Intervention de Muguette Dini

Réunion du 14 novembre 2005 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, les projets de loi de financement de la sécurité sociale se succèdent et se ressemblent.

Plus d'un an après l'adoption de la grande réforme de la branche maladie dans le cadre de la loi du 13 août 2004, les premiers bilans de l'application des mesures emblématiques de cette dernière ne nous permettent pas d'envisager l'avenir de la sécurité sociale de manière sereine.

Ainsi, le médecin traitant sera sans doute plus une source de dépenses que d'économies. Même les effets potentiellement vertueux du parcours de soins sont vidés de leur substance par les dérogations importantes qui subsistent.

Par exemple, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire peuvent librement y déroger. En effet, dans l'état actuel de la législation, leurs contrats ne sont pas inclus dans la liste des contrats dits « responsables » pour lesquels les assurances complémentaires ne remboursent pas la majoration de participation en cas d'entorse à la primo-consultation du médecin traitant.

Le présent PLFSS entame déjà le « détricotage » de cette mesure en y apportant de nouvelles dérogations. La seule dérogation qui nous paraisse positive est celle qui est prise au profit des médecins nouvellement installés. Elle est la bienvenue pour favoriser une meilleure répartition de l'offre médicale sur tout le territoire national.

Le dossier médical partagé, seule innovation très positive pour améliorer la qualité des soins, n'est certainement pas source d'économies à court terme. En outre, il ne sera probablement pas prêt dans les délais initialement prévus.

Notre sentiment face à la réforme de 2004 a été, hélas ! confirmé par les résultats de l'étude sans précédent que l'UDF a récemment menée auprès de tous les médecins de France. Ceux que l'on a souvent désignés comme les privilégiés de la réforme ont exprimé, à près de 80 %, leurs fortes réserves à son endroit.

Plus grave encore, le principal objet de la loi de 2004 était d'assurer un retour à l'équilibre du régime général à l'horizon de 2007. Au moment de l'examen de ce texte, nous avions signalé que de telles déclarations n'étaient pas sincères. Avec le présent PLFSS, le Gouvernement le reconnaît implicitement.

Dans votre projet de loi, les chiffres sont heureusement rendus beaucoup plus lisibles par la réforme de la loi organique encadrant les lois de financement de la sécurité sociale. Ces chiffres sont sans surprise, puisqu'ils avaient été annoncés plus tôt par la commission des comptes de la sécurité sociale et par la Cour des comptes, cette dernière allant même jusqu'à dire que « la protection sociale n'est plus financée ».

En 2005, le déficit de l'ensemble des régimes de base devrait atteindre les 16, 6 milliards d'euros, contre 12, 1 milliards d'euros en 2004. Certes, le déficit de la branche maladie passera de 11, 9 milliards d'euros à 8, 3 milliards d'euros, mais il n'en demeure pas moins le deuxième plus important que la branche connaîtra depuis son origine.

Compte tenu de ces chiffres, l'hypothèse d'un retour à l'équilibre de cette branche d'ici à trois ans ne peut pas être crédible. La dynamique du déficit n'est pas enrayée, loin s'en faut ! Elle concerne maintenant toutes les branches. Pour la première fois, même la branche famille est dans le rouge.

Cette situation est bien sûr due à la montée en puissance du dispositif PAJE, mais aussi à la participation, à notre avis indue, de cette branche aux prestations gérées par le fonds de solidarité vieillesse.

Les organismes concourant au financement de la sécurité sociale, le fonds de solidarité vieillesse et le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles sont, eux aussi, devenus des foyers de déficit.

Fait sans précédent, ce budget a reçu un avis négatif des conseils d'administration des quatre caisses.

Le déficit de la sécurité sociale est principalement dû à l'ampleur des dépenses d'assurance maladie. Or ces dépenses évoluent en fonction de facteurs structurels bien connus. La santé est un bien dit « supérieur ».

La demande de biens de santé augmente plus vite que le produit intérieur brut. L'ONDAM est systématiquement sous-évalué en loi de financement de la sécurité sociale, ce qui impose un « rebasage » annuel entachant la sincérité de ces documents législatifs.

Face à ces évolutions structurelles, aucune réforme d'envergure ni aucune réforme de fond n'ont été mises en place.

Quand nous parlons de réforme structurelle, nous désignons un ensemble de mesures qui concrétiseraient une vision d'ensemble du système, une restructuration de toute la filière de l'offre de soins et de l'architecture de la gouvernance de cette branche.

La réforme de 2004 traitait à peine de la politique du médicament et faisait l'impasse sur tout le secteur hospitalier, pourtant responsable de 55 % des dépenses. Dans ces conditions, le déficit annoncé dans le PLFSS pour 2006 n'a rien d'étonnant. Vous nous annoncez 3 milliards d'euros de réduction de déficit alors que, dans le même temps, vous dégagez 4, 6 milliards d'euros de recettes. Si c'est cela la réduction du déficit, tout le monde sait le faire !

Sans réforme d'envergure pour obtenir des résultats et faire face à une crise majeure, la seule solution que vous proposez est l'accumulation de mesures strictement comptables, un saupoudrage sans grande cohérence d'augmentations de recettes et de baisses de dépenses.

Côté recettes, vous relevez de 0, 1 point la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles. à l'heure où les cotisations sociales plombent la croissance française, vous en ajoutez de nouvelles !

Pour trouvez 900 millions d'euros, vous anticipez les recettes de paiement des cotisations assises sur les plans d'épargne logement de plus de dix ans. Il fallait y penser !

Dans le même ordre d'idée, la mesure la plus emblématique de ce PLFSS est sans doute l'établissement de la franchise de 18 euros sur les actes médicaux d'un montant supérieur à 91 euros. Cette mesure rapportera peu, mais elle marquera beaucoup les esprits !

Pourquoi mettre en place une telle franchise ? S'agit-il de responsabiliser l'assuré ? La responsabilisation n'est possible que lorsque ce dernier a un choix. Or, face à une grosse opération ou un examen approfondi, quel choix a-t-il ?

Nous pensions que le débat sur les gros risques était clos. Cela ne semble pas être le cas.

Notre inquiétude va plus loin. Que deviendra cette franchise ? Lorsqu'il a été créé en 1983, le forfait hospitalier s'élevait à 2 euros ; il est aujourd'hui de 15 euros. Si cette franchise connaît une évolution similaire, à combien se montera-t-elle d'ici à quelques années ?

Nous demanderons donc la suppression de l'article 37 du PLFSS qui organise l'imputation sur le forfait hospitalier de cette franchise, dont la création nous paraît insupportable.

En tout état de cause, le maintien de cet article sera un moyen indirect d'augmenter les primes des organismes complémentaires. Vous le savez, monsieur le ministre délégué, leurs réserves financières exploitables sont chimériques.

Les seules réserves que possèdent ces organismes sont d'ordre prudentiel. Ils ne peuvent y toucher sous peine de contrevenir à la législation communautaire. C'est la raison pour laquelle ils envisagent une augmentation de 5 % à 6 % de leurs cotisations.

Le Gouvernement restreint en catimini le socle de l'assurance maladie de base et fait porter l'effort supplémentaire sur le privé.

In fine, ce sont toujours les assurés - du moins ceux qui le peuvent - qui paient. C'est un système de soins à deux vitesses qui se profile.

Au rythme où vont les choses, de plus en plus de citoyens seront dans l'incapacité de financer une assurance complémentaire, sans toutefois que leurs revenus ne leur permettent de bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire.

Côté dépenses, des sacrifices sont demandés aux hôpitaux, dont les crédits augmenteront de 3, 44 %, alors que, selon la Fédération hospitalière de France, une revalorisation de 4, 32 % est le taux minimum nécessaire au maintien des prestations actuelles.

On le voit, toutes ces mesures sont motivées par des considérations strictement comptables.

Nous l'avons dit et nous le répétons, l'heure est à la mise en place d'une réforme d'envergure.

La réforme que nous appelons de nos voeux devra assurer une meilleure répartition de l'offre de soins sur le territoire. Nous déposerons un amendement en ce sens.

Cette réforme passera aussi, et je dirais même d'abord, par une refonte du système de financement de la protection sociale. Nous présenterons donc des amendements tendant à amorcer cette évolution.

À cette fin, nous proposerons la mise en place d'une TVA sociale et l'extension de la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

De telles mesures devraient financer les allégements de charges patronales à hauteur de 18, 9 milliards d'euros et permettre une augmentation sensible des salaires nets, donc du pouvoir d'achat.

L'année dernière, l'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'était engagé à ouvrir rapidement le chantier de la TVA sociale. À ce jour, rien n'a encore été fait.

Monsieur le ministre délégué, quand allons-nous enfin cesser d'augmenter les prélèvements obligatoires et envisager de réelles économies ? Tous nos concitoyens nous le disent : « Arrêtez de nous ponctionner, nous n'en pouvons plus ! ». Or nous continuons de proposer de simples mesures d'ajustement, sans aborder le fond des difficultés.

Devant cette incapacité à prendre les problèmes à bras le corps, le groupe UC-UDF ne peut qu'exprimer sa très vive inquiétude.

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