Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bien qu’il ne vise que des investissements privés, ce projet de loi de ratification d’un accord entre la France et la Guinée sur les investissements soulève quelques questions qui touchent aux difficultés de développement des pays d’Afrique et à la nature des aides que peut leur apporter notre pays.
En effet, l’investissement privé, s’il est réalisé de façon équitable, c’est-à-dire dans le cadre d’accords préservant les intérêts réciproques des investisseurs et du pays d’accueil, peut aussi contribuer au développement économique d’un pays aux côtés de l’aide publique. C’est malheureusement rarement le cas.
Je me prononcerai donc non pas directement sur la nature des investissements qui peuvent être garantis ici, mais plutôt sur l’opportunité de ratifier ou non cet accord dans le contexte politique actuel de la Guinée.
Cette convention est tout à fait classique et elle est identique à celles qui ont été signées avec une centaine d’autres pays, dont vingt-trois pays africains.
Toutefois, elle mérite l’actuelle discussion en séance publique, parce qu’elle illustre l’importance de ce type d’accords bilatéraux pour garantir un cadre juridique stable aux investisseurs et pour les prémunir contre certains risques, lorsque la situation intérieure de l’un des pays signataires est troublée.
J’émettrai cependant une réserve sur l’article 5 de l’accord, qui exclut toute possibilité de nationalisation ou d’expropriation par des personnes publiques. Je comprends tout à fait la légitimité de prévoir des indemnisations dans ces cas, mais je comprends moins bien la portée d’une telle interdiction auprès d’un État souverain.
Comme l’a rappelé M. le rapporteur, cet accord a été signé au début de l’année 2007, au moment où existait un timide espoir de mettre fin à la corruption et de démocratiser le régime du président Lansana Conté.
La nomination d’un nouveau premier ministre semblait alors pouvoir rendre confiance aux bailleurs de fonds internationaux et mettre fin à la suspension, pour cause de détournement, de l’accès à cette aide par le Fonds monétaire international.
Cet espoir a été balayé par la mort du président Conté et par le coup d’État militaire qui s’est ensuivi au mois de décembre 2008.
Nous touchons là au principal problème posé par cet accord. Il est donc nécessaire de créer les conditions pour que le peuple guinéen puisse à nouveau bénéficier des crédits internationaux, sans que cette aide soit détournée et gaspillée, et de favoriser l’annulation rapide de la dette publique de ce pays.
Notre pays, en raison des liens historiques étroits noués depuis plus d’un siècle avec la Guinée, pays francophone, doit naturellement jouer un rôle de premier plan dans ce sens.
Dans l’immédiat, en liaison avec la communauté internationale et les organisations régionales que sont l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, notre priorité doit être d’intervenir pour permettre l’établissement d’un ordre constitutionnel et démocratique normal.
Plus généralement, j’estime que ce type d’accord portant sur des investissements privés est d’une nature particulière et ne saurait en aucun cas pallier les insuffisances de l’indispensable aide publique au développement.
Il ne doit pas non plus faire oublier que la France se classait au onzième rang des contributeurs mondiaux en 2008, avec 0, 39 % de son produit national brut, en net recul par rapport aux années antérieures. Nous sommes loin de l’objectif des 0, 7 % fixé en 2005 par le G8 de l’époque.
J'ajoute que la crise actuelle risque d’avoir de terribles conséquences sur cette aide, qu’elle soit nationale ou internationale d'ailleurs, comme le directeur général du FMI s’en est fait l’écho il y a peu lors de sa venue en France.
Alors que le Président de la République, à la suite de son récent voyage en Afrique, a déclaré vouloir refonder nos relations avec ce continent, nous veillerons à ce que la signature de prochains accords avec d’autres pays soit conforme aux engagements pris.
En Guinée, les investissements privés concernent essentiellement le secteur bancaire, le bâtiment, les services portuaires et aéroportuaires et la téléphonie mobile, des activités qui, certes, sont utiles au développement économique, mais qui sont aussi soumises aux exigences d’une rentabilité financière immédiate, souvent difficilement compatible avec la satisfaction des besoins des populations.
Pour sa part, notre coopération à travers l’aide publique a plus particulièrement vocation à développer l’appui à la société civile, la culture, l’enseignement supérieur et la recherche, l’agriculture et la sécurité alimentaire, des activités qui, elles, bénéficient toutes directement à la population.
À cet égard, j’espère que notre pays mettra tout en œuvre pour contribuer à la stabilisation politique de la Guinée, afin de permettre la reprise du partenariat et de l’aide budgétaire interrompus par les récents événements.
Toutefois, la question de l’efficacité de notre politique d’aide publique envers les pays les plus pauvres reste entièrement posée.
Le groupe CRC-SPG votera donc ce projet de loi de ratification, mais il partage les réserves émises par notre rapporteur et invite le Gouvernement à en différer la notification aux autorités guinéennes tant qu’un régime démocratique n’aura pas été établi dans ce pays.