Intervention de Éric Woerth

Réunion du 15 février 2010 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2010 — Discussion d'un projet de loi

Éric Woerth, ministre :

Cette amélioration est due aux premiers effets de la reprise économique, certes modeste, il faut faire preuve d’une très grande prudence, chacun ici sera évidemment d’accord sur ce point. Nous avons déjà constaté sur les rentrées fiscales de la fin de l’année dernière un certain nombre de « frémissements » : 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires au titre de l’impôt sur les sociétés et 1, 5 milliard d’euros sur la TVA, pour ne prendre que les impôts les plus importants, et ce par rapport à la dernière prévision. La baisse est bien sûr gigantesque par rapport au projet de loi de finances pour 2009, mais par rapport au dernier collectif, les chiffres sont un peu meilleurs.

Avec la réactualisation de la prévision de croissance attendue cette année – 1, 4 %, contre 0, 75 % qui était l’hypothèse de construction du projet de loi de finances –, l’amélioration se confirme en 2010. Dans l’ensemble, et malgré l’impact de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2010 – moins 2, 2 milliards d’euros –, le produit des recettes de l’État est revu à la hausse de 3 milliards d’euros cette année. La décision du Conseil porte à la fois sur la taxe carbone et sur les bénéfices non commerciaux dans la taxe professionnelle.

Si l’on tient compte également de l’impact de ces perspectives économiques plus favorables sur les recettes sociales, le déficit public est ainsi évalué à 8, 2 % du PIB, en amélioration de 0, 3 point par rapport à la prévision associée au projet de loi de finances, et ce malgré le coût du financement des investissements d’avenir, à savoir 0, 1 point, et nonobstant le coût de la censure du Conseil constitutionnel – que je ne mets pas sur le même plan –, qui est également de l’ordre de 0, 1 point de PIB.

Un déficit de 8, 2 % – personne ne peut se réjouir de ce chiffre, il est bien sûr extrêmement préoccupant et je n’ai nullement l’intention de dire qu’une diminution de 0, 3 point, c’est formidable – est, dans l’absolu, un chiffre très élevé. Je veux juste y voir un coup d’arrêt à la dégradation continue du déficit, un nouveau point de départ ouvrant le chemin d’un déficit à 3 % en 2013, conformément au programme de stabilité que nous avons fait parvenir à la Commission. J’en profite d’ailleurs pour excuser Christine Lagarde, qui est à Bruxelles pour discuter des sujets à l’ordre du jour de l’Eurogroupe ; elle nous rejoindra demain après-midi.

L’objectif est bien de réduire notre déficit de 5 points de PIB en l’espace de trois ans, c’est-à-dire 100 milliards d’euros ? Ce n’est pas une moindre ambition : il s’agit de sommes considérables.

Le retour de la croissance nous permettra de faire environ la moitié du chemin, soit 50 milliards d’euros, grâce à l’impact mécanique de la croissance sur les recettes. Nous reprenons, au bout d’un certain nombre d’années, un rythme de recettes équivalant à celui que nous avions abandonné, et ce rattrapage des recettes fiscales est en fait plus rapide car en cas de crise, les recettes fiscales baissent plus brutalement – 60 % de recettes en moins pour l’impôt sur les sociétés quand on fait moins 2, 2 % en macroéconomique – et les sorties de crise, même si celle-ci était particulièrement importante, ont montré une sur-réactivité des recettes fiscales. J’ajoute que la fin progressive de la crise nous permettra de réduire les mesures de relance et donc de supprimer les dépenses liées au plan de relance. Ce ne sera pas le cas en 2010, mais nous espérons tous que ce sera possible dès l’année prochaine.

C’est cette croissance supplémentaire que nous allons chercher afin de pouvoir faire la seconde partie du chemin, c'est-à-dire les 50 autres milliards d’euros, notamment grâce aux investissements d’avenir dont ce collectif budgétaire est porteur.

Toutefois, la croissance ne suffit pas si elle n’est pas accompagnée d’un effort partagé, soutenu et durable dans la maîtrise des dépenses publiques.

Lorsqu’on constate un écart aussi important entre nos recettes et nos dépenses, alors même que les recettes publiques sont en France parmi les plus élevées du monde, c’est bien que le problème se situe au niveau des dépenses car dans ce cas, il n’y a pas de marge de manœuvre sur les recettes. Or les dépenses sont l’affaire de tous : l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales, chacun à sa place. L’État apporte chaque année, sous diverses formes, près de 100 milliards d’euros de concours financiers aux collectivités territoriales et environ 50 milliards d’euros aux organismes de sécurité sociale. Les interactions financières entre ces différents acteurs sont telles qu’il serait vain de vouloir ne faire porter l’effort que sur une partie d’entre eux.

C’est pourquoi le Président de la République a réuni à la fin du mois de janvier une conférence sur le déficit public associant l’ensemble des acteurs de la dépense publique. Cette conférence est le début d’un processus. Les travaux ont été lancés, ils déboucheront sur des décisions concrètes à partir du printemps.

Le programme de stabilité que nous avons transmis à la Commission est la traduction de cette démarche. Il repose sur un effort de maîtrise des dépenses représentant environ 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2013. Cet effort portera sur tous les types de dépenses, y compris – je sais que vous y êtes, à juste titre, particulièrement sensibles – les dépenses fiscales et les niches sociales, avec l’objectif non pas d’une coupe brutale dans les dépenses, comme on l’entend, mais d’un ralentissement de leur progression. C’est une chose difficile à expliquer, mais il s’agit de ralentir de façon très significative la progression des dépenses que nous connaissons depuis de nombreuses années.

Comme vous le constatez, et je terminerai sur ce point, notre politique budgétaire vise deux objectifs qui sont liés. Le premier, c’est le soutien à la croissance de demain, avec un encouragement massif à l’investissement, public et privé, autour de priorités clairement définies et porteuses d’avenir. C’est bien l’objectif du collectif et l’objectif du grand investissement soutenu par un grand emprunt.

Le second objectif, c’est la réduction des déficits par la maîtrise des dépenses. Le Président de la République a fixé le cap en souhaitant, lors de la conférence sur le déficit, que la France se dote d’une règle d’équilibre pour l’ensemble des administrations. Il a également proposé une méthode : les prochains mois seront ceux du diagnostic partagé, de la concertation au sein des groupes de travail, de la préparation des plans d’action. À partir d’avril et de mai, avec la prochaine conférence viendra le temps des décisions. Beaucoup de décisions ont déjà été prises, nous ne passons donc pas de rien à tout, mais nous accélérons le processus de décisions parce que la crise a rendu cette accélération nécessaire et, d’ici au printemps, je présenterai notamment un plan d’économies sur les dépenses de l’État, incluant les niches fiscales et sociales.

Voilà ce que je pouvais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, en guise d’introduction à ce débat passionnant sur le collectif budgétaire.

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