Mes chers collègues, il m'apparaît important de nous rappeler ce précédent à un moment où la situation budgétaire de la France n'est pas du tout celle d'Athènes voilà vingt-cinq siècles. Notre budget est, hélas ! loin d'être en excédent. Le déficit est supérieur à 3 % du PIB pour la troisième année consécutive et, du fait de l'inertie des dépenses, il existe avant même que ne soient payées les charges de la dette. On le sait, ces charges représentent désormais plus que le produit de l'impôt sur le revenu, la dette elle-même étant proche d'atteindre les deux tiers du PIB. Ainsi, la richesse produite au cours des huit premiers mois d'une année d'activité du pays correspond exactement à ce qu'il doit. Quel inquiétant constat !
Surtout, l'observation de la situation budgétaire amène à considérer que nous avons trop tendance à faire des choix opposés au choix porteur d'avenir que Thémistocle avait convaincu ses concitoyens d'effectuer.
En effet, les évolutions budgétaires des dernières années le prouvent, on assiste à une croissance régulière des dépenses de fonctionnement de l'Etat et à une limitation corrélative de ses marges d'investissement.
Depuis 1999, les dépenses de fonctionnement sont passées de 272 milliards à 322 milliards d'euros. Le déficit de la section de fonctionnement s'est accentué, même s'il devrait être maîtrisé autour de 15 milliards d'euros cette année. Cela résulte du choix systématique, sous la précédente législature, de l'acceptation d'un dérapage des charges au détriment de l'investissement. En conséquence, le retournement du cycle économique a pratiquement privé le gouvernement actuel de marges de manoeuvre.
Celles-ci sont en effet considérablement réduites du fait de l'augmentation annuelle des dépenses de personnel et du paiement des intérêts, ces deux types de dépenses, à elles seules, absorbant 80 % de la croissance annuelle en valeur des dépenses de l'Etat.
Or de quoi avons-nous besoin aujourd'hui dans un monde où la mondialisation amène une compétition accrue des économies nationales ? Dans un monde où l'Amérique affirme sa puissance et où la Chine développe la sienne, de quoi avons-nous besoin, si ce n'est d'investissements massifs dans les domaines porteurs d'avenir ?
Ces domaines, nous les connaissons.
Ce sont d'abord la recherche et l'innovation, dont notre majorité fait une de ses priorités fortes. C'était déjà le cas l'an dernier, avec une augmentation de plus de un milliard d'euros des moyens de la recherche. C'est encore le cas cette année, avec le lancement de l'Agence de l'innovation industrielle. Monsieur le Ministre, vous savez que vous pourrez toujours compter sur le soutien de la commission des affaires économiques du Sénat dans cette voie.
Le Gouvernement pourra aussi compter sur notre active coopération pour la loi d'orientation et de programmation sur la recherche et l'innovation. Nous soutenons l'option du Premier ministre : cette loi doit être présentée rapidement, afin que les moyens humains et financiers renforcés soient utilisés avec une efficacité elle aussi renforcée. La modernisation de nos dispositifs de recherche publique et privée n'est-elle pas la contrepartie indispensable des moyens nouveaux consacrés au « laboratoire France » ?
Il est un autre domaine porteur d'avenir : les grandes infrastructures françaises et européennes. Je citerai en premier lieu les transports.
La situation européenne préoccupe notre commission. En effet, alors que la France et ses voisins ont longtemps consacré 1, 5 % de leur PIB aux infrastructures de transports, l'effort ne représente plus aujourd'hui que 0, 5 % du PIB, soit une division par trois !
Notre commission est convaincue qu'il faut relancer les investissements dans ce domaine, en envisageant même des partenariats public - privé, car les investissements conditionnent directement l'attractivité et la compétitivité de notre économie dans les années à venir.
Autre exemple d'investissements structurants : le développement des réseaux de communications électroniques. Il n'y a pas d'aménagement du territoire sans équipement moderne des territoires, et nous savons bien le rôle considérable que jouent les nouveaux réseaux de communications pour l'activité économique locale et l'attractivité de ces territoires.
Dans ces deux cas, les fruits de l'investissement n'apparaîtront qu'à moyen terme, mais nous ne pouvons pas différer cet effort si nous voulons maintenir notre niveau de compétitivité et donc de développement économique et social.
Investir pour demain, n'est-ce pas également privilégier le logement ? Aujourd'hui, le logement constitue la première préoccupation de nos concitoyens après l'emploi. Notre pays est confronté à une grave crise des marchés immobiliers. Elle se traduit, sur tout le territoire, par une flambée des prix de vente des logements neufs et anciens et par une augmentation des loyers. Les Français s'inquiètent de l'accès au logement, qui devient un véritable parcours du combattant pour les jeunes, les étudiants et les plus démunis de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, comme le rappellent dans leur récent rapport deux de nos collègues de la commission des affaires économiques, MM. Dominique Braye et Thierry Repentin, il faut remettre le logement au centre des politiques publiques. A cet effet, ils proposent plusieurs séries de mesures visant à remédier à la crise des marchés fonciers et immobiliers. Il faut également que soient chaque année au rendez-vous les financements définis dans le « volet logement » du plan de cohésion sociale prévu pour la période 2005 - 2009.
Mais assurer un XXIe siècle conquérant pour notre pays, c'est avoir la volonté et le courage de réformer l'Etat.