Intervention de Rama Yade

Réunion du 27 mai 2010 à 9h30
Agents sportifs — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée est saisie en deuxième lecture de la proposition de loi, déposée le 6 mai 2008 par le sénateur Jean-François Humbert, visant à encadrer la profession d’agent sportif.

Je tiens tout d’abord à remercier M. Humbert, à l’origine du dépôt de cette proposition de loi, M. Pierre Martin, qui en est le rapporteur, M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi que l’ensemble des sénateurs ayant contribué à ce texte.

Cette proposition de loi paraît plus que jamais adaptée aux enjeux qui concernent le sport professionnel, fragilisé dans toute l’Europe par la crise financière, une crise qui rend d’autant plus insupportables, économiquement et éthiquement, certaines dérives du sport professionnel : je pense à la traite des mineurs sportifs ; je pense à la violence, aux incivilités et aux discriminations ; je pense à la voltige financière à laquelle se prêtent certains clubs, géants aux pieds d’argile, qui creusent leur dette pour acheter les superstars qui marqueront à crédit ; je pense à la rapidité de certains transferts extravagants, qui transforment les clubs en supermarchés et les joueurs en marchandises.

Aux dérives éthiques, nous devons opposer les valeurs et l’exemplarité. Aux dérives économiques, nous devons opposer le fair-play financier et la régulation.

C’est le sens de mon action politique, le sens aussi du message que je porte auprès de la Commission européenne, depuis que le traité de Lisbonne a fait du sport une compétence d’appui de l’Union européenne.

C’est aussi l’objectif de ce texte, qui vise à renforcer la moralisation et la transparence d’une activité souvent stigmatisée comme étant au cœur des dérives fragilisant et dénaturant le sport.

Le dépôt par M. Humbert de cette proposition de loi a permis de synthétiser des réflexions venues d’horizons divers.

Personne ne manque d’idées, quelquefois contradictoires, sur les agents sportifs. L’un des mérites de la proposition de loi est d’avoir une approche cohérente et réaliste du sujet, nourrie par de multiples travaux émanant tant du mouvement sportif que de l’administration et des parlementaires.

Ainsi, à la suite d’une mission d’inspection du ministre de l’économie et du ministre chargé des sports, des travaux visant à modifier ce cadre législatif ont été engagés par le ministère des sports et par le Comité national olympique et sportif français. Le rapport rendu par le député Dominique Juillot en février 2007 a également constitué une source importante de propositions.

Ces travaux ont permis de montrer que les dispositions figurant dans le code du sport, encore trop complexes et lacunaires, permettaient bon nombre de dérives et de malversations, lesquelles ont été mises en évidence, notamment, par le rapport du Groupe d’action financière, en 2009. Ces dérives, souvent médiatisées, ternissent l’image de cette activité et, au-delà, de tout le sport professionnel.

Face à cela, les dispositions contenues dans la proposition de loi répondent pleinement aux objectifs de moralisation et de transparence en matière d’accès, d’exercice et de contrôle de la profession.

En ce qui concerne l’accès à la profession d’agent sportif, plusieurs dispositions me paraissent particulièrement importantes.

Tout d’abord, la suppression de la délivrance de la licence d’agent sportif aux personnes morales permettra de mieux identifier la personne qui peut exercer cette profession.

Ensuite, les incompatibilités sont renforcées afin d’éviter les conflits d’intérêts entre les agents et les autres acteurs du sport et d’empêcher les pratiques de rétrocommissions et de surcommissions. Une « étanchéité juridique » est établie entre l’activité d’agent sportif et celle d’autres acteurs du sport, notamment les dirigeants et les actionnaires des clubs, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives.

Enfin, les incapacités, qui étaient lacunaires, sont élargies. Le dispositif issu des travaux de l’Assemblée nationale calque le régime des incapacités applicables aux agents sur celui d’autres professions réglementées telles que les avocats ou les administrateurs judiciaires : cela permettra d’assurer une sécurité juridique maximale. De plus, les fédérations auront à leur disposition le bulletin n°2 du casier judiciaire afin de s’assurer que l’agent ne contrevient pas à cette liste d’incapacités.

Pour ce qui concerne l’exercice de la profession d’agent sportif, plusieurs inflexions importantes par rapport au dispositif actuel sont contenues dans la proposition de loi.

Je souhaiterais d’abord évoquer la question, sensible, de la rémunération des agents sportifs. Les débats sont vifs sur le sujet, mais une approche réaliste et objective montre qu’un changement était nécessaire.

Actuellement, un agent ne peut être rémunéré que par la personne qui le mandate. Cette obligation se trouve très souvent contournée pour permettre la rémunération des agents par les clubs, alors même qu’ils sont mandatés par les sportifs. Dans les faits, les sportifs s’abstiennent, dans la plupart des cas, de contracter avec un agent.

Cette situation n’est pas de nature à assurer la transparence des opérations de placement des sportifs. Elle empêche en outre l’agent d’accompagner le sportif dans tous les aspects de la gestion de son parcours, sportif et extrasportif, notamment dans la préparation de sa reconversion.

Il s’agit non de valider des pratiques existantes, mais de donner plus de rigueur aux relations contractuelles entre les sportifs, les agents et les clubs. Ces contrats devront être transmis à la fédération et préciser les modalités de rémunération de l’agent et la partie au contrat qui le rémunère.

Le dispositif, ainsi mieux encadré, permettra à l’agent d’être rémunéré par l’une des parties au contrat relatif à l’exercice d’une activité sportive, quelle que soit celle qui lui a demandé de les mettre en rapport. En pratique, le club rémunère les agents sportifs alors même que ceux-ci agissent pour le compte du joueur.

Ce principe de droit commun ne fait que reprendre les usages en vigueur dans bon nombre de secteurs, notamment dans les secteurs artistique et immobilier où le paiement est traditionnellement mis à la charge de celui qui verse la somme prévue au contrat, et donc à la charge de l’acheteur ou, comme en l’espèce, de l’employeur.

La rémunération de l’agent restera limitée à 10 % du montant des contrats conclus, mais les contrats de transfert sont inclus dans ce calcul. De plus, l’agent sportif ne pourra pas percevoir de rémunération avant d’avoir transmis son contrat à la fédération. Là encore, ces mesures assureront un meilleur encadrement de l’activité d’agent.

Le dispositif applicable pour les mineurs est par ailleurs renforcé. Vous savez l’importance que j’accorde à ce sujet. Ce sont tous les contrats relatifs à l’exploitation de l’image et du nom d’un sportif mineur qui sont visés par la proposition de loi. Les sanctions pénales sont également alourdies.

Par ailleurs, la définition de la profession d’agent sportif n’englobait pas l’activité d’agent d’entraîneur. Une évolution de la législation sur ce point était donc indispensable, de manière à encadrer les opérations de placement d’entraîneurs par les agents sportifs. L’actualité récente montre la nécessité d’une telle disposition.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens maintenant aux aspects de la proposition de loi relatifs au contrôle de la profession, qui repose sur deux piliers indissociables : l’implication des fédérations, d’une part, et la répression pénale, d’autre part.

Les pratiques frauduleuses doivent faire l’objet de toutes les attentions ; c’est pourquoi les sanctions pénales sont renforcées. Les agents sportifs qui exercent dans l’illégalité et au mépris de toutes les règles relèvent du juge pénal.

L’exercice illégal de la profession d’agent sportif est donc puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Le montant de l’amende peut même être porté au-delà, jusqu’au double des sommes indûment perçues.

Cette notion d’exercice illégal de la profession d’agent sportif est volontairement rendue plus large : exercice de l’activité d’agent sportif sans licence, exercice rémunéré de l’activité d’agent sportif pour le compte d’un mineur, non-respect des dispositions relatives aux incapacités et aux incompatibilités.

Ce volet répressif et pénal n’est toutefois pas suffisant.

C’est pourquoi le rôle des fédérations dans le dispositif est essentiel. La proposition de loi prévoit qu’un contrôle annuel de l’activité de l’agent sera effectué par celles-ci, contrôle qui s’accompagnera notamment de la transmission des documents comptables. De plus, les contrats d’agent ainsi que les contrats relatifs à l’exercice rémunéré d’une activité sportive seront transmis à la fédération.

Les modifications introduites lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale répondent également aux objectifs de moralisation et de transparence auxquels je vous sais attachés. Je citerai à cet égard deux exemples.

Tout d’abord, la publication de la liste des agents sportifs et celle des sanctions prises par les fédérations dans l’exercice de leur pouvoir de contrôle constituent d’excellentes mesures propres à contribuer au renforcement de la transparence du dispositif.

Ensuite, l’aggravation des sanctions pénales pour ceux qui tenteraient d’exercer cette profession contre rémunération auprès de mineurs constitue également une avancée importante.

Je veille en outre à relayer ces objectifs de moralisation et de transparence aux niveaux européen et international.

Au niveau européen, j’ai tenu à ce que la régulation du sport professionnel, en particulier celle de la profession d’agent sportif, soit l’un des sujets abordés dans le cadre du premier conseil des ministres européens des sports, qui s’est tenu à Bruxelles le 10 mai dernier, sous présidence espagnole. Je continuerai à veiller tout particulièrement, dans ce cadre, à ce que l’objectif de moralisation du sport professionnel soit davantage pris en compte par la Commission européenne et par l’ensemble de nos partenaires.

Au niveau international, la proposition de loi est pleinement cohérente avec le mécanisme de « licence club » prévu par l’UEFA, ainsi qu’avec le dispositif appliqué par les fédérations internationales, notamment la FIFA, compétentes en la matière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je prends l'engagement devant vous de veiller à ce que le travail d’élaboration des textes réglementaires nécessaires à l’entrée en application de certaines dispositions soit accompli avec une particulière diligence, afin que le nouveau dispositif puisse être totalement opérationnel à très brève échéance.

Je sais également pouvoir compter sur les fédérations sportives, une fois les décrets d’application parus, pour adapter les règlements qu’elles édictent en la matière et contrôler de manière efficace cette profession.

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