Mais, monsieur le secrétaire d'État, les faits sont têtus ! Et la révision générale des politiques publiques a enclenché des processus qui remettent en cause l’existence même d’une politique publique forte du tourisme.
Au 1er janvier 2009, le regroupement de la direction générale des entreprises, de la direction du tourisme et de la direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales a donné naissance à la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, placée sous l’autorité du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Au niveau territorial, les dynamiques s’inscrivent dans le même mouvement de fusion-restriction.
Cette réforme risque de conduire à la perte de la mention explicite du tourisme, ainsi que de son caractère interministériel. Nous ignorons même si les missions de l’État en matière de tourisme seront conservées, à l’échelon central comme régional. Les directions régionales du tourisme continueront-elles, par exemple, d’assumer leur rôle de conseil aux collectivités locales, notamment dans l’organisation touristique des territoires ?
Je tiens également à souligner le manque de moyens engagés par l’État pour sa politique publique, notamment en ce qui concerne l’accès de tous à des vacances de qualité.
Dans le projet de loi de finances de 2009, 59 millions d’euros ont été consacrés à la politique du tourisme, soit 10, 6 % de moins que l’année précédente. Le budget du tourisme ne représente ainsi que 0, 02 % du budget de l’État, alors même que le secteur touristique représente 6 % du PIB, avec un solde positif de 12, 8 milliards d’euros, devant l’agroalimentaire et l’automobile.
Une nouvelle fois, c’est l’amélioration de l’accès aux vacances pour tous, avec un peu plus de 4 millions d’euros, qui a été sacrifiée sur l’autel d’une anémie budgétaire, réduite à une politique de promotion, certes nécessaire, mais non suffisante.
Le présent projet de loi reconduit plus ou moins cette logique. Les quelques bonnes mesures qu’il contient sont encore loin des attentes et des besoins. Pour reprendre le terme de Mme le rapporteur, il s’agit d’une initiative « modeste », un palliatif à toutes les carences financières et structurelles de la politique du Gouvernement en la matière.
L’extension de la diffusion des chèques-vacances est une avancée, que nous saluons comme telle. Accroître le nombre de bénéficiaires auprès des salariés, et de leurs partenaires, des TPE-PME, qui ne représentent que 1 % des détenteurs, et développer le réseau commercial sont des propositions utiles, qu’il faut soutenir. Mais notre objectif est aussi de favoriser l’accès au tourisme d’autres catégories de la population que les salariés, notamment les catégories les plus défavorisées, parmi lesquelles les jeunes, les personnes âgées, les personnes handicapées et les familles nombreuses, bref tous ceux qui sont les plus exposés à la crise actuelle.
Dans son avis de 2006, le Conseil économique et social estimait déjà que l’enjeu était si important « qu’il mériterait la mise en œuvre d’un véritable programme de politique sociale au profit des plus démunis parmi lesquels on compte nombre de personnes âgées, de jeunes, d’handicapés exclus de la société ».
Après les semaines agitées qu’ils ont connues, je tiens à souligner les spécificités des territoires ultramarins en termes d’offre touristique, spécificités que ce projet de loi ne prend pas suffisamment en compte.
À la suite du conflit social et économique antillais, vous aviez annoncé, monsieur le secrétaire d’État, vouloir poser les bases d’un plan de rénovation de l’offre touristique antillaise, qui dresserait d’abord le bilan des conséquences de ce conflit sur le secteur touristique, puis passerait en revue les différentes actions possibles sur le court, moyen et long terme.
Il faut toutefois bien avoir à l’esprit que cette problématique n’est pas récente puisqu’elle est liée aux questions non seulement de taxes sur les transports et de desserte parisienne, mais aussi de formation de la main-d’œuvre, de réhabilitation de l’immobilier de loisirs et de rénovations hôtelières.
Sur l’initiative de notre collègue Claude Lise et de ses collègues ultramarins, le groupe socialiste défendra six amendements traitant de ces questions. Nous attendons que vous vous exprimiez sur ces propositions, monsieur le secrétaire d’État, et que vous nous en disiez plus sur vos intentions.
Plus globalement, et pour revenir sur l’enjeu social, je rappelle simplement que la loi de 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions a reconnu un droit aux vacances pour les plus démunis, y compris les chômeurs et les bénéficiaires du RMI. Permettre au plus grand nombre de partir, notamment à ceux qui ne partent jamais ou ne pourraient le faire pour des raisons économiques, telle est, et doit être, la mission du tourisme social.
En valorisant des zones à faible densité de population, le tourisme social favorise l’aménagement du territoire, auquel nous sommes tous attachés. Mais il se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, partagé entre sa vocation sociale et les impératifs de plus en plus contraignants d’une économie de marché. De plus, il lui faut affronter l’évolution des attentes des Français quant à leurs vacances.
Dans le même temps, les associations de tourisme doivent faire face à des difficultés grandissantes. Le patrimoine vieillit : si un quart des installations hôtelières est très dégradé, voire obsolète, une moitié d’entre elles nécessite un effort de rénovation important. Des réglementations successives exigent des mises aux normes coûteuses pour permettre l’accueil des jeunes, des personnes âgées ou en situation de handicap, alors que les aides publiques et sociales marquent un net retrait, s’agissant aussi bien des aides à la pierre que des aides à la personne.
Enfin, l’évolution de la réglementation en termes d’hygiène et de sécurité exige toujours plus d’aménagements, qu’il faut bien financer.
Monsieur le secrétaire d’État, le tourisme social devait être votre dossier prioritaire cette année. Il faudrait que les orientations de la nouvelle politique soient détaillées à l’automne lors des Assises du tourisme 2009. On doit donc s’attendre à un nouveau projet de loi spécifique sur le tourisme social pour la fin de l’année. Mais pourquoi ne pas avoir fait déjà des propositions dans ce projet de loi, avant un été 2009 au cours duquel nombre de nos compatriotes resteront chez eux, faute de moyens ?
Devant le manque de volonté politique sur cette thématique, et ce depuis plusieurs années, ce sont encore une fois les collectivités territoriales et leurs prolongements – offices du tourisme, comités départementaux et régionaux du tourisme – qui ont mis en place des stratégies d’accueil collectif à vocation sociale, qui réalisent les investissements nécessaires et travaillent avec les organismes sociaux et associatifs.
Les collectivités peuvent jouer un rôle dans la modernisation de ce secteur. Mon collègue a parlé des départements ; j’ajouterai les régions et je prendrai comme exemple la mienne. La région Bretagne a ainsi procédé à l’élaboration d’un schéma régional du tourisme, voté en juillet 2007, qui comporte de nombreuses actions consacrées au développement spécifique du tourisme durable, donc aussi social. Dans le cadre du plan de relance régional, elle a également engagé un million et demi d’euros pour mettre aux normes les structures d’accueil, notamment ce qui concerne les personnes handicapées.
Dans la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, et en étroite cohérence avec les politiques et les moyens mis en œuvre par les collectivités locales, il appartient à l’État d’assumer ses responsabilités pour proposer sur l’ensemble du territoire national et à destination de tous nos concitoyens une offre touristique diversifiée, de qualité, et surtout socialement adaptée.
Avec raison, Mme le rapporteur a écrit que « la relance de l’offre et le développement de l’activité économique, d’une part, la stimulation de la demande et l’essor du tourisme social, d’autre part, sont les deux bouts d’une chaîne qu’il faut réunir ». Il semble, et je le regrette, que, pour le moment, dans cette chaîne, manquent deux maillons : l’accessibilité pour tous et la diffusion équitable de pratiques touristiques durables, respectueuses des solidarités humaines et territoriales.