Le comité est déjà intervenu, mais il n'a pas proposé de mesures, puisqu'il a estimé que l'objectif ne serait pas dépassé. Or tel n'est pas mon avis, mais nous en reparlerons tout à l'heure !
La réduction du périmètre des soins pris en charge par les régimes obligatoires de base qui en résultera nécessairement sera relayée par un transfert vers les assurances complémentaires - du moins pour ceux qui en auront les moyens -, et le plan « Hôpital 2007 », comme celui qui lui succédera bientôt, viendra compléter le dispositif.
Vous vous inscrivez donc délibérément - mais ce n'est pas étonnant, monsieur le ministre -, dans la logique néolibérale de l'intégration économique européenne qui, à chacune de ses étapes, a eu des conséquences de plus en plus négatives en matière sociale.
L'idée selon laquelle les politiques sociales ne sont que du seul ressort national apparaît de plus en plus comme une fiction. La France est ligotée par ses engagements européens et, pour satisfaire aux critères de convergence et au pacte de stabilité, elle doit présenter un programme pluriannuel de maîtrise des comptes reposant sur la baisse des cotisations et des dépenses sociales.
Cette politique, vous le savez, monsieur le ministre, a été clairement condamnée par les Français lors du référendum du 29 mai dernier, même si dans cet hémicycle beaucoup d'entre vous préfèrent l'oublier.
Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que, après avoir fait campagne pour le « non » au référendum, nous ne puissions accepter de soutenir une politique qui combine la désindustrialisation, les délocalisations, le chômage, les profits boursiers et le démantèlement de l'État social.
Nous ne pouvons accepter d'abandonner aux acteurs économiques des institutions européennes la responsabilité de définir des orientations en matière sociale fondées sur la privatisation et la mise en concurrence de nos systèmes de retraites et de santé, ce qui n'est un gage ni de justice ni de générosité.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans la continuité de la réforme de 2004 et poursuit la remise en cause du principe de l'égalité d'accès aux soins, sans lequel il serait illusoire de prétendre que l'on peut durablement sauvegarder la santé de tous.
Les contributions forfaitaires que le Gouvernement multiplie font peser sur les patients une charge croissante de plus en plus difficile à supporter.
La dernière en date est particulièrement scandaleuse et injuste, parce qu'elle porte pour la première fois sur des actes lourds, qui ne sont jamais dispensés à la demande des patients et qui résultent toujours d'une prescription médicale.
L'effet cumulatif de toutes ces contributions peut être dissuasif et conduire les personnes les plus pauvres à renoncer aux soins. Ce faisant, non seulement on prend des risques en matière de santé publique, mais on quitte le champ de la solidarité pour entrer dans une logique assurantielle, où l'on sera d'autant mieux soigné que l'on disposera de ressources plus importantes.
Pour ne prendre qu'un exemple, une coloscopie sous anesthésie générale avec hospitalisation laissera à la charge du patient une somme totale de 33 euros. Ramenée au salaire moyen, c'est plus que ne peuvent supporter un grand nombre de nos concitoyens.
Le Conseil constitutionnel avait pourtant rappelé, dans sa décision sur la loi du 9 août 2004, les limites de l'institution de forfaits en matière de santé : ils ne sont valables que pour autant que le montant de la participation des assurés sociaux « soit fixé à un niveau tel que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ».
Or la solidarité entre les assurés n'est plus garantie lorsqu'elle est subordonnée à la souscription d'une assurance complémentaire, surtout lorsque les cotisations s'envolent sous l'effet de votre politique, même si l'on peut considérer, comme vous le faites, monsieur le ministre, que les assurances complémentaires n'ont rien à voir avec les assurés. Il n'empêche que ce sont les assurés qui paient les cotisations !
C'est le langage que tiennent tous les représentants des caisses complémentaires, quoi que vous en disiez quand vous vous autorisez à vous exprimer en leur nom sans qu'elles vous aient mandaté pour le faire. J'aurais plutôt tendance à me fier à leurs déclarations plutôt que de vous croire, monsieur le ministre !
L'aide à l'accession à une assurance complémentaire de santé ne saurait nous satisfaire et les dispositions contenues dans ce projet pour son extension n'y changeront rien. Selon nous, après avoir été définis dans des conditions impartiales, les soins utiles et nécessaires doivent être intégralement pris en charge par la collectivité pour assurer, non plus en théorie mais dans les faits, l'égal accès de tous à des soins de qualité.
Non seulement, monsieur le ministre, vous ne respectez pas ce principe fondamental de la sécurité sociale, mais encore vous n'atteignez pas les objectifs que vous vous êtes fixés.
La maîtrise médicalisée sur laquelle reposait la réforme, qui devait modifier les comportements tant des prescripteurs que des assurés, peut en effet d'ores et déjà être considérée comme un échec : le dispositif du médecin traitant rate sa cible en s'avérant à la fois onéreux et complexe, il est loin de remporter, contrairement à ce que vous avez indiqué tout à l'heure, l'adhésion des médecins généralistes. Une majorité d'entre eux - et je ne me contente pas de faire référence au sondage qu'a réalisé François Bayrou -, estiment qu'il n'est pas applicable et qu'il ne permettra pas la maîtrise des dépenses de santé.
Quant au dossier médical personnel - et je m'adresse là directement à Jean-Jacques Jégou, qui vient de publier un rapport dont j'ai lu quelques extraits dans la presse -, sa création devait faire économiser à l'assurance maladie 3 milliards d'euros par an à partir de 2007.