Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 14 novembre 2005 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

Aussi, que ce soit en 2003, en 2004 ou en 2005, vous vous êtes à chaque reprise trompés - vous-même ou vos prédécesseurs, monsieur le ministre délégué - et vous nous avez trompés sur les prévisions annuelles du déficit du régime général de la sécurité sociale.

Dans ces conditions, vous comprendrez aisément notre défiance face à votre engagement de ramener à 8, 9 milliards d'euros le déficit du régime général en 2006, engagement d'ailleurs déjà critiqué, par presse interposée, par certains membres de votre propre majorité. Mme Dini vient de nous en fournir une nouvelle illustration. En somme, les années se suivent et se ressemblent, du moins pour ce qui nous concerne.

Par ailleurs, votre projet de loi de financement comporte deux nouveautés qui confortent notre propos.

D'abord, pour la première fois, l'ensemble des caisses sont en situation de déficit. Mes collègues évoqueront tout à l'heure plus en détail le déficit de la branche vieillesse - 1, 4 milliard d'euros - et celui de la branche famille - 1, 2 milliard d'euros - pour 2006.

Ensuite, fait sans précédent, le PLFSS pour 2006 fait l'unanimité contre lui parmi les acteurs de l'assurance maladie et du système de santé, à l'exception bien sûr du patronat. Et encore, en ce moment, celui-ci rase les murs, afin de ne pas être associé à la débâcle du Gouvernement !

Sans revenir sur l'appréciation des différents conseils d'administration des caisses, des syndicats et des associations d'usagers, je tiens à souligner la prise de position de la Mutualité française, qui a solennellement demandé aux parlementaires de « ne pas prendre la responsabilité d'amorcer ce désengagement profond de l'assurance maladie ».

À cet égard, on peut se demander si les propositions contenues dans ce PLFSS ne relèvent pas d'une stratégie délibérée, que le Gouvernement s'emploie à mettre en oeuvre depuis 2002. En effet, chacun le sent confusément, le temps est venu pour le Gouvernement d'une rupture radicale dans l'approche de la protection sociale.

Les analyses et les remèdes classiques ne sont plus à la hauteur des enjeux. Ouvrons les yeux !

Si rien ne change, nous assisterons à une révolte sociale, déjà concevable du fait des 37 milliards d'euros de dettes cumulées que les générations futures devront rembourser ! Si rien ne change, la désagrégation de la sécurité sociale et la croissance de l'exclusion médico-sociale s'enchaîneront implacablement !

Les slogans de pure communication, du type « nous allons sauver la sécurité sociale », « une assurance maladie de qualité pour tous » ou « l'équilibre des comptes est pour demain » dissimulent en fait l'indifférence dans laquelle le paquebot de l'assurance maladie sombre progressivement dans l'océan privatisé des secteurs assurantiels.

Par ailleurs, plusieurs mesures du présent projet de loi de financement pérennisent le choix d'une politique discrète et discrétionnaire, entamée depuis trois ans, en faveur d'un avenir libéral pour notre système de protection sociale.

L'instauration d'une participation de 18 euros pour les actes médicaux d'un montant supérieur à 91 euros en est une première illustration. Du reste, lorsque les membres de la commission des comptes de la sécurité sociale l'ont reçu en septembre dernier, M. le ministre de la santé et des solidarités n'a pas eu le courage de leur présenter le contenu de l'article 37.

Monsieur le ministre délégué, une personne malade ne décide pas de l'être et n'est pas coupable de devoir subir un traitement et de bénéficier des soins et des actes nécessaires. Un acte lourd ne relève pas d'une médecine de luxe et sa prescription ne résulte pas d'une envie personnelle des patients. Pourtant, vous faites le choix de punir ces derniers.

L'effort individuel réclamé à chacun pour se soigner s'intensifie toujours dans la même direction ; M. Fischer le faisait d'ailleurs observer tout à l'heure.

S'agit-il de combler le déficit, comme M. Xavier Bertrand l'a prétendu lors de la présentation du PLFSS pour 2006 au conseil des ministres ? Permettez-moi d'en douter, puisque seuls 100 millions d'euros sont attendus de cette mesure, soit à peine 0, 089 % du déficit ! Avec cela, le Gouvernement ne risque pas de combler grand-chose, monsieur le ministre délégué !

Il s'agit en réalité d'une tartuferie. Comment cette participation sera-t-elle prise en charge par les mutuelles sans que, comme M. le rapporteur pour avis de la commission des finances l'a très bien dit, les assurés sociaux en fassent les frais ? Comment imaginer que ces mêmes mutuelles resteront inactives face aux déremboursements ? Et que se passera-t-il pour les Français qui n'ont pas de mutuelle ? Au final, ce sont bien les citoyens qui paieront indirectement.

Hier, le prix de la consultation chez les médecins généralistes était porté à 20 euros, sans contreparties significatives de la part de ceux-ci. Aujourd'hui encore, face à la pression des firmes pharmaceutiques, le Gouvernement recule sur la taxation des laboratoires.

Nous abordons là un aspect essentiel non seulement du présent projet de loi de financement, mais également de la politique de santé du Gouvernement. En effet, la mesure proposée dans l'article 15 du PLFSS pour 2006 était motivée par des raisons financières, l'objectif étant de combler le déficit.

Vous proposiez que la diminution du déficit de l'assurance maladie, telle que prévue pour l'année prochaine, soit essentiellement liée à une mesure exceptionnelle de taxation du chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques. Cette hausse s'est d'ailleurs faite, je vous le signale, de façon uniforme sur tous les produits et sans concertation avec l'ensemble des acteurs de ce secteur.

Cette fois, monsieur le ministre délégué, vous n'avez vraiment pas de chance : ce sont les députés de votre propre majorité qui ont pris soin de revoir à la baisse la hausse temporaire de la taxe : elle ne sera finalement que de 1, 5 %, au lieu de 1, 96 %.

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