Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 14 novembre 2005 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

Mesurez-vous bien que notre pays risque de compter plus de deux millions de personnes dépourvues de couverture complémentaire ? Je ne le pense pas, et votre aide à la mutualisation apparaît bien désuète face à l'ampleur de ce transfert de charge. Qu'en sera-t-il si, par exemple - je n'ose l'imaginer ! -, au mois de juin prochain, devant l'ampleur des déficits, vous faites appel au comité d'alerte et que ce dernier prescrit de nouveaux déremboursements ou transferts de charges vers les assurés sociaux ?

De surcroît, votre politique a instauré une réelle inégalité d'accès aux soins. Les plus aisés, notamment ceux qui profiteront de votre réforme de l'ISF, peuvent aller consulter directement un spécialiste alors que les autres, sous peine de moindre remboursement, sont obligés de consulter le médecin traitant qu'il leur a bien fallu prendre. Il s'agit, ni plus ni moins, d'une médecine à deux vitesses.

Quant aux professionnels de santé, vous ne les appréhendez qu'au travers du prisme financier et clientéliste. J'en veux pour preuve la hausse à 20 euros de la consultation chez les généralistes, qui a coûté la bagatelle de près de 400 millions d'euros et dégagé des économies évaluées au mieux à 70 millions d'euros. En fait, les contreparties demandées aux médecins n'auront servi que d'alibi aux revalorisations tarifaires.

Avec le parcours de soins administratif et à vocation strictement comptable, vous avez donné naissance à une jungle tarifaire catastrophique. Vous avez poussé les spécialistes à s'affranchir du conventionnement médical. Leurs honoraires ont cru de près de 6 % cette année, alors qu'aucune contrepartie en matière d'organisation ou de qualité des soins ne leur a été demandée. Tout porte à croire que vous êtes sourd aux attentes de ces généralistes, notamment des plus jeunes.

Les médecins généralistes souhaitent une réelle reconnaissance de leur profession, la réorganisation de leur formation initiale, l'instauration d'une formation continue indépendante de l'industrie pharmaceutique, la prise en compte des réalités de terrain, la venue de remplaçants, la mise en oeuvre d'aides pour le développement des réseaux de soins, le regroupement des professionnels et un soulagement des tâches administratives.

De même, votre logique comptable a fait réagir les pharmaciens. Ces derniers, compte tenu de vos mesures d'économies menaçant de 5 000 à 20 000 officines, ont appelé au boycott des médicaments génériques, ce qui est un comble pour ceux qui doivent en être les promoteurs !

Si la santé n'a pas de prix, les soins ont un coût. Nos concitoyens ne veulent pas d'un système à l'américaine, comme cela a déjà été dit.

Permettez-moi de formuler un certain nombre de propositions qui, au lieu de tuer notre système de sécurité sociale, peuvent au contraire l'améliorer.

Il apparaît d'abord indispensable de revoir l'assiette des cotisations patronales. Nous proposons de substituer aux cotisations perçues sur les salaires une cotisation assise sur la richesse produite, modulée en fonction de l'engagement des entreprises pour l'emploi. À ce titre, doubler la contribution sociale sur les bénéfices et l'affecter totalement à l'assurance maladie serait tout à fait possible.

De même, au regard des inégalités existantes en matière d'accès aux soins, pourquoi ne pas inscrire comme objectif prioritaire l'installation de médecins dans les zones médicalement dépeuplées ? Vous aviez refusé de le faire dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique. Pourquoi y renoncer alors que la situation s'aggrave et qu'il est nécessaire d'enclencher une démarche de solidarité en matière d'accès à la santé ? N'est-il pas temps de mettre en oeuvre un réel soutien à une médecine coordonnant l'ensemble des acteurs de santé et favorisant leur mise en réseau ?

À titre d'exemple, cette logique a été mise en oeuvre dans les zones rurales, notamment au travers des réseaux de gérontologie. Les résultats collectés en matière de réponses aux besoins de la population sont appréciables et appréciés. (C'est dans cette voie qu'il faudrait avancer et non pas, comme on l'a constaté récemment dans mon département, le Rhône, en réduisant les plages d'ouverture des maisons médicales de garde, ce qui a pour conséquence d'engorger les hôpitaux.

Décloisonner les professions, l'hôpital et la médecine de ville, les mettre en réseau me semblent constituer les axes de la politique qu'il faut mettre en oeuvre.

Par ailleurs, et parce que la formation continue participe de la qualité des soins, n'est-il pas urgent de mettre en oeuvre une formation continue impartiale et non pas assujettie aux industries pharmaceutiques ? Face à l'assaut publicitaire que nous subissons quotidiennement, face aux problèmes que posent et poseront l'obésité et le surpoids, n'est-il pas essentiel de favoriser une réelle éducation à la santé ainsi qu'une véritable politique de prévention, plutôt que de donner toujours raison aux lobbies, sans égard pour les conséquences sanitaires ?

Désormais, le bilan s'affiche en chiffres rouges !

Nous nous opposons à cette stratégie, qui condamne notre système de protection sociale et la solidarité nationale qui le fonde tout en reportant scandaleusement, comme l'a déjà souligné mon collègue Bernard Cazeau, le passif de votre politique sur les générations à venir.

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