Le Gouvernement opère des coupes claires dans les interventions de la sécurité sociale pour parvenir à imposer, à terme, le panier de soins a minima, tandis qu'il ménage une large ouverture au marché concurrentiel privé pour la prise en charge des risques sociaux. Et c'est bien sous l'angle de cette volonté de privatisation, de démantèlement du modèle de solidarité nationale qu'il faut interpréter un déficit multiplié par quatre depuis l'arrivée de votre majorité au pouvoir, messieurs les ministres.
Pour vos réformes, en effet, quelle meilleure justification qu'un déficit de 11, 9 milliards d'euros cette année, dont 8, 3 milliards d'euros pour la branche maladie, 0, 5 milliard d'euros pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles, 2 milliards d'euros pour la branche vieillesse et 1, 1 milliard d'euros pour la branche famille ?
Pour la première fois, les quatre branches du régime général sont dans le rouge, et ce projet de loi de financement est vide de toute mesure de progrès social.
Permettez-moi de revenir sur chacune des quatre branches.
Monsieur le ministre, votre attitude sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles n'est pas acceptable. Comment pouvez-vous couvrir la sous-déclaration des maladies professionnelles, alors que le rapport de la mission commune d'information sénatoriale sur l'amiante est venu attester fort à propos, et sans surprise, l'ampleur de cette pratique inadmissible des entreprises et confirmer que la déclaration est le préalable à toute gestion efficace de prévention et de réparation ? Encore faudrait-il que les médecins du travail - à supposer qu'ils soient en nombre suffisant, ce qui n'est pas le cas - puissent remplir sereinement et leur mission et la mener librement.
Pour la cinquième année consécutive, vous laisserez délibérément en déficit cette branche importante de notre système de protection sociale, qui doit fonctionner sur le principe d'équilibre posé par la loi, inscrit dans le code de la sécurité sociale. Ce principe devrait, aujourd'hui plus que jamais, être respecté pour garantir la réparation due aux victimes de l'amiante et pour faire face à l'accroissement des maladies professionnelles reconnues.
Quant à la branche famille, elle sert de plus en plus de variable d'ajustement, si l'on en juge aux prévisions, qui établissent son déficit à 1, 1 milliard d'euros cette année. C'est la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, qui supporte indûment le coût financier de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, et encore ne tenez-vous pas votre promesse d'étendre le bénéfice de la PAJE aux enfants nés avant le 1er janvier 2004 !
La branche vieillesse accuse, elle, un déficit record et vous n'avez trouvé, dès 2003 d'ailleurs, d'autre solution provisoire que d'augmenter de 0, 2 point la cotisation vieillesse pour les retraites. En l'état de notre information, l'essentiel doit être supporté par les salariés à hauteur de 0, 15 %, contre 0, 05 % seulement pour les entreprises.
Allez-vous revenir à plus de justice, monsieur le ministre, et répartirez-vous l'effort un peu plus équitablement entre les salariés et les entreprises ? Vous avez, semble-t-il, amorcé un mouvement en ce sens, mais nous souhaiterions vous entendre le confirmer.
Les régimes complémentaires ne vont pas mieux : l'ARRCO, l'Association des régimes de retraites complémentaires, affichera un déficit de 3, 1 milliards d'euros cette année et de 2, 3 milliards d'euros en 2006.
L'AGIRC, l'Association générale des institutions de retraites des cadres présente, elle, une ardoise de 450 millions d'euros cette année, qui pourrait augmenter de 200 millions d'euros l'année prochaine.
Quant à l'assurance maladie, j'aurai l'occasion, dans le débat qui va suivre, donc demain soir, de revenir plus longuement sur sa situation, catastrophique tant pour les soins de ville que pour l'hôpital.
Or, ne nous y trompons pas, c'est bel et bien la politique économique du Gouvernement qui est à l'origine de la crise de financement sans précédent de la sécurité sociale et de son déficit abyssal, puisqu'il a été multiplié par quatre depuis 2002.