Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 5 juillet 2007 à 9h30
Récidive des majeurs et des mineurs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Lier les peines d'un prévenu à ses origines sociales, familiales et socioprofessionnelles, c'est privilégier encore plus les riches au détriment de ceux qui luttent pour avoir des conditions de vie décentes.

Il est intolérable qu'un projet de loi stigmatise à ce point une partie de la population et mette en place une justice à deux vitesses. Selon le condamné, ce sera la justice du riche et la justice du pauvre.

C'est proprement inique et contraire au principe d'égalité de tous devant la loi.

Concernant la justice des mineurs, permettez-moi de vous dire combien ce projet de loi est une abdication totale devant les principes élémentaires qui la régissent.

L'atténuation de la responsabilité des mineurs est un principe fondamental reconnu par les lois de la République. L'excuse de minorité doit être la règle et son exclusion, l'exception. Le projet de loi qui nous est soumis renverse complètement ce principe.

En effet, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs vont devenir des juridictions de droit commun. Il sera bientôt inutile de les qualifier de juridictions spécialisées puisqu'elles pourront bientôt dire le droit dans les mêmes conditions que si l'accusé était majeur.

L'emprisonnement devient la règle pour les mineurs, alors que les obligations internationales de la France lui imposent une approche inverse de ce type de délinquance.

Le projet de loi foule aux pieds l'article 37 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant, aux termes duquel l'emprisonnement d'un enfant ne peut être « qu'une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible ».

En alignant le régime du mineur sur celui des majeurs, vous ruinez l'économie générale de l'ordonnance du 2 février 1945.

Par ailleurs, les mesures que vous entendez instituer ne sont pas accompagnées des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre.

En effet, aucun bilan n'a été dressé des lois votées en ce domaine, que ce soit en 2004, en 2005 ou en mars 2007. Aucune évaluation n'a été faite du fonctionnement des unités d'accueil, que vous souhaitez pourtant développer. Ce texte ne fait aucunement référence aux mesures d'éducation. Il ne contient aucun volet socioéducatif, non plus qu'il n'établit aucun diagnostic sur les moyens nécessaires aux acteurs de terrain ou à la protection judiciaire de la jeunesse. Rien !

Lorsqu'on s'attaque à une réforme aussi importante, il convient au préalable d'en évaluer la faisabilité. Or, madame le ministre, vous construisez une maison en commençant par le toit. Comment voulez-vous que l'édifice tienne ?

À quoi bon annoncer devant la commission des lois vouloir « engager une action déterminée en faveur de la réinsertion des personnes les plus vulnérables, en particulier les mineurs et les détenus », s'il s'agit de les mettre en prison pour un vol de bonbons en récidive ?

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