Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 5 juillet 2007 à 9h30
Récidive des majeurs et des mineurs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, chers collègues, bien que nous souscrivions à la nécessité de lutter efficacement contre la récidive, nous souhaitons apporter quelques rectificatifs aux postulats qui fondent le projet de loi aujourd'hui discuté.

Lors du débat télévisé qui opposait M. Nicolas Sarkozy à Mme Ségolène Royal, notre actuel président de la République évoquait « un taux considérable de récidive en matière d'infractions sexuelles ». Il est évident que les statistiques dont dispose M. Sarkozy ne correspondent pas tout à fait à la situation, pas plus que ce texte ne prend en compte tous les aspects d'une réalité qui, visiblement, madame le garde des sceaux, vous échappe. En tout cas, nous n'avons pas la même lecture des chiffres. Ce taux, dit considérable, est en fait de 0, 6 % !

Une confusion règne entre ce que, dans les médias, vous avez nommé la récidive et la réalité de ce qu'est la récidive légale visée par ce texte.

Les Français doivent savoir par quel moyen vous avez instrumentalisé les mots pour mieux convaincre de la nécessité d'un tel projet de loi : la récidive légale n'est pas la réitération.

Autant dire que ce projet de loi n'est qu'un « coup de couteau dans l'eau » en termes de lutte contre la récidive, mais il rassure une opinion publique que vous avez apeurée, angoissée, par des propos faussement alarmistes !

En matière pénale les mots ont un sens que l'on ne peut pas dévoyer et utiliser à des fins démagogiques. Vous avez fait d'une notion juridique un concept gadget dans lequel, aux yeux de l'opinion publique, réitération, récidive, concours d'infractions se confondent, ce qui n'est pas le cas !

Les Français doivent savoir qu'aujourd'hui seule la récidive légale sera étudiée et que celle-ci représente 2, 6 % des crimes, 6, 6 % des délits en 2005. Ces chiffres sont même inférieurs à ceux de l'année 2004 et supérieurs aux données actuelles, ce qui indique un mouvement de décélération.

Vous avez profité de l'affaire Crémel pour « gonfler » la nécessité émotionnelle de ce projet de loi, sans prendre en compte les moyens de sa mise en oeuvre. En réalité, ce texte est inutile, inconsidéré et dangereux. Il exclut toute possibilité d'aborder le phénomène de la délinquance sous l'angle de la prévention et il relègue la nécessité d'une approche socio-éducative au rang de pis-aller.

Concernant les effets attendus de ce dispositif, permettez-moi de rappeler que des peines minimales n'ont jamais dissuadé le délinquant de la récidive, pas plus que la peine de mort n'a empêché des criminels de commettre des crimes avant son abolition.

La dissuasion n'est rien si elle n'est pas accompagnée d'une politique active de prévention, d'éducation, de passage à l'acte et de suivi des condamnés. La preuve en est que plusieurs des États qui avaient adopté le système des peines minimales l'ont abandonné du fait de son inefficacité.

Le bilan coût-avantage de ce projet de loi est d'ores et déjà simple à établir : il aura un effet désastreux sur le travail des juges, qui sera ralenti du fait de l'obligation qui leur sera faite de motiver chacune de leur décision. Le prononcé de la peine prendra bientôt plus de temps que son exécution !

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