Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 1er décembre 2004 à 22h00
Loi de finances pour 2005 — Vote sur l'ensemble de la première partie

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2005, mon sentiment est mêlé d'inquiétude et de satisfaction.

Une première série d'inquiétudes concerne l'exécution même de cette loi de finances et de celles qui suivront. En effet, les hypothèses de croissance risquent d'être difficilement atteintes, notamment si le coût du baril de pétrole continue son ascension : 10 % de hausse entraînent 0, 5 point de croissance en moins.

Déjà l'OCDE a abaissé hier sa prévision de croissance pour 2005, la portant à 2 % contre 2, 6 % en mai dernier. En tout état de cause, l'assainissement de nos finances publiques sera insuffisant, la réduction du déficit du budget de l'Etat n'est qu'entamée et le chemin est très long.

Une seconde série d'inquiétudes concerne la sincérité de ce budget et la rigueur de la gestion de nos finances. Toutefois, la politique conduite par le Gouvernement se caractérise par un esprit volontariste dont je salue la cohérence et l'analyse. Suffira-t-elle à relancer l'économie française ? Faudra-t-il encore longtemps fonder tous nos espoirs sur les économies motrices de l'expansion internationale, en particulier celle des Etats-Unis, dont la déficience hier expliquait l'ampleur de nos maux et la vigueur aujourd'hui justifie la modicité de nos prévisions ?

Au nombre de ces inquiétudes, je veux signaler, avant tout, notre niveau d'endettement. Alors même que nos collectivités locales sont parvenues, ces dernières années, à faire diminuer leur endettement de près de la moitié au terme d'efforts lourds mais conséquents, l'Etat semble toujours paralysé par le poids de son endettement. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : entre 1996 et 2002, la dette de l'Etat a augmenté de 34 % ; actuellement, elle s'établit à 63 % du PIB et résulte de l'accumulation des déficits budgétaires au cours de cette période. Aujourd'hui, on ne peut se satisfaire de la seule baisse du rythme de progression de la dette, d'autant que les taux, au plus bas, sont susceptibles de remonter avec le niveau du dollar.

J'évoquerai, ensuite, la fiscalité. La fiscalité française demeure peu incitative, les cerveaux, les entrepreneurs s'expatrient. Le poids de notre administration reste décourageant : je rappelle que 27 % de la population active travaillent pour l'Etat, contre 15 % en l'Allemagne et au Royaume-Uni. En dépit de ces handicaps, la France est le troisième destinataire des investissements internationaux. Or, monsieur le ministre, malgré cet afflux de capitaux, nous comptons près de 2, 5 millions de chômeurs. Votre premier devoir est d'adapter l'Etat pour que ces investissements se traduisent en emplois.

Dans tous les domaines, les entreprises, petites et grandes - mais aussi les Français - ont effectué des efforts d'adaptation extraordinaires. Au nom de quoi l'Etat serait-il incapable de se réformer ? Il est vrai que, au cours de ces derniers jours, des mesures importantes ont été prises en la matière.

La première des réformes consisterait à calculer les dépenses à partir des recettes, et non l'inverse. Ce préalable, cet état d'esprit, sont à mettre en oeuvre le plus rapidement possible.

Dans la pratique, et pour contraindre les divers ministères à la rigueur et à l'imagination, il serait efficace de bloquer leurs dépenses non pas à l'euro près, mais à l'euro courant. De plus, il serait sain et non aléatoire de calculer ces recettes sur une croissance nulle car, ainsi que nous l'avons vu, c'est là un paramètre essentiel que nous ne contrôlons pas.

Ces principes sont simples. Au nom de quoi l'Etat refuserait-il de gérer son budget comme une entreprise ou un ménage gèrent leurs revenus ? Vingt-quatre années de déficits cumulés ont élevé un endettement « himalayen ». Pas un seul père de famille responsable n'oserait laisser de telles dettes à ses enfants ! C'est pourtant l'attitude de l'Etat.

Il faut néanmoins convenir que ce projet de loi de finances va dans le bon sens, comme je l'ai exposé dans la discussion générale : contrôle des dépenses à l'euro près, légère baisse du déficit, baisse de l'impôt sur les sociétés, mesures anti-délocalisations, réforme des dotations aux collectivités locales. La tendance générale est inversée, il faut maintenant poursuivre et intensifier cette politique.

Tous les gouvernements communiquent et médiatisent leur action. Consacrez une partie de ces dépenses de communication pour expliquer aux Français que c'est leur argent qui est dépensé ! Ils se sentiront concernés alors qu'ils sont souvent indifférents, et l'Etat se sentira un devoir de gestion. Plutôt que de vouloir plaire, il se donnera une obligation de résultat.

Nous connaissons la très grande difficulté de votre tâche. Il vous faudra une grande force de persuasion et une grande sincérité pour donner aux Français la conviction que l'on peut agir et inverser cette tendance dramatique. La démagogie ou le manque de courage de gouvernements successifs a conduit les Français à se démotiver et à faire de Bonjour paresse un livre à succès. La France gâche un formidable potentiel, car son Etat ne se comporte pas comme celui d'un grand pays.

Aujourd'hui, nous vous ouvrons un crédit qui s'appelle la confiance. C'est pourquoi, en dépit de ces observations, la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera en faveur de la première partie du projet de loi de finances pour 2005.

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