Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 15 février 2010 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2010 — Discussion générale

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici saisis du premier collectif budgétaire de l’année 2010, qui ne sera assurément pas le dernier.

Tout comme la loi de finances que nous avons adoptée voilà à peine plus d’un mois et demi, ce projet de loi de finances rectificative vise, dans un contexte de sortie de crise – nous l’espérons – à soutenir le retour de la croissance en privilégiant les dépenses d’investissements.

Le groupe UMP approuve pleinement cette démarche.

Dans un contexte de forte crise économique qui a plombé nos déficits et a vu s’effondrer les recettes fiscales de l’État, il était primordial d’orienter massivement notre effort vers l’investissement, qui deviendra producteur de richesses, tout en poursuivant parallèlement la réduction de nos dépenses de fonctionnement grâce à la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques.

Le plan engagé l’an passé a apporté une première réponse en faisant le choix d’une relance essentiellement ciblée sur l’investissement, alors que certains nous demandaient d’augmenter les dépenses courantes.

La réforme de la taxe professionnelle, qui allégera l’impôt local payé par les entreprises à caractère industriel, jusque-là lourdement imposées sur leurs investissements, a constitué une seconde étape.

Dans la continuité de cette démarche, le Gouvernement nous propose aujourd’hui de mettre en place un grand emprunt national afin de financer un plan exceptionnel d’investissements publics à hauteur de 35 milliards d’euros, qui, par un effet de levier sur les entreprises, les collectivités territoriales et l’Union européenne – elles participeront au financement de certains projets –, devrait conduire à un investissement total estimé à 60 milliards d’euros.

De telles sommes, mes chers collègues, engagent fortement notre responsabilité. Si elles étaient utilisées à mauvais escient, c’est-à-dire sans espoir de retour sur investissement par la création de richesses, le grand emprunt ne serait qu’un emprunt de plus qui ne ferait qu’accroître nos déficits.

Son coût, non-consomptibilité aidant, varie de 2 milliards d’euros à 5 milliards d’euros par an et demeure donc raisonnable. Les trois principales agences de notation estiment qu’il ne devrait pas avoir d’impact négatif sur la qualité de la signature de la France. Elles jugent, en effet, que la France peut emprunter de 20 milliards d’euros à 30 milliards d’euros supplémentaires sans se mettre dans une position trop délicate.

Or la somme qui sera levée sur les marchés s’élèvera à 22 milliards d’euros, puisque 13 milliards d’euros proviendront du remboursement par les banques des aides que l’État leur avait consenties.

Par ailleurs, le groupe UMP se félicite du choix judicieux du recours au marché plutôt qu’à l’épargne publique. Un emprunt auprès des particuliers aurait été forcément beaucoup plus coûteux, pour être incitatif et convaincre les ménages.

Ces nouvelles dépenses d’investissement ne sont, en outre, selon le Gouvernement, pas incompatibles avec l’objectif fixé de réduire le déficit public à moins de 3 % d’ici à 2013. Le Gouvernement nous dit avoir réussi à résoudre la quadrature du cercle : ces investissements accroîtront, certes, le déficit budgétaire de 35 milliards d’euros en 2010, ce qui portera le déficit total à près de 150 milliards d’euros, mais l’impact sur le déficit public au sens de Maastricht sera faible.

En effet, les 500 millions d’euros de charge d’intérêts créés par l’emprunt seront intégrés à la norme de dépenses. Ils seront donc compensés par une réduction équivalente des dépenses de l’État. Nous nous en félicitons.

Ensuite, ces dotations généreront des actifs pour une certaine proportion d’entre elles, entre 50 % et 75 %, cela dépendra des conventions pluriannuelles entre l’État et les organismes gestionnaires des fonds. Elles ne devraient donc pas être considérées comme des dépenses publiques au sens maastrichtien du terme.

Ces actifs prendront la forme de prises de participation, prêts et avances remboursables, et, pour les actifs non consomptibles, seuls les intérêts seront dépensés.

Ce choix de privilégier la création d’actifs s’inscrit dans la continuité du plan de sauvetage des banques à travers la Société de financement de l’économie française et la Société de prise de participation de l’État. Les intérêts des prêts aux banques ont d’ailleurs rapporté des sommes considérables inscrites au budget de l’État, il convient de le rappeler.

Si cette débudgétisation offre l’avantage de créer des revenus pour la puissance publique, elle présente toutefois l’inconvénient d’échapper au contrôle budgétaire du Parlement. C’est effectivement une préoccupation.

Gardons-nous, par conséquent, de transformer le financement du plan d’investissement en un monstre financier opaque et trop complexe. C’est le vœu que nous formulons.

Voilà pourquoi il importe, à notre sens, de prévoir des contrôles à chaque niveau et d’assurer, notamment, le suivi budgétaire et la transparence du processus de sélection des projets dont la rentabilité devra être examinée avec soin.

Le Parlement devra remplir sa mission de contrôle, au-delà du rôle dévolu au commissaire général à l’investissement et au conseil de surveillance coprésidé par Alain Juppé et Michel Rocard, dont le rapport de novembre 2009 a largement inspiré le projet de grand emprunt.

Le groupe UMP se félicite, par conséquent, que les députés aient proposé de créer deux nouveaux « jaunes » budgétaires, l’un pour informer le Parlement de l’emploi et de la gestion des crédits de l’emprunt national, l’autre pour présenter un rapport décrivant les conséquences sur les finances publiques des investissements d’avenir.

Nous soutenons également la proposition de nos collègues députés de transmettre aux commissions des finances, avant leur signature, les conventions passées entre l’État et les organismes attributaires des crédits consacrés aux investissements d’avenir.

Nous ne connaissons pas encore le détail des choix de projets d’investissement. Néanmoins, le choix des secteurs bénéficiant du plan d’investissement nous semble pleinement pertinent. Il recueille l’assentiment et le plein soutien du groupe UMP.

Retenir l’enseignement supérieur, la formation et la recherche, l’industrie et les PME, le développement durable et le numérique répond à la volonté de soutenir l’innovation et de cibler des activités d’avenir fortement créatrices de valeur ajoutée.

Nous nous réjouissons que le Gouvernement non seulement entende combler le retard de la France en matière d’investissements – je rappelle que notre pays figure parmi les derniers pays de l’OCDE en termes de progression des dépenses globales pour la recherche et développement depuis 2000 –, mais souhaite également faire de la France l’un des leaders mondiaux dans ces domaines.

Cette approche sectorielle s’inspire des programmes des années soixante et soixante-dix, qui ont fait du nucléaire, du TGV, d’Airbus ou d’Arianespace, jusqu’à aujourd'hui encore, les fleurons de notre technologie et des moteurs de notre économie.

Le plan qui nous est proposé est d’une ambition presque sans précédent au regard de l’ampleur des montants engagés, lesquels dépassent très largement ceux des grands projets des années soixante et soixante-dix que j’évoquais.

Le choix de secteurs d’investissement stratégiques va réorienter de manière ambitieuse notre économie vers l’innovation et nous spécialiser dans une économie verte et de la connaissance.

L’enjeu consiste donc à passer d’une économie des ressources à une économie à la fois des savoirs et du développement durable.

Cette formule se traduit très concrètement par l’utilisation des sciences et techniques afin de tirer le maximum de profits du minimum de ressources, d’autant que ces dernières, n’en doutons pas, se feront de plus en plus rares à l’avenir !

La formidable croissance des pays émergents depuis la fin des années quatre-vingt dans un contexte de plus en plus mondialisé, qui voit le développement des moyens et réseaux de transports, mais aussi de l’économie virtuelle via internet, constitue bien le bouleversement majeur de l’économie mondiale à l’aube du xxie siècle.

La montée en puissance de la Chine, de l’Inde ou du Brésil remet en question les vieux équilibres stratégiques mondiaux en se traduisant par une compétition accrue sur les matières premières qui risque de précipiter la pénurie des ressources énergétiques et d’accélérer le dérèglement climatique.

La réforme de notre modèle de croissance hérité des Trente Glorieuses, époque où la consommation de masse semblait illimitée et circonscrite à la fraction occidentale de la population mondiale, est désormais nécessaire.

Le choix de la recherche, de l’industrie et des PME au sein des pôles de compétitivité, du numérique et du développement durable devrait donc être déterminant pour l’avenir de notre économie.

La deuxième grande mesure de ce collectif est la mise en œuvre de la taxation des bonus des opérateurs de marché.

Cette mesure fait suite à la crise financière qui avait contraint l’État à intervenir pour sauver les banques de la faillite alors même que leur comportement n’avait pas été vertueux, c’est le moins que l’on puisse dire, puisqu’il était à l’origine de cette crise.

Une réflexion avait alors été engagée sur la possibilité de taxer les bonus perçus par les traders ayant pris des risques jugés souvent trop excessifs.

Le Président de la République, dont le groupe UMP tient à saluer l’action déterminante, avait ainsi convaincu ses partenaires du G20, à Pittsburgh, en août 2009, d’adopter des règles communes en matière d’encadrement des bonus.

Il nous est aujourd’hui proposé de voter pour concrétiser cet engagement.

La Grande-Bretagne, l’autre grande place financière européenne, s’est elle aussi engagée à rapidement faire de même. Le gouvernement allemand, quant à lui, vient d’adopter il y a tout juste une semaine un projet de loi visant à encadrer les bonus des dirigeants du secteur bancaire.

Cela prouve bien que le choix de la France était le bon.

Mais ce choix est également celui de limiter la taxation : il n’est en effet pas envisageable d’alourdir la fiscalité des banques de manière trop importante.

Nous partageons donc le point de vue du Gouvernement et nous pensons qu’une pression fiscale trop élevée pourrait être contre-productive, sachant que le secteur bancaire se situe dans un contexte de forte compétition internationale.

En outre, ce secteur est déjà assujetti chez nous à une fiscalité « pérenne » significative, qui vient d’ailleurs d’être alourdie, puisque la réforme de la taxe professionnelle se traduira par une taxation supplémentaire de 150 millions d’euros.

Par ailleurs, 100 millions d’euros en 2010, qui deviendront 150 millions d’euros dans les prochaines années, découleront de la mise en œuvre de la contribution pour frais de contrôle au profit de la Banque de France créée par la loi de finances pour 2010.

Enfin, je rappelle l’existence de la taxe de 14 % sur les salaires, qui est propre à la France.

Le groupe UMP approuve également le choix des députés d’affecter les 360 millions d’euros que cette taxe devrait rapporter à l’établissement public Oséo pour permettre le financement de nos PME.

Les fonds propres d’Oséo, dont les interventions se sont sensiblement accrues du fait de la crise, seront ainsi renforcés par une contribution des banques qui sont à l’origine de cette crise. Il y a là une certaine morale.

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