J'en viens aux retraites.
Nous avons pris nos responsabilités en faisant une réforme nécessaire et juste, trop longtemps différée. Grâce à elle, l'avenir de notre système de solidarité entre les générations est garanti. Souvenons-nous qu'au moment de la création de notre sécurité sociale plus de 50 % des Français âgés de 65 à 70 ans étaient encore obligés de travailler faute de retraites décentes. Aujourd'hui, grâce à la solidarité entre les générations, le revenu moyen des retraités atteint 90 % de celui des actifs. Cela aussi, c'est l'oeuvre de la sécurité sociale !
J'aborde enfin la santé.
L'OMS a salué les performances de la France en nous classant au premier rang mondial. Notre système n'est certes pas parfait. Il faut continuer à l'adapter. Mais il ne craint la comparaison avec aucun autre. Il est parmi les plus efficaces du point de vue de la qualité des soins. Et surtout, il est bien plus juste que tous ceux qui laissent de côté une part croissante de la population, y compris - on ne le dit pas assez - les classes moyennes elles-mêmes, au profit d'une protection sociale réservée à ceux-là seuls qui ont la chance de pouvoir y accéder. De récentes décisions annoncées par une grande entreprise automobile américaine montrent à quel point la précarité des systèmes privés de protection sociale peut affecter les couches de la population qui se croyaient les mieux protégées, tandis que, dans le même pays, 40 millions de personnes de toute condition se trouvent écartées d'une bonne couverture.
A l'inverse, le système français garantit l'accès de tous aux meilleurs soins. C'est le choix de la solidarité. Et c'est aussi celui de l'efficacité économique, car les dépenses de santé atteignent aux États-unis près de 14 % du produit intérieur brut contre à peine plus de 8 % en France.
Notre système ignore également les exclusions, notamment en fonction de l'âge. Il ignore les files d'attente et les refus de prises en charge, qui sont le lot commun des systèmes étatisés, lesquels subsistent même parmi les pays les plus libéraux d'Europe, chacun le sait.
La confrontation entre systèmes montre à l'évidence combien notre assurance maladie mérite les efforts consentis par nos compatriotes pour la défendre.
Et, puisqu'une loi de financement de la sécurité sociale, ce sont des chiffres au service d'une politique, permettez-moi de vous dire en quelques chiffres ce qui traduit à mes yeux l'ambition de ce projet de loi.
Premier chiffre, 25 % : c'est le niveau de réduction des déficits de la sécurité sociale que nous avons l'ambition de réaliser grâce à l'application de l'ensemble des mesures figurant dans ce projet de loi. Le déficit du régime général passera ainsi de 11, 9 milliards d'euros à la fin de l'année 2005 à 8, 9 milliards d'euros à la fin de l'année 2006. Dans aucun autre secteur de l'action publique de tels efforts de réduction des déficits ne seront réalisés l'an prochain. Je redis ici, à la suite de Xavier Bertrand, que cet objectif va consolider et prolonger les résultats très importants déjà constatés pour l'assurance maladie depuis le vote de la loi du 13 août 2004 : un déficit de 8, 3 milliards d'euros en 2005, certes beaucoup trop lourd encore, mais que l'on doit comparer aux 16 milliards d'euros prévus avant la réforme.
Deuxième chiffre, 196 : c'est le nombre de nouveaux médicaments admis au remboursement en 2004 et effectivement pris en charge en 2005. La force de notre assurance maladie depuis soixante ans, c'est d'avoir su rendre le progrès médical accessible à tous, et c'est notre exigence et notre honneur de continuer à le faire. Quand la Grande-Bretagne refuse la prise en charge d'un médicament contre le cancer parce qu'il est trop cher, nous le rendons au contraire accessible aussitôt à tous nos malades. Et, si nous déremboursons 156 autres médicaments ou si nous abaissons à 15 % le remboursement de 62 médicaments de la classe des veinotoniques, sur les recommandations scientifiques de la Haute autorité de santé, c'est aussi parce qu'il faut savoir faire des choix responsables en faveur des médicaments dont l'intérêt thérapeutique est le plus élevé. Il est normal que la liste des médicaments remboursables évolue au rythme des progrès de la médecine. Il est normal qu'il y ait des entrées et des sorties. Nous nous donnons ainsi les moyens de diffuser l'innovation médicale à tous les malades.
Troisième chiffre, 9 % : c'est l'augmentation des crédits de l'assurance maladie prévue par le projet de loi pour les maisons de retraite médicalisées et pour les services médico-sociaux destinés aux personnes âgées dépendantes, et ce taux atteint presque 14 % en comptant l'apport de la journée de solidarité. Cela représente, par rapport à 2005, un effort supplémentaire de 586 millions d'euros. Grâce à une très forte mobilisation en faveur des personnes âgées, le plan Vieillissement et solidarité 2004-2007 aura été financé en deux ans au lieu de quatre. Nous proposons aujourd'hui son doublement : 20 000 places supplémentaires en maisons médicalisées au lieu des 10 000 prévues sur la durée de ce plan ! Dès 2006, le projet de loi prévoit donc de créer 5 000 places en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Mais la prise en charge de la dépendance, c'est aussi aider les personnes qui le souhaitent et qui le peuvent à rester dans leur foyer. L'an prochain, 4 250 nouvelles places en services de soins infirmiers à domicile seront financées. Par ailleurs, pour soulager les familles qui s'occupent quotidiennement de leurs proches, le projet de loi rend possible en 2006 la création de 2 125 places en accueil de jour et de 1 125 places en hébergement temporaire. C'est la meilleure façon d'aider l'entourage familial des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, qui est soumis, on le sait, à rude épreuve.
Nous avons voulu avoir également la possibilité d'aider les maisons de retraite à se rénover et à se moderniser. C'est une question de sécurité, de confort et aussi de dignité pour les personnes âgées qui y sont accueillies. Le projet de loi que nous vous présentons contient des dispositions en ce sens.
Quatrième chiffre, 500 millions d'euros : c'est en effet le montant des crédits qui seront consacrés l'an prochain à la rénovation des maisons de retraite médicalisées, des logements-foyers et des maisons d'accueil spécialisées pour personnes handicapées, c'est-à-dire en réalité dix fois plus qu'en 2005 et exactement le double de ce qui a été fait pour le total des cinq dernières années. Cela est rendu possible également par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie grâce aux dispositions prévues par le présent projet de loi.
Cet effort gigantesque permettra d'améliorer la sécurité et le confort des établissements, ainsi que leur adaptation aux personnes très dépendantes : installation de douches accessibles, suppression de chambres partagées à plusieurs personnes, mise en place de rampes dans les couloirs, aménagement des ascenseurs. Tels sont les travaux de rénovation qui vont pouvoir être réalisés en 2006 grâce à cet effort sans précédent pour mettre fin à la vétusté des établissements.
Cinquième chiffre, 5 % : c'est l'augmentation des moyens consacrés aux dépenses médicosociales en faveur des personnes handicapées. Elle atteindra même 6, 16 % en comptant l'apport de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. L'augmentation sera de 400 millions d'euros l'année prochaine.
Dans le sens des priorités voulues par le Président de la République, la loi du 11 février dernier se traduira en 2006 par une forte augmentation des crédits de l'État au titre de l'allocation pour adultes handicapés et par une nouvelle augmentation de 2 500 places en centres d'aide par le travail.
Elle se traduira également par la mise en oeuvre au début de l'an prochain de la prestation de compensation du handicap. Grâce au travail des Français, les crédits que les départements consacraient jusqu'alors aux aides compensatrices vont ainsi pouvoir être plus que doublés.
Sixième chiffre, 7, 5 % : c'est l'augmentation annuelle garantie par l'État pour les quatre prochaines années des fonds sociaux des caisses d'allocations familiales afin d'ouvrir de nouvelles places de crèche. En tout, ce sont 72 000 places de crèche qui seront ainsi créées entre 2002 et 2008, augmentant notre équipement national de 30 %. La somme totale de 2, 4 milliards d'euros qui y sera consacrée en quatre ans représente un effort sans précédent en France.
Pour l'exercice 2006, le déficit de la branche famille sera stabilisé à 1, 1 milliard d'euros. C'est un déficit conjoncturel et non structurel. Il décroîtra dans les années à venir. La branche reviendra à l'équilibre en 2009, tout en assurant la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, que vous avez créée le 1er janvier 2004. Cette prestation connaît aujourd'hui en effet un très grand succès : 250 000 familles supplémentaires vont en bénéficier au lieu des 200 000 initialement prévues.
Par ailleurs, conformément aux décisions prises par le Premier ministre lors de la Conférence de la famille, le projet de loi prévoit la création d'un congé d'un an, le complément optionnel de libre choix d'activité. Ce dispositif ne se substituera pas au congé actuel de trois ans, il le complétera. Il permettra aux parents qui le souhaitent de bénéficier à partir du troisième enfant d'un congé plus court, mais beaucoup mieux rémunéré : 750 euros par mois, soit près de 50 % de plus que l'indemnité mensuelle pour le congé de trois ans.
En élevant le niveau de la rémunération et en évitant un éloignement trop long de l'activité professionnelle, nous favorisons ainsi la prise du congé par les pères. Nous facilitons aussi le retour à l'emploi des bénéficiaires de ces congés.
La même ambition prévaut pour l'allocation de parent isolé, l'API. Nous allons vous proposer dans un autre texte, que le conseil des ministres a adopté la semaine dernière, de nouvelles possibilités d'accès aux modes de garde permettant aux bénéficiaires de cette allocation de recevoir une formation pour qu'ils puissent retrouver le chemin de l'emploi.
Par ailleurs, parce qu'il faut aussi soutenir les familles dans les épreuves de la vie, le projet de loi assouplit les règles du congé et de l'allocation de présence parentale, qui ont été créés pour permettre aux parents d'être au chevet d'un enfant hospitalisé. Les parents disposeront désormais d'un « compte crédit jours » de trois cent dix jours, à prendre sur une période de trois ans. Un complément de 100 euros mensuels leur sera versé lorsque la maladie de l'enfant exige des déplacements importants.
Dans le cadre de la discussion qui s'engage, le Gouvernement défendra des amendements visant à améliorer encore le dispositif : je pense au complément pour frais, qu'il convient d'améliorer, ainsi qu'aux conditions d'ouverture de ce droit, qui devra être adapté à toutes les situations.
Septième chiffre, 300 000 : c'est le nombre de personnes qui auront bénéficié, à la fin de l'année prochaine, d'un départ anticipé à la retraite parce qu'elles ont commencé à travailler très jeunes, dans des conditions souvent très dures.
Refusée pendant des années, cette mesure de justice a enfin été rendue possible par la réforme des retraites de 2003. Certes, ces départs anticipés pèsent fortement cette année sur le déficit de l'assurance vieillesse. Mais la hausse des cotisations salariales et patronales de 0, 2 point, décidée dans le cadre de la réforme de 2003, permettra de ramener ce déficit de 2 milliards à 1, 4 milliard d'euros en 2006.
La répartition de cette cotisation entre employeurs et salariés sera décidée dans un partage équitable, après concertation avec les partenaires sociaux.