Par conséquent, ce que vous souhaitez est une fausse bonne idée, car cela permettrait au contraire de ne pas avoir à appliquer la loi !
C'est la raison pour laquelle je préfère que vous, législateurs, restiez les gardiens vigilants de l’application des lois et que le Parlement dans son ensemble, par un travail constructif avec le Gouvernement, pointe les carences qui peuvent exister et détermine les moyens d’y remédier. Croyez-moi, c’est après avoir énormément réfléchi à ce problème que je suis parvenu à cette conclusion.
Madame Laborde, vous avez évoqué la loi visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation. Je suis à l’origine du vote de ce texte, car j’occupais alors, en tant que député, les fonctions de président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.
Vous avez raison, les dispositions de cette loi relèvent du domaine réglementaire. Cependant, quand le Gouvernement n’est pas en capacité de prendre les mesures réglementaires qui s’imposent, le Parlement peut se substituer à lui et prendre l’initiative en la matière, sans que le Gouvernement y trouve rien à redire. L’adoption de ce texte en est la preuve.
Je vous annonce, madame la sénatrice, que le décret d'application a été publié voilà trois jours. Il précise les règles qui s’appliqueront à compter de 2015. Les choses sont donc calées.
C’est le résultat d’un travail en commun. Au nom des anciennes fonctions que j’ai exercées à l'Assemblée nationale, j’en profite pour remercier le président de la commission de l'économie du Sénat, Jean-Paul Emorine, qui a énormément travaillé avec ses collaborateurs pour nous permettre d’aboutir.
C’est d’ailleurs la première fois qu’une commission mixte paritaire a été provoquée sur l’initiative conjointe des présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, ainsi que la révision constitutionnelle le permet. Voilà une raison supplémentaire de se réjouir d’avoir voté cette réforme : elle constitue bien un progrès.
Madame Boumediene-Thiery, vous avez évoqué les difficultés d’application de la loi pénitentiaire. Celle-ci comprend cent articles. Six décrets ont d’ores et déjà été pris, portant notamment sur l’assignation à résidence avec la surveillance électronique, les aménagements de peine, les droits et devoirs des personnes détenues ou le code de déontologie des personnels des administrations pénitentiaires. J’ajoute que le décret sur la réserve civile est rédigé et en cours de publication. Voilà qui ne manquera pas de vous rassurer. Resteront par conséquent les décrets d'application relatifs aux règlements intérieurs types par catégorie d’établissement pénitentiaire ; ces décrets sont également en cours de rédaction et ne devraient donc pas tarder à être publiés.
De manière générale, le Gouvernement est à jour en ce qui concerne la publication des décrets d’application de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants et de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services. Il s’agit de textes sur lesquels nous avons été un certain nombre à beaucoup nous impliquer. Par ailleurs, la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale trouvera son application très prochainement ; nous y travaillons.
Madame Borvo Cohen-Seat, selon vous, les lois visant à assurer la sécurité de nos concitoyens sont trop nombreuses. Je ne partage pas votre sentiment. C’est tout l’honneur du Gouvernement et du Parlement, de la Haute Assemblée en particulier, de répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de sécurité, qui est la première des libertés. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que les conditions de sécurité évoluent en permanence et que les auteurs des délits agissent avec toujours plus d’imagination et, malheureusement, de violence que par le passé.
Le curseur législatif doit s’adapter à cette évolution, voire l’anticiper ! C’est déjà le cas dans le domaine de l’informatique, où sévit une nouvelle forme de délinquance. Il faut maintenant le faire pour les violences et les autres conduites délictueuses ; je pense notamment au nouveau phénomène des bandes.
Je vous réponds donc, madame la sénatrice, qu’en la matière, les lois sont en effet nombreuses, mais elles sont utiles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai tenté de vous répondre avec la plus grande franchise. Poser la question de l’application des lois revient à s’interroger sur la qualité de la norme juridique. Il faut y veiller. La qualité ne se conçoit pas sans un soin particulier à lui conserver sa rareté, sa simplicité. Ce sont des précautions que le Gouvernement et le Parlement doivent nécessairement avoir en partage comme l’un de leurs plus précieux biens communs. Bien construire la loi et bien appliquer la norme, voilà les deux conditions qui permettront de conforter la confiance de nos concitoyens dans les institutions de la République.
Monsieur Collin, vous avez pris une excellente initiative en demandant l’inscription de ce débat. Je vous ai proposé que le Gouvernement vous suive dans cette voie ; j’espère que vous serez d’accord.
Pour ma part, dès la semaine prochaine, en relation avec le secrétaire général du Gouvernement, je m’engage à créer une cellule chargée de faire preuve de la vigilance nécessaire et de donner l’incitation qui s’impose afin de pouvoir vous présenter à la fin de cette année un bilan plus positif que l’an dernier.
Il nous faut trouver des moyens en commun pour améliorer encore les relations entre le Parlement et le Gouvernement en vue d’une meilleure construction de la loi.
C’est l’intérêt du Gouvernement, celui du Parlement, comme celui des Français. C'est la raison pour laquelle je propose que nous nous y employions ensemble.