Intervention de Dominique Leclerc

Réunion du 14 novembre 2005 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Dominique LeclercDominique Leclerc, rapporteur :

La seconde mesure importante concerne les régimes additionnels de retraite dénommés ASV - avantage social vieillesse - des professions médicales et paramédicales conventionnées, qui se trouvent aujourd'hui en situation de « banqueroute virtuelle ».

Trois décennies d'inaction et de dilution des responsabilités entre les pouvoirs publics, les caisses de retraite concernées et les partenaires conventionnels ont en effet placé ces cinq régimes au bord de la cessation de paiement. Il était donc urgent d'agir. Cet avantage, peu ou mal connu des médecins conventionnés en activité, est davantage apprécié par les médecins conventionnés à la retraite.

L'examen du projet de loi de financement nous permettra aussi d'aborder d'autres thèmes étroitement liés au contexte dans lequel il s'inscrit. Je pense notamment à la préparation de la première « clause de rendez-vous », prévue pour 2008 par la réforme des retraites de 2003, mais aussi à l'emploi des seniors et, plus encore, à la perspective, souvent évoquée, de nouveaux adossements de régimes spéciaux, sur le modèle de l'adossement du régime de retraite des industries électriques et gazières, les IEG, à commencer par celui de la RATP. En effet, il faut d'ores et déjà engager dans de bonnes conditions la réflexion sur la prochaine étape de la réforme des retraites.

L'urgence porte, à mon sens, sur la sauvegarde du Fonds de solidarité vieillesse ; nous aurons l'occasion d'en reparler à l'occasion du débat que nous aurons demain sur ce sujet.

A court terme, préparer l'échéance de 2008 suppose aussi de renforcer la transparence et la diffusion de l'information sur notre système de retraite. On observe une réelle méconnaissance du niveau des engagements de retraite des différents régimes et un retard préoccupant dans la mise en oeuvre du « droit à l'information » des assurés sociaux sur leur situation personnelle au regard de la retraite.

Notre système d'assurance vieillesse manque de transparence - et c'est un euphémisme ! Je vous proposerai donc un amendement prévoyant qu'à partir de 2008 les principales caisses de retraite publieront une estimation de leurs engagements futurs de retraite et en rendront compte aux deux assemblées.

Dans le même ordre d'idée, permettez-moi de dire un mot sur un thème qui me tient particulièrement à coeur : la variable déterminante à prendre en compte pour la clause de rendez-vous de 2008 sera l'évolution du taux de remplacement, c'est-à-dire la proportion que représentera la retraite des assurés sociaux par rapport au dernier salaire d'activité. Nous aurons déjà du recul.

L'examen de ce texte nous offre aussi l'opportunité d'évoquer le taux d'emploi des seniors et de tirer à ce sujet le signal d'alarme.

Avec 37 % seulement, la France affiche le plus faible taux d'activité en Europe pour les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans. Atteindre le seuil de 50 % en 2010, conformément aux objectifs européens de Lisbonne, semble aujourd'hui difficilement réalisable sans un rapide sursaut, d'autant que les dernières statistiques font plutôt craindre une nouvelle baisse du taux d'activité des seniors.

Le consensus national implicite sur la cessation précoce d'activité demeure en effet très solide en France.

Si la réforme de 2003 a rendu les règles plus sévères, les possibilités de contourner le report de l'âge de la retraite restent très nombreuses : préretraites publiques, préretraites d'entreprise, préretraites UNEDIC et dispenses de recherche d'emploi des chômeurs âgés conjuguent ici leurs effets défavorables.

L'emploi des seniors appelle donc une politique publique plus volontariste encore. D'autres pays, comme la Finlande, ont su la mettre en oeuvre. Outre l'État, les partenaires sociaux doivent aussi contribuer au même objectif par trois moyens : l'amélioration de la santé au travail, la mise en oeuvre de la formation professionnelle tout au long de la vie et la nécessité d'une modification radicale de l'approche de la gestion des âges dans les entreprises pour les salariés âgés de plus de quarante-cinq ans.

L'enjeu est capital, car nous savons que la faiblesse du taux d'emploi des seniors constitue le talon d'Achille de la réforme de 2003. La situation doit s'améliorer si l'on souhaite mener à son terme le sauvetage de l'assurance vieillesse : l'opinion publique ne comprendrait pas la nécessité d'autres efforts si l'âge moyen de cessation d'activité dans le secteur privé continuait à ne pas dépasser cinquante-sept ans.

Mes chers collègues, je vous propose de nous inscrire dans ce débat grâce à trois amendements que la commission des affaires sociales a déposés pour favoriser l'emploi des seniors.

Le premier vise à libéraliser les conditions du cumul emploi - retraite pour les salariés du secteur privé sur le modèle applicable aux trois fonctions publiques.

Le deuxième tend à conforter le principe suivant lequel c'est à partir de soixante-cinq ans qu'un salarié peut être mis d'office à la retraite par son employeur. Ce point mérite un petit rappel : la loi portant réforme des retraites a admis que cet âge puisse être ramené à soixante ans si l'entreprise propose, parallèlement, des créations d'emplois, dans des conditions d'ailleurs bien confuses. Or, à la date du 1er octobre 2005, soixante-treize branches professionnelles s'étaient déjà engagées dans cette brèche. Je crois nécessaire de réduire les effets pervers de cette disposition.

Le troisième amendement propose d'assujettir l'ensemble des préretraites d'entreprise à la contribution créée en 2003 en faveur du FSV. Ce mode transactionnel de cessation précoce d'activité est en effet contradictoire avec l'objectif de remontée du taux d'emploi des seniors. Il n'est pas légitime qu'il bénéficie d'un traitement privilégié sur le plan social.

Enfin, je m'arrêterai un peu plus longuement sur la question des « adossements » des régimes spéciaux sur les régimes de droit commun du secteur privé, et notamment sur le dernier, imminent semble-t-il , de la RATP.

Nous en avons souvent parlé, les nouvelles normes comptables internationales IAS 19 obligent les grandes entreprises publiques à provisionner la totalité des engagements de retraite des régimes d'entreprise. L'année dernière, EDF et GDF ont ouvert la voie et leur régime de retraite a été adossé au régime général.

Ces opérations d'adossement demandent à être conduites avec beaucoup de précautions. La commission des affaires sociales vous présentera deux amendements visant à renforcer les garanties qui les entourent. Si j'en juge par l'attitude du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, la CNAVTS, ces amendements sont utiles. En effet, sa présidente a fait part publiquement de sa préoccupation au sujet du dossier de la RATP et des autres dossiers susceptibles de suivre. Elle s'est élevée contre la perspective de se trouver in fine placée devant le fait accompli et de se voir imposer, par voie réglementaire, sans débat parlementaire, une opération d'adossement dans des conditions qui lui apparaîtraient éventuellement peu favorables.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion