Le premier concerne l'exonération des cessions de titres de participation, sous réserve d'une quote-part pour frais et charges fixée forfaitairement à 5 % du montant de la plus-value. Cette exonération bénéficierait également aux plus-values actuellement en sursis, en report d'imposition ou neutralisées au sein d'un groupe fiscal.
Le deuxième volet concerne la baisse du taux réduit de 19 % à 15 % pour les plus-values qui demeureraient imposables, par exemple les parts de fonds communs de placement à risque et le résultat net des concessions de brevets, en particulier.
Le troisième volet concerne la suppression de l'obligation de doter la réserve spéciale des plus-values à long terme.
Enfin, le quatrième volet, pour sortir du régime actuel à un coût modéré et assurer une recette fiscale, en 2005, qui compense l'exonération susmentionnée, nous souhaitons instaurer une taxe de sortie sur la réserve spéciale, qui serait libératoire du complément d'impôt sur les sociétés normalement exigible en 2005. Cette taxe serait assortie d'un abattement afin de ne pas pénaliser les PME et comprendrait deux volets.
Premièrement, une imposition obligatoire au taux de 2, 5 % pour la fraction de la réserve n'excédant pas 200 millions d'euros. Il en résulterait un coût maximal de 5 millions d'euros par compte de réserve doté.
Deuxièmement, les entreprises disposant d'une réserve supérieure à 200 millions d'euros pourraient opter jusqu'au 31 décembre 2005 pour le paiement de la taxe exceptionnelle sur tout ou partie de la réserve excédant ce seuil. A défaut d'option, cette quote-part ne supporterait un complément d'impôt qu'en cas de prélèvement ou de distribution, conformément au régime actuellement en vigueur.
Au total, monsieur le ministre, il s'agit d'une mesure de salubrité économique. Il est anormal qu'elle n'ait pas été prise plus tôt par les gouvernements qui se sont succédé !
C'est une mesure de plus grande lisibilité de notre régime fiscal. C'est une mesure d'attractivité susceptible d'améliorer la compétitivité de la France pour un coût global modéré.
Alors, bien entendu, nous avons fait ce que nous avons pu. Nous avons rédigé le texte de cet amendement avec la participation des meilleurs spécialistes, mais l'exercice, comme tout exercice de ce genre, est peut-être encore perfectible. Il nous semble tenir parfaitement debout tel que je l'ai décrit, mais nous sommes susceptibles, par exemple d'ici à la commission mixte paritaire, d'apporter le cas échéant les compléments ou rectifications qui seraient nécessaires.
Je le répète, la commission des finances attache une importance particulière à cette avancée considérable de la fiscalité des entreprises.