ministre chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, monsieur le président Yvon Collin, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat organisé par votre Haute Assemblée cet après-midi est une occasion inédite et utile d’évoquer de manière approfondie la question de l’application des lois. Au nom du Premier ministre, je voudrais vous en remercier.
À cet égard, c’est vrai, il reste certainement beaucoup de travail à faire. Néanmoins, je souhaite vous exposer de manière détaillée celui qui a d’ores et déjà été accompli.
Sous des abords techniques, cette question de l’application des lois est majeure tant du point de vue du bon fonctionnement des institutions que de la confiance de nos concitoyens dans la représentation nationale : j’ai eu l’occasion de le dire dans l’exercice de plusieurs fonctions que j’ai exercées en tant que parlementaire et je le redis aujourd’hui en ma qualité de membre du Gouvernement. Or il est rare que cette question soit évoquée avec la précision requise.
Si le Parlement a pris, au fil des ans, de nombreuses initiatives pour inciter le Gouvernement à la diligence en ce domaine, notre débat de ce jour est le premier à permettre que la question soit traitée de manière à la fois étayée et globale, et c’est en cela qu’il est utile.
Oui, je n’en disconviens pas, il y a des progrès à réaliser pour l’application des lois. Le Premier ministre, François Fillon, en a pris conscience dès le début de la législature. Sur l’initiative du Président de la République, une circulaire a été prise le 28 février 2008 afin de faire en sorte que la situation s’améliore pour ce qui regarde le Gouvernement et l’administration.
Une rapide et complète application des lois répond, vous l’avez tous dit, à une triple exigence : de démocratie, de sécurité juridique et de responsabilité politique.
Vous vous êtes longuement expliqué, monsieur Collin, sur la sécurité juridique, car le doute sur l’applicabilité de la loi dans l’attente des décrets nécessaires à sa mise en œuvre ne peut que troubler le règlement des situations juridiques et peser sur nos entreprises et nos concitoyens.
L’application des lois constitue aussi un enjeu de responsabilité politique puisque l’article 21 de la Constitution confère au Gouvernement la charge de l’exécution des lois. Sans diligence de sa part, les réformes votées par le Parlement tarderaient à produire leurs effets.
Elle pose, enfin, une question de simple démocratie, car, en dernière instance, c’est tout le crédit de l’action publique qui est en jeu si l’écart se creuse entre les choix du législateur et l’édiction des mesures réglementaires nécessaires à leur mise en œuvre.
De tout cela, je le répète, le Gouvernement est parfaitement conscient.
C’est pourquoi, dans la circulaire du 28 février 2008, le Premier ministre a fixé au Gouvernement une obligation de résultat, qu’il a qualifiée d’élément central du suivi des réformes : les décrets d’application des lois doivent être pris dans les six mois qui suivent la publication de celles-ci.
Monsieur Collin, vous êtes remonté, dans votre intervention, à 1984 ; le rapport, quant à lui, remonte à 1981. Je voudrais que l’on reste dans une échelle de temps qui nous permette de comparer ce qui est comparable. Si je ne conteste pas la remarquable qualité du rapport du Sénat, d’autant que je connais la compétence des sénateurs qui y ont travaillé et des collaborateurs qui les ont secondés, si je ne nie pas l’exactitude des chiffres, je pense qu’il vaut mieux s’en tenir à une échelle de temps plus réduite.
Entré en fonctions voilà seulement deux mois, je voudrais examiner ce qui a été fait depuis 2007, date de l’élection du Président de la République. Je ne remonterai donc pas jusqu’en 1984 et encore moins jusqu’en 1981 !
Selon vous, 71 % des décrets d’application avaient été pris au titre de l’année parlementaire 2009-2010. Or, selon le document publié il y a quelques jours sur l’initiative du secrétaire général du Gouvernement et du ministère dont j’ai la responsabilité, ce chiffre a été porté à 81 %. Vous voyez qu’il y a un progrès !
Le verre est toujours à moitié plein ou à moitié vide ! Moi, je préfère le voir à moitié plein. Et que lis-je dans la seconde partie du rapport du Sénat ? « Un bilan positif : les commissions confirment que l’année parlementaire 2009-2010 est caractérisée par une amélioration du taux de mise en application des lois les plus récentes. » Merci de reconnaître que, sur l’année 2009-2010, des efforts sensibles ont été réalisés !
Bien sûr, je le comprends bien, chacun peut aussi trouver dans ce rapport matière à critiques. J’accepte celles-ci, mais je voudrais que l’on reconnaisse qu’on y trouve aussi des motifs de satisfaction.
On ne peut ignorer que la circulaire de 2008 a profondément rénové l’approche dans ce domaine, et cela principalement de trois manières.
D’abord, il est prévu que, dans chaque ministère, une personne clairement identifiée est chargée de veiller à la bonne application des lois qui concernent ce ministère. Une équipe s’organise autour de ce haut fonctionnaire, qui a la responsabilité d’un suivi de l’ensemble des travaux du ressort de son département ministériel.
Ensuite, chaque loi fait l’objet, dès sa publication, d’un examen circonstancié et donne lieu, au niveau interministériel, à la mise au point d’un tableau de programmation des décrets d’application. Ce tableau est transmis très régulièrement aux présidents des deux assemblées. Il est donc à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs. C’est évidemment un élément essentiel tant il est vrai que l’application des lois est un enjeu majeur pour l’ensemble de la collectivité nationale.
Enfin, depuis 2008, les tableaux de programmation ainsi que le suivi précis et quotidien des décrets d’application sont accessibles sur le site Légifrance : cela vaut donc tant pour les parlementaires que pour tous nos concitoyens. Chacun peut y avoir accès, dans la transparence la plus totale.
Ainsi, le Premier ministre adresse aux assemblées l’ensemble des travaux de programmation arrêtés par le Gouvernement et communique, une fois par semestre, aux présidents des assemblées, des bilans complets de la mise en œuvre des lois de la législature. Tout le monde peut y avoir accès. Cela me semble constituer un progrès important, même s’il n’est sans doute pas suffisant.
Ce dispositif permet au Gouvernement de faire état depuis plusieurs semestres de résultats parfaitement tangibles et vérifiables. Ils traduisent, monsieur Sueur, un profond changement de situation par rapport aux époques antérieures, où la complainte sur les retards dans l’application des lois était devenue une antienne de notre vie politique ! Il ne faudrait pas ne vivre que sur les idées anciennes !