Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 5 juillet 2007 à 21h45
Récidive des majeurs et des mineurs — Vote sur l'ensemble

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Aussi, les peines planchers, qui ne sont certes pas automatiques, mais qui inversent le principe du jugement et nient de façon continue et aggravée la différence entre un mineur et un majeur, ont été maintenues.

Avant 1994, le juge devait prononcer une sanction inscrite dans une fourchette de peines, mais il pouvait estimer que des circonstances atténuantes s'appliquaient et personnaliser la peine en fonction du contexte de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Tous ceux qui ont de la mémoire voulaient donc réintroduire ces dispositions. Ont-ils été entendus ? Que nenni !

S'agissant du respect d'un droit aussi fondamental que l'individualisation des peines, ce texte traduit un recul qui est, tout simplement, dangereux.

Par ailleurs, les magistrats, qui ne disposeront d'aucune marge de manoeuvre pour décider d'une condamnation moins sévère, n'auront d'autre choix que de prononcer une peine minimale, sauf à servir de boucs émissaires pour la justice et les peurs de nos concitoyens.

Malgré les arguments avancés par le Gouvernement, ce texte aura pour principale conséquence un accroissement de la surpopulation carcérale. Nous verrons plus tard, quand le nombre des prisons aura augmenté, s'il faut encore aggraver les peines afin de pouvoir les remplir encore davantage !

En ce qui concerne la délinquance des mineurs, madame le garde des sceaux, nous n'avons décidément pas la même approche. Depuis 2002, l'avalanche législative n'a pas cessé dans ce domaine, et il s'agit toujours de durcir les sanctions à l'égard des mineurs.

Bien entendu, - je le répète, car il faut toujours le préciser - nous ne sommes nullement opposés à la sanction des actes délictueux, même lorsque ceux-ci sont de peu d'importance et qu'ils sont commis par des mineurs. Mais encore faut-il que la sanction serve à quelque chose et se distingue de la prévention !

Or, pour la deuxième fois en un court laps de temps, on confond à dessein sanction et prévention - pire, on assimile la prévention à la sanction ! Nous ne pourrons donc pas vous suivre, madame le garde des sceaux.

Aucune réflexion de fond n'est menée sur l'évolution de la société dans laquelle grandissent les jeunes. Rien n'est envisagé pour pallier le manque de moyens de la Protection judiciaire de la jeunesse et résoudre l'impossibilité matérielle de faire exécuter les décisions des juges des enfants, notamment après un premier acte de délinquance, car c'est à ce moment qu'il faut agir pour les empêcher de recommencer.

Quant à la mansuétude dont bénéficieraient les mineurs, elle n'est attestée ni par un taux de réponse pénale de 88 % ni par un taux de détention provisoire de près de 80 %.

Pourtant, la solution proposée par le Gouvernement, c'est toujours davantage d'enfermement ! Pour les mineurs comme pour les majeurs, la liberté d'appréciation du juge des enfants sera restreinte. Or, plus encore que pour les majeurs, c'est l'adaptation la plus juste de la sanction à l'infraction commise qui permet de prévenir la récidive des mineurs, à condition que la sanction soit exécutée. Si celle-ci est comprise, puis mise en oeuvre, il existe une chance que le mineur ne récidive pas.

Or le projet de loi que vous allez adopter, mes chers collègues, s'éloigne de ce principe. Il inverse notre philosophie pénale : jusqu'à présent, le juge devait motiver la privation de liberté ; le projet de loi suit une logique contraire : c'est le maintien en liberté que le juge devra motiver. Les principes fondamentaux de notre justice pénale sont donc mis en cause, ce qui est dangereux, je le répète.

Enfin, il n'y a eu ni étude d'impact de ce projet de loi ni évaluation des textes précédemment votés, notamment les plus récents, et pour cause : ils ne peuvent à l'heure actuelle être évalués !

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.

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