L’exercice, cependant, montrera un jour ses limites et, nous le savons tous, il faudra s’interroger sur le périmètre et les modes d’action de l’État. Ce texte milite, en vérité, pour de profondes réformes administratives. Certains peuvent d’ailleurs s’interroger sur la nécessité de continuer à avoir un certain nombre de ministères alors qu’on les contourne par des administrations de mission.
Pour ma part, j’ai plutôt tendance à préférer les administrations de mission aux ministères trop structurés. Lorsqu’on a des priorités essentielles, qui correspondent à un moment de la conjoncture, il est bon de les confier à des équipes dynamiques, réactives, et qui auront vocation à disparaître avec la fin des politiques ainsi mises en œuvre.
L’exemple de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, et de son mode décisionnel – des jurys pluralistes où siègent, dans des conditions véritablement pluridisciplinaires, des experts, français et étrangers, de différents domaines – montre qu’il est possible d’« aérer » la recherche, l’innovation, et de retenir, en réponse aux appels à projets, les solutions qui sont vraiment les meilleures, dans le seul souci de la compétitivité et de l’innovation, et non du respect de quelque mandarinat ou de quelque position acquise que ce soit. De ce point de vue, l’ampleur donnée, dans le dispositif de cette réforme, à l’Agence nationale de la recherche est à mon sens un très bon élément.
J’évoquerai maintenant les préconisations de la commission des finances.
Vous ne serez pas surpris, monsieur le ministre, que notre première préoccupation soit la protection des intérêts budgétaires et patrimoniaux de l’État.
L’obligation est faite aux opérateurs publics bénéficiaires des délégations de crédits de déposer leurs fonds libres au Trésor. C’est tout à fait essentiel, car l’impact des dépenses d’avenir s’en trouve lissé et l’État peut optimiser sa propre gestion de trésorerie. La commission des finances a cependant souhaité aller plus loin en ce qui concerne le dénouement de l’opération. Pour nous, il est primordial de s’assurer que l’État sera en mesure, à la fin de l’opération ou en cas de divergence de l’opération, de récupérer les sommes temporairement transférées aux opérateurs sous forme de dotations en capital, appelées ici « dotations non consomptibles ». Il convient également d’orienter les processus de décision vers le financement des projets présentant une rentabilité réelle, mesurable, sur laquelle l’État puisse compter.
Notre seconde préconisation est relative au contrôle démocratique. Oui, le dispositif qui nous est soumis est sans conteste une débudgétisation. Dès lors, il convient de nous assurer que le contrôle du Parlement sera de même qualité, de même pertinence et de même profondeur que s’il s’agissait de crédits classiques, dans des programmes ou des missions classiques du budget de l’État.
Nous n’avons, monsieur le ministre, aucune religion des formes : ce qui importe, c’est la réalité des choses et, par conséquent, que l’ampleur des arbitrages soit à la mesure de la qualité et de la motivation du contrôle parlementaire. C’est pourquoi nous avons, par une série d’amendements, imaginé des solutions transposant l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, pour superviser et mettre en œuvre le programme d’investissements.
Quand nous avons voté la LOLF, nous ne pouvions certes pas prévoir le « grand emprunt » ; il nous faut donc, bien entendu, en adapter les procédures à l’esprit de la loi organique de telle sorte que le Parlement, que nos concitoyens s’y retrouvent.
Je soulignerai, en conclusion, à quel point le dispositif qui nous est proposé est original et, à ce titre, éveille l’intérêt et suscite l’adhésion. Il en résultera des dynamiques nouvelles, des conséquences imprévues sur le fonctionnement des structures et sur les relations entre les acteurs.
À la vérité, monsieur le ministre, vous qui nous présentez ce projet de loi de finances rectificative êtes non seulement le ministre du budget, mais aussi le ministre de la réforme de l’État. Or ce texte est un texte de réforme de l’État, et c’est notamment en tant que tel qu’il doit être analysé.
Le collectif budgétaire, vous le savez, mes chers collègues – et je terminerai par là –, ne se résume pas à l’emprunt national. D’autres sujets, d’ordre fiscal, seront traités à l’occasion de la discussion des amendements que les uns et les autres ont préparés, notamment la commission des finances.
Nous avons en particulier souhaité que soit lancé le débat sur les moyens d’évasion fiscale qu’offre la « grande toile ». Car les ressources publicitaires « pompées » par de merveilleux moteurs de recherche globaux sont des ressources issues de notre marché qui profitent à d’autres, ailleurs ! De réels problèmes de concurrence et de viabilité de nos médias, notamment audiovisuels, peuvent en résulter. C’est donc là un des sujets que nous souhaitons traiter à l’occasion de l’examen de ce texte.
Enfin, il est un point sur lequel la commission souhaite qu’il n’y ait pas de dérive, permettez-moi de le dire en toute franchise : c’est la taxe professionnelle.