Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 5 juillet 2007 à 21h45
Récidive des majeurs et des mineurs — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen des articles de ce projet de loi a finalement permis de révéler, au fil du débat, que l'hypothèse que nous avions formulée dès le départ, à savoir que ce projet de loi avait pour objet de faire entrer rapidement dans la législation certaines mesures annoncées pendant la campagne électorale avec une volonté d'affichage, était la bonne.

Concernant la volonté d'affichage, madame la ministre, on peut dire que vous avez réussi !

Toutefois, si l'on reprend trois points principaux de ce texte, on constate que, malheureusement, il n'y a pas grand-chose derrière cet affichage.

S'agissant, en premier lieu, des peines planchers, vous nous avez longuement expliqué qu'elles étaient nécessaires pour lutter contre la récidive. Or nous n'avons cessé de mettre en avant les statistiques, les vôtres d'abord, puis celles de chercheurs du CNRS, qui montrent qu'il n'y a pas de corrélation entre les durées d'incarcération, le quantum des peines, d'une part, et la récidive ou la non-récidive, d'autre part.

En revanche, nous savons qu'il existe un rapport entre la récidive et la libération conditionnelle. En d'autres termes, il y a moins de récidive quand il y a libération conditionnelle ; il y a moins de récidive lorsqu'il y a des peines alternatives à l'incarcération ; il y a moins de récidive quand il existe un meilleur suivi des détenus à l'intérieur de la prison ; il y a moins de récidive lorsqu'il y a un meilleur accompagnement des personnes qui sortent de prison - je pense, notamment, au suivi socio-judiciaire -, à condition, bien sûr, que les moyens soient suffisants pour permettre au dispositif d'être effectif.

Nous avons démontré la nécessité de prendre des mesures pour lutter contre la récidive, objectif que nous partageons. Toutefois, ces mesures ne sauraient en aucun cas mettre en cause la liberté des magistrats, notamment leur capacité d'individualiser les peines, en les transformant en distributeurs automatiques de peines planchers !

Il faut des moyens concrets pour la libération conditionnelle, le suivi socio-judiciaire, l'accompagnement des personnes qui sortent de prison, pour revoir la condition pénitentiaire. Cela est apparu avec beaucoup de netteté.

En deuxième lieu, concernant les mineurs, on a pu constater qu'il n'était pas souhaitable de mettre en cause le dispositif qui accorde une place importante à l'éducation ; bien au contraire, ce dernier est nécessaire. Sur ce point, je veux dire à notre collègue Lecerf que je partage son propos quand il regrette la présence de certains mineurs en prison. J'ajouterai simplement que nous ne sommes pas voués éternellement à ce que les prisons, ou les lieux spécifiques réservés aux mineurs dans les prisons, soient de mauvaise qualité ; mais, pour que cela change, il faut beaucoup de moyens.

De même, il faut des centres éducatifs fermés. Je rappelle une nouvelle fois qu'il n'existe qu'un seul centre de ce type, qui accueille six personnes, pour les 12 millions d'habitants de la région d'Île-de-France ! Alors, on peut, certes, tenir tous les discours que l'on veut ou adopter un texte d'affichage concernant les mineurs, mais il serait beaucoup plus utile de créer un deuxième, puis un troisième centre éducatif fermé. Bref, il faudrait les moyens nécessaires.

Enfin, en troisième lieu, s'agissant de l'injonction thérapeutique, vous avez, madame la ministre, tenté de démontrer que nous ne comprenions pas pourquoi il fallait changer la loi. Or, la législation en vigueur permet d'ores et déjà au juge de prononcer l'injonction thérapeutique.

Nous ne proposons nullement de remettre en cause ce dispositif. L'injonction thérapeutique ne peut, à elle seule, tout régler. Il y a des troubles de la personnalité dont le traitement ne passe pas forcément par la voie médicamenteuse ou purement médicale. Mais dans un certain nombre de cas, cette injonction est indispensable.

Nous l'affirmons : la loi permet aujourd'hui d'avoir recours à l'injonction thérapeutique ; cette loi existe. Simplement, la grande difficulté - on l'a vu en long, en large et en travers -, c'est que les experts et les psychiatres ne sont pas assez nombreux. Par conséquent, si on veut être utile, cette loi d'affichage ne servira à rien tant que l'on n'aura pas fait les efforts correspondants. Certes, cela est difficile, mais c'est indispensable pour améliorer la situation et pour créer les postes de professionnels qui sont nécessaires, comme le demandent un grand nombre de magistrats.

En conclusion, nous ne pouvons approuver ce projet de loi. Nous nous attendions à ce que vous veniez d'abord nous parler de ce qui est nécessaire, madame le garde des sceaux. Or vous avez dû satisfaire aux nécessités politiques de l'affichage, en faisant adopter très rapidement un projet de loi. Aussi, l'essentiel reste devant nous, car l'affichage ne peut le remplacer !

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