La loi de modernisation de l’économie, l’un des pivots de la thématique sarkozyste, n’a donc pas eu beaucoup d’effets sur la situation économique. Elle a d’ailleurs littéralement volé en éclats avec le développement de la crise financière ! Les déficits ont alors gagné en importance, prenant leurs aises avec l’argent public et franchissant la barre fatidique des 100 milliards d’euros annuels – plus que l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés réunis – pour atteindre le niveau de 141 milliards d’euros dans le collectif de la fin de l’année 2009.
La dette publique galope, même si le compteur affolé ne figure plus sur le plateau de Mme Chabot, comme lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2007. Et nous risquons de l’accroître encore avec le présent projet de loi de finances rectificative !
Monsieur le ministre, quelques mauvais esprits, dont nous sommes, considèrent d’ailleurs qu’une bonne part du déficit que nous avons constaté en 2007, en 2008 et en 2009, et que nous risquons d’observer encore en 2010, aurait pu être évitée. Sans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, connue sous l’appellation de loi TEPA, nous aurions sans doute constaté un résultat légèrement différent.
Cela coûte cher de payer un bouclier fiscal à un millier de privilégiés qui continuent pourtant de préférer les investissements spéculatifs, comme cela coûte cher de permettre à quelques familles particulièrement aisées d’optimiser la gestion de leur patrimoine grâce aux donations entre vifs, d’alléger la douleur d’avoir perdu un parent proche grâce à la baisse des droits de succession, de réduire l’impôt de solidarité sur la fortune et, plus généralement, de multiplier niches, exemptions et régimes dérogatoires divers !
Lors du débat que nous consacrons tous les ans à la dépense fiscale, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, nous constatons que le seul poste budgétaire qui progresse constamment, et souvent très vite, est la mission « Remboursements et dégrèvements », dont ma collègue et amie Marie-France Beaufils est le rapporteur.
L’impôt sur le revenu est ainsi perverti et détourné de sa finalité. Aujourd’hui, compte tenu des mesures prises, on peut dire qu’il existe un type d’impôt sur les sociétés par entreprise, tant est grande la variété des dispositifs d’exonération, d’allégement, d’évasion fiscale ou d’assiette !
Il suffit de considérer ce que rapporte à Renault ou à Total le régime du bénéfice mondial consolidé ! Ce qui semble positif pour la compétitivité de ces groupes ne l’est manifestement pas autant pour l’emploi en France !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est bien parce que l’État a décidé, voilà déjà un certain temps, de prendre à sa charge une part importante de ce qui incomberait aux entreprises que notre pays connaît cette situation de déficit budgétaire durable et de dette publique confortée.
Certes, on peut toujours soutenir que ce collectif comporte des mesures qui sont en rupture avec certaines habitudes du passé, reprenant ainsi le « cela ira mieux demain » que nous avons déjà si souvent entendu.
Rendez vous compte ! Nous aurions trouvé les coupables de la crise financière de 2008, ceux-là même qui – comme l’indique le texte – par leurs actes inconséquents, ont provoqué les tensions interbancaires, l’explosion des déficits publics et la mise en œuvre de plans de sauvetage, à grand renfort d’argent public. Ces coupables, ce sont les traders, caste privilégiée d’acteurs de salles de marchés électroniques, scandaleusement rémunérés en fonction de la spéculation qu’ils organisent.
À la vérité, la taxe prévue par l’article 1er du présent texte semble bien relever du symbole. Elle représente le millième de ce que l’État était prêt à garantir pour sauver le secteur financier et elle est de peu de poids dans un déficit ayant atteint les niveaux que l’on sait, et qui ont été rappelés voilà quelques instants.
En outre, comme la taxe ne figure que dans ce collectif et pas dans la loi de finances initiale, nul doute que les banques auront tôt fait de trouver les moyens d’éviter de la payer. D’autant que ces mêmes banquiers avaient tenté, dans un premier temps, d’en affecter le produit au financement du système de garantie mutuelle que les sommets du G20 ont recommandé.
Je crois même me souvenir que quelques-uns de nos collègues avaient envisagé, sans doute en toute magnanimité, de gager la nouvelle taxe sur la suppression de la taxe sur les salaires payée par les banques ! Mais, en annonçant à l’avance les mesures que l’on envisage, on crée sans doute les conditions qui permettent aux intéressés d’y échapper !
En conclusion, le présent projet de loi de finances rectificative, largement consacré au grand emprunt, ne rompt aucunement avec les errements qui, depuis trop longtemps, entraînent les comptes publics sur une pente périlleuse, et la France dans le même temps. Il prépare sans doute, à sa manière, la nouvelle purge d’austérité qui nous semble promise pour les années à venir, du fait des engagements européens que j’ai évoqués. Pour toutes ces raisons, nous ne le voterons pas.