Dans la logique de défiance du projet de loi à l'égard des juges, cet article vise à retirer littéralement au juge une faculté jusqu'ici discrétionnaire, celle de prononcer une injonction de soins.
Dans le régime actuellement en vigueur, le juge dispose d'une marge d'appréciation qui lui permet de ne pas ordonner l'injonction de soins même si une expertise conclut à sa nécessité.
Cette liberté nous semble importante : elle traduit un respect du principe d'individualisation de la peine et donne au juge la possibilité d'adapter le prononcé de l'injonction de soins sans que cette dernière prenne le caractère d'une sanction.
L'article 5 vient balayer le caractère facultatif du prononcé de l'injonction de soins en le transformant en obligation : le juge ne pourra plus se soustraire à l'avis de l'expert psychiatre.
Une telle psychiatrisation de la justice appelle quelques commentaires.
Tout d'abord, elle porte atteinte au pouvoir du juge d'individualiser la peine. Gardien des libertés individuelles en vertu de la Constitution, le juge se transforme en un simple exécutant, qui obéit à une autorité médicale devenue omnipotente et omnisciente.
Il convient tout de même de rappeler que le principe d'individualisation de la peine est un des principes fondamentaux de notre droit pénal. Il permet à un juge de reconnaître une personne responsable, même si une expertise psychiatrique a conclu à l'irresponsabilité.
Il est une garantie de l'étanchéité des compétences : un médecin soigne, un juge prononce des sanctions, tous deux collaborant dans la recherche d'une meilleure prise en compte de l'intérêt du condamné.
Confier un pouvoir quasi juridictionnel à un expert psychiatre porte gravement atteinte aux principes de séparation des pouvoirs et d'indépendance des juges.
Par ailleurs, il impose à ces mêmes psychiatres des sujétions qui vont bien au-delà de leur champ de compétence.
Dès lors que l'injonction de soins devient une obligation, un transfert des responsabilités du juge vers le médecin s'opère, et cela dans une indifférence totale vis-à-vis de la déontologie médicale.
Penser que l'expert peut à lui seul décider d'une injonction de soins, c'est miser de manière aveugle et simpliste sur les vertus des soins imposés pour lutter contre la récidive.
Un second point mérite toute notre attention : la suppression de l'exigence d'une double expertise pour certains crimes.
La double expertise psychiatrique n'est pas, dans ce domaine, une procédure factice : elle permet une meilleure appréhension de la nécessité de l'injonction de soins et, en l'absence d'une concordance des expertises, rend caduque toute tentative d'imposer des soins à une personne qui n'en a pas besoin.
La nécessité d'une concordance des expertises, qui constituait une garantie d'objectivité, devient une chimère avec ce projet de loi.
La généralisation de l'injonction thérapeutique se révèle dangereuse, non seulement en ce qu'elle entame le pouvoir d'appréciation du juge, mais également en ce qu'elle transfère sur les épaules d'un seul expert la responsabilité d'une mission périlleuse : imposer des soins, en contradiction totale avec le principe du consentement aux soins, corollaire du principe de l'inviolabilité du corps humain.
Pour toutes ces raisons, nous avons déposé un amendement visant à supprimer l'article 5.