Intervention de André Lardeux

Réunion du 14 novembre 2005 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de André LardeuxAndré Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2006, pour la troisième année consécutive, les comptes de la branche famille seront en déficit.

Estimé à 1, 2 milliard d'euros, ce déficit est sensiblement égal à celui qui est prévu pour cette année ; le retour à l'équilibre n'est plus envisagé avant 2009. Il s'agit cependant d'un déficit essentiellement conjoncturel, qui est dû à la poursuite de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, laquelle a coûté, en 2005, 500 millions d'euros de plus qu'en 2004, alors que 86 millions d'euros avaient été budgétés. L'année prochaine, ces dépenses vont encore augmenter de 425 millions d'euros, ce qui témoigne du succès rencontré par cette nouvelle prestation.

Le déficit de la branche s'explique également par le poids du transfert, pour la CNAF, du financement des majorations de pension pour enfants, qui représente plus de 2 milliards d'euros. La commission des affaires sociales continue de contester le principe même de ce transfert et regrette le jeu de vases communicants qui en résulte avec le Fonds de solidarité vieillesse, puisque le déficit de l'une vient réduire celui de l'autre. Elle comprend néanmoins les circonstances financières actuelles et prend acte du taux de prise en charge de ces majorations par la Caisse nationale d'allocations familiales, qui a été définitivement fixé à 60 %. Le risque d'un glissement progressif allant jusqu'au financement intégral se trouve désormais écarté, ce qui est une bonne chose.

Au total, le déficit de la branche famille paraît moins inquiétant que celui des autres branches : ses dépenses sont indexées sur l'inflation, alors que ses recettes suivent l'évolution, toujours plus dynamique, de la masse salariale.

Ce déficit ne doit cependant pas être banalisé, car il a des conséquences sensibles sur la situation nette de la branche. En effet, les réserves ont fondu de plus de 15 % en deux ans et elles vont continuer de diminuer puisque l'on s'attend à des déficits jusqu'en 2009. Or ce sont ces réserves qui donnaient à cette branche des marges de manoeuvre pour financer des mesures nouvelles.

Les recettes de la branche famille devraient s'élever, en 2006, à 52, 2 milliards d'euros, soit une progression de 3, 6 % par rapport à l'année précédente.

En ce qui concerne les cotisations sociales, notons que la CNAF devrait bénéficier, mais avec un an de retard, et ce au détriment de sa trésorerie, de l'augmentation du taux de cotisation de l'État employeur, prévue en contrepartie du transfert de la gestion des prestations familiales des fonctionnaires.

S'agissant des recettes fiscales, la branche famille bénéficiera, comme les autres, de la taxe perçue sur les plans d'épargne logement détenus depuis plus de dix ans et d'une partie du produit du « panier de taxes » qui est transférée par l'État en contrepartie du remboursement des allégements de charges sociales.

Enfin, en matière de remboursement des charges liées aux allocations aux adultes handicapés et aux allocations de parent isolé, on constate d'ores et déjà un décalage entre les prévisions de dépenses - 6, 3 milliards d'euros - et la dotation de 6, 1 milliards d'euros ouverte dans le projet de loi de finances pour l'année prochaine.

Cette année encore, l'État restera débiteur à l'égard de la CNAF. Monsieur le ministre, selon nos calculs, si nous n'apurons pas les comptes dans le collectif budgétaire, la dette de l'État s'élèvera, au 31 décembre 2005, au titre de ces deux allocations, à 337 millions d'euros. Cette situation vous paraît-elle justifiable, d'autant que les hypothèses retenues pour l'évolution du nombre de bénéficiaires de ces deux minima sociaux paraissent très optimistes ?

J'en viens maintenant aux charges de la branche, qui devraient s'élever à 53, 3 milliards d'euros en 2006.

Ces dépenses correspondent, pour 70 % d'entre elles, à des dépenses de prestations légales. Celles-ci connaissent des évolutions très contrastées.

En effet, les prestations d'entretien traditionnelles, que sont les allocations familiales et le complément familial, reculent en volume, en raison principalement de la réduction de la taille des familles. En outre, ces prestations croissent en fonction de l'évolution de la base mensuelle des allocations familiales, qui se limite de façon regrettable, depuis des années, à compenser uniquement l'inflation.

À l'inverse, les prestations versées en faveur de la petite enfance progressent très rapidement, avec une augmentation de plus d'un quart en trois ans. Les dépenses d'allocation de base pour les enfants de moins de trois ans augmentent beaucoup plus vite que prévu, car elles sont accessibles à un plus grand nombre de familles ; les prestations d'aide à la garde ont augmenté, en trois ans, de 40 %, en raison de la revalorisation du montant des aides et du recours accru des parents aux modes de garde payants.

On constate enfin un rythme de croissance élevé des prestations en faveur des personnes handicapées, notamment de l'allocation d'éducation spéciale.

À cet égard, la commission des affaires sociales rappelle que la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 prévoit d'harmoniser les modalités de compensation du handicap entre enfants et adultes handicapés d'ici à cinq ans. Nous aurons donc à débattre prochainement des périmètres d'intervention respectifs de la branche famille et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.

Avec un budget de 3, 5 milliards d'euros, l'action sociale constitue le deuxième poste de dépenses de la branche famille. Son attachement à ce champ d'intervention s'est traduit dans la nouvelle convention d'objectifs et de gestion 2005-2008 par une progression des moyens de l'action sociale de 7, 5 % par an sur ladite période.

La branche famille intervient, enfin, dans le domaine des aides au logement.

À ce titre, les dépenses devraient s'élever, en 2006, à 7, 2 milliards d'euros. Les familles les plus modestes, pour lesquelles les allocations logement constituent une ressource essentielle, voient leur pouvoir d'achat se dégrader du fait de la progression sans précédent des loyers.

C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales se félicite de la décision qui a été prise de modifier l'indice de référence de l'évolution des loyers, afin que ce dernier retrace plus fidèlement la charge liée au logement.

Dans ce contexte financier, la priorité de la politique familiale demeure l'accueil du jeune enfant.

En France, le fort taux d'activité des femmes pénalise moins qu'ailleurs la natalité, dont le taux reste cependant insuffisant -même légèrement, pour le moment -, pour renouveler les générations. Il est donc toujours nécessaire de créer un environnement plus favorable à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, afin d'accompagner les familles dans leur désir d'avoir un enfant.

La création du nouveau complément optionnel de libre choix d'activité, le COLCA, va dans le bon sens. Ayant une durée plus courte, on devrait ainsi éviter que les personnes, souvent peu qualifiées, qui cessent de travailler pour élever leurs enfants, ne tombent dans le piège du chômage en s'éloignant trop longtemps du marché du travail. Une meilleure rémunération offre également aux parents qui disposent de revenus moyens un véritable libre choix.

J'approuve également l'amélioration apportée au régime relatif à l'allocation de présence parentale, qui remplace le congé incompressible de quatre mois renouvelable par un compte crédit de 310 jours que les parentes peuvent prendre librement pendant trois ans, en fonction des contraintes liées au traitement de l'enfant.

Cette réforme devrait enfin permettre d'aider, dans la vie quotidienne, les 13 000 familles qui connaissent chaque année la situation douloureuse d'accompagner un enfant gravement malade.

La commission des affaires sociales a eu le même souci pour prendre en compte la situation particulière des mères d'enfants prématurés.

Vous vous en souvenez sans doute, mes chers collègues, nous avons prévu cette prise en charge, dans la loi du 11 février 2005, mais nous avons omis d'indiquer expressément que ce congé était indemnisé. Faute d'une telle précision, qui nous semblait aller de soi, les jeunes mères sont aujourd'hui contraintes de prendre des congés sans solde.

L'été dernier, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, nous avons réparé notre oubli. Mais nous ne savons toujours pas, monsieur le ministre, quand la navette reprendra sur ce texte, et l'attente devient insoutenable pour les familles. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'ores et déjà de prévoir, dans le présent projet de loi, l'indemnisation de ce congé prolongé, quitte ensuite à supprimer les dispositions redondantes dans le texte relatif à l'égalité salariale lorsqu'il viendra en deuxième lecture.

La priorité accordée à l'accueil du jeune enfant se traduit également par la poursuite d'une politique volontariste en matière d'offre de garde.

Ainsi, conformément à la déclaration de politique générale du Premier ministre en juin dernier, 165 millions d'euros sont affectés à la mise en oeuvre d'un quatrième « plan crèche » de 15 000 places.

Par ailleurs, l'application généralisée de la prestation de service unique devrait enfin permettre une optimisation du taux d'occupation des places existantes. La commission des affaires sociales se félicite du pragmatisme dont fait preuve la CNAF pour mettre en oeuvre ce dispositif : les structures en difficulté vont en effet pouvoir bénéficier d'un accompagnement financier personnalisé.

L'année 2006 sera également l'année de l'entrée en vigueur de la réforme du statut des assistants maternels. La commission des affaires sociales a d'ailleurs noté avec satisfaction, monsieur le ministre, que le Gouvernement améliore encore la solvabilité du recours à ce mode de garde, grâce à un doublement du crédit d'impôt pour frais de garde.

Je présenterai maintenant les nouveaux défis qui attendent la branche famille.

Le premier défi est celui de la lutte contre la pauvreté des familles. Un rapport du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, avançait, en 2004, que deux millions d'enfants vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, notamment dans les familles monoparentales et les familles nombreuses. Pour ces familles, les prestations familiales représentent presque le quart des transferts sociaux qu'elles reçoivent.

Notre commission estime que, s'agissant de la CNAF, plusieurs pistes mériteraient d'être explorées pour atteindre l'objectif fixé par le Premier ministre de 250 000 enfants pauvres de moins d'ici à 2007. Il conviendrait ainsi de réfléchir aux modalités d'une participation des CAF à un parcours d'insertion pour les bénéficiaires de l'API ou à la mise en place d'une priorité d'accès aux places de crèches pour les bénéficiaires de minima sociaux.

Il est cependant indispensable de veiller à la cohérence des mesures qui pourraient être prises dans ce domaine. A cet effet, nous pouvons compter sur la vigilance du groupe de travail sur les minima sociaux, constitué au sein de notre commission.

Nous devons également faire face à un défi propre au développement de notre société de l'information : celui de la protection des enfants contre les dangers d'Internet.

Le Gouvernement, à la suite des conclusions de la conférence de la famille, a retenu plusieurs axes de travail : la mise en place d'outils de contrôle parental ou la création d'un label « famille » pour recenser les sites respectueux des règles de protection de l'enfant.

Nous devrons sans doute, à l'avenir, faire preuve de la plus grande fermeté vis-à-vis des différents acteurs d'Internet. Il est également nécessaire de poursuivre dans la voie de la coopération internationale, afin de mettre fin à des situations d'impunité intolérables. Cependant, l'État ne pourra jamais substituer sa vigilance à celle des parents. C'est la raison pour laquelle nous suivrons avec grand intérêt les résultats de la campagne de sensibilisation « grand public » envisagée par le Gouvernement pour encourager un usage raisonné d'Internet par les enfants.

Pour répondre à ces nouveaux enjeux, il sera sans doute nécessaire de mobiliser de nouveaux moyens. Ce constat souligne, s'il en était besoin, la nécessité d'un retour à l'équilibre rapide de la branche famille.

En attendant, dans le cadre du PLFSS pour 2006, votre commission vous propose d'approuver le budget de la branche famille, sous réserve de quelques amendements de précision qui n'en modifient pas les équilibres financiers généraux.

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