Intervention de Catherine Troendle

Réunion du 10 juin 2008 à 16h15
Fonctionnement des assemblées parlementaires — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’examen d’une proposition de loi d’une importance particulière au regard du bon fonctionnement des commissions d’enquête, mais également de la protection des personnes dont le témoignage est requis pour participer à la manifestation de la vérité.

Les commissions d’enquête sont aujourd’hui l’un des vecteurs privilégiés de la fonction de contrôle, comme l’a récemment démontré l’affaire d’Outreau. Elles ont produit ces dernières années des travaux significatifs sur de grands sujets de société. Leur rôle s’est renforcé grâce à l’élargissement de leur champ d’intervention et de leurs moyens d’investigation.

Une évolution juridique sensible a été par ailleurs enregistrée avec la loi du 20 juillet 1991, qui a fait de la publicité de leurs travaux la règle de principe et du huis clos, l’exception.

Les pouvoirs dévolus aux commissions d’enquête, amplifiés par l’ouverture de leurs auditions, ont considérablement modifié la situation des personnes entendues. Ces dernières se trouvent aujourd’hui fortement exposées et dans une situation juridique particulièrement fragile.

En effet, toute personne convoquée par une commission d’enquête parlementaire est tenue de comparaître et de déposer sous serment, son refus ou son faux témoignage pouvant entraîner des poursuites pénales. En revanche, elle ne bénéficie d’aucune protection légale pour les propos qu’elle tient devant la commission.

Par ailleurs, un arrêt de la Cour de cassation de 2004 a soumis sans ambiguïté toute personne appelée à témoigner devant une commission d’enquête au droit commun de la diffamation, écartant ainsi toute assimilation de son témoignage avec celui qui est effectué devant un tribunal.

Il en résulte que, à l’occasion d’affaires récentes, certains témoins ont été poursuivis en diffamation et d’autres ont fait l’objet de pressions dans l’unique but de les dissuader d’apporter leur témoignage.

Cette situation n’est tout simplement pas admissible et ne saurait perdurer : les personnes entendues sous serment doivent pouvoir s’exprimer sans crainte.

Cette situation est également préjudiciable au bon fonctionnement des commissions d’enquête, pour lesquelles les témoignages sont une source d’information essentielle. En effet, si la liberté de parole n’est plus assurée, la qualité du travail d’enquête, qui repose sur la sincérité et l’exhaustivité des témoignages, perd alors de sa portée et de sa valeur.

Le constat est simple : nous devons protéger les témoins entendus par les commissions d’enquête et les prémunir contre un recours abusif à des actions en justice au titre de la diffamation, de l’injure ou de l’outrage. C’est une exigence morale à leur égard ; c’est aussi une nécessité pour assurer l’efficacité des travaux des commissions d’enquête.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est particulièrement opportune. Et je tiens à saluer, au nom du groupe UMP du Sénat, l’initiative prise par le président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, qui nous offre aujourd’hui l’occasion d’améliorer le statut des témoins auditionnés devant les commissions d’enquête.

Cette proposition de loi accorde en effet une immunité partielle, similaire à celle qui est octroyée aux témoins judiciaires par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Ainsi, les personnes déposant devant une commission d’enquête ne pourront plus être poursuivies pour diffamation, injure ou outrage pour les propos qu’elles auront tenus ou les écrits qu’elles auront produits. La même immunité s’applique pour les comptes rendus faits de bonne foi, qu’il s’agisse des comptes rendus publiés en annexe des rapports, des diffusions télévisées ou de la reprise de certains propos dans différents médias.

Toutefois, l’immunité ne saurait en aucun cas être absolue, car tout ne peut pas être dit devant une commission d’enquête : les propos mensongers doivent demeurer susceptibles d’être sanctionnés par la loi. Il convient de préserver les droits des tiers qui s’estimeraient lésés par les propos tenus. C’est ce à quoi répond le texte de la proposition de loi, comme vient de l’indiquer M. le rapporteur.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera ce texte parfaitement équilibré, qui concilie efficacité et publicité des débats, et qui sécurise les témoins tout en posant des garde-fous pour préserver les droits des tiers.

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