L’attractivité de notre pays repose également sur ses monuments, cathédrales, sites fortifiés et autres lieux, ses musées de niveau international, y compris dans les petites villes – je citerai le musée Matisse, au Cateau-Cambrésis, mais je sais que, dans les Pyrénées, des musées ont le même pouvoir d’attraction –, ses événements culturels – par exemple Avignon, Orange, Aix-en-Provence et leur cortège de festivals –, l’image positive de la culture française, ainsi que la variété de nos paysages : mer, montagne, campagne.
Ces facteurs contribuent à faire du tourisme un élément de dynamisme économique, d’autant qu’il s’agit d’une activité qui n’est pas délocalisable. Lié à notre territoire national, c’est le secteur le plus créateur d’emplois et il représente une part importante dans le solde de notre balance des paiements.
Ce succès est certainement dû à l’action persévérante conduite, depuis des décennies, par l’État, mais peut-être aussi, et surtout, aux politiques dynamiques des collectivités locales et territoriales, au travers de leurs CRT et de leurs CDT, ainsi que du réseau des offices de tourisme et des syndicats d’initiative.
Pourtant, le tourisme subit l’impact de la crise économique mondiale, ainsi que la dure concurrence de nos voisins, qui, il faut le reconnaître, ne manquent pas d’atouts, en particulier l’Espagne et l’Italie, ainsi que celle des pays émergents, tels que le Maroc, l’Égypte ou la Tunisie.
La situation, malgré une image qui peut sembler très positive, est donc en fait fragile et précaire. Elle exige que nous accentuions collectivement notre effort pour sortir de cette économie de « cueillette » de nos atouts naturels et historiques, qui ne sont plus suffisants aujourd'hui pour gagner la partie. Si nous n’y prenons pas garde, nous risquons même de la perdre dans les prochaines décennies, d’où l’intérêt, monsieur le secrétaire d'État, de la somme de vos propositions en vue de « muscler » un peu plus encore notre tourisme et rendre notre économie touristique plus performante.
Le catalogue des mesures présentées, notamment l’unification des actions de l’État, afin de mieux les cadrer, autour d’une nouvelle agence de développement touristique et la tentative de mieux maîtriser la procédure de classement des hébergements touristiques, de même que des restaurants, va ainsi dans le bon sens.
La création facilitée des agences de voyage, les possibilités accrues de développer les activités de commercialisation de services touristiques dans les offices de tourisme, l’élargissement des possibilités d’utiliser les chèques-vacances dans les entreprises de moins de cinquante salariés sont autant de mesures qui étaient attendues.
Cependant ces propositions ne sont pas à la mesure des problèmes relatifs au tourisme en France et à son organisation. Elles restent en effet souvent imprécises et incomplètes. La nouvelle procédure de classement, notamment, n’est pas très claire. Qui fera quoi, et comment ? Selon quels critères d’appréciation la commission de classement va-t-elle fonctionner ? Il s’agit là de questions importantes auxquelles il nous faudra répondre plus précisément.
Un autre aspect n’est pas abordé ; je veux parler de la dimension environnementale du tourisme, alors qu’à l’heure des Grenelle I et II nous devons mettre en place la charte européenne du tourisme durable, déjà instaurée dans certains parcs naturels régionaux.
Il faut développer une pratique de l’écoresponsabilité. Dans le parc que je préside, le parc naturel régional de l’Avesnois, ont été mises en place des formules d’écodiagnostic des équipements touristiques : je peux vous assurer que les partenaires, aussi bien publics que privés, ont suivi le mouvement et en sont extrêmement satisfaits.
Mon souhait est donc que le tourisme se développe dans le respect de l’environnement et sur la base de la solidarité entre les acteurs locaux.
L’autre challenge est d’arriver à inciter plus de Français à partir en vacances. Depuis plus de vingt ans, le pourcentage de vacanciers qui partent stagne ou diminue. Certes, la diffusion plus large des chèques-vacances devrait avoir des effets positifs, mais des mesures plus spécifiques destinées aux chômeurs, aux RMIstes, aux jeunes, aux retraités à faibles ressources, seraient indispensables. Si nous voulons aboutir au résultat visé, il nous faut investir ce champ d’action.
De plus, on constate que le tourisme social est toujours en crise. Certains équipements vieillissent mal et sont obsolètes, indignes. Un plan de soutien à leur requalification est absolument nécessaire.
Enfin, face aux excès du tourisme, qui peut conduire à une destruction des sites naturels et à une émission inquiétante de gaz à effet de serre liée au transport, face à la marchandisation des sites et des paysages, il faut mettre en place des formes de tourisme alternatives, moins consommatrices d’énergie, davantage respectueuses des populations et de l’environnement, bref, un écotourisme social et solidaire.
Dans le même ordre d’idée, il faut combattre le système selon lequel le prix des billets d’avion ou de train n’est plus calculé en fonction du nombre de kilomètres parcourus, indépendamment de l’heure ou du jour de voyage. Ce système, exclusivement fondé sur l’offre et la demande, fait varier le prix des places dans un même train ou un même avion, et conduit aux excès insupportables du surbooking. Ainsi, les compagnies aériennes – même Air France ! – sont autorisées à laisser « en carafe », à l’aéroport, des touristes qui avaient pourtant acheté leur billet.
Je suis étonné que la loi autorise un tel procédé, qui marque le plus grand mépris à l’égard du touriste – qui perd ainsi une journée de vacances – ou de l’homme d’affaires – qui peut manquer un rendez-vous important. Cette mésaventure m’est arrivée tout récemment, à l’occasion de mon départ pour le Forum mondial de l’eau. Je me permets donc de le dire publiquement : je trouve vraiment scandaleux que, à votre arrivée à l’aéroport, le personnel puisse vous expliquer, sur un ton condescendant absolument insupportable, qu’il n’y a plus de place dans l’avion que vous deviez prendre et que vous attendrez le vol suivant, prévu en fin de soirée. Il nous faut faire en sorte que, demain, de telles pratiques ne soient plus possibles, car, finalement, elles donnent au touriste étranger une image déplorable de la France.
Des possibilités de conforter notre tourisme existent ; il faut nous en donner les moyens. Les exigences de l’homo touristicus contemporain sont fortes : soif de découverte, d’aventure, de dépaysement… Ces « pèlerins modernes qu’aucune foi n’anime », selon l’expression d’un sociologue, demandent toujours plus. Il faut donc un personnel mieux formé à tous les aspects du métier – accueil, pratique des langues étrangères, direction des équipements touristiques, management, culture professionnelle de nos guides – et davantage payé. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, si la TVA sur la restauration est diminuée, j’espère que vous serez intraitable et que vous exigerez fermement, en contrepartie, des obligations de formation et des augmentations significatives de salaires dans le secteur touristique.
Il faut également être à l’écoute des nouveaux modes de consommation. Il importe de susciter une offre créative, diversifiée, innovante, vers les populations que je qualifierai pudiquement de « seniors », une offre prenant en compte les valeurs de bien-être, de soin du corps, une offre de vacances que l’on appellera « intelligentes », destinées à des clients assoiffés d’authenticité…