Intervention de Serge Vinçon

Réunion du 6 juillet 2005 à 15h00
Orientation budgétaire — Suite d'un débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Serge VinçonSerge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la situation difficile de nos finances publiques n'est pas nouvelle, mais le diagnostic est désormais posé avec un langage de vérité et de bon sens propre à faire tomber les illusions et à fonder une politique de maîtrise durable et raisonnée de la dépense publique.

C'est dans ce contexte de rigueur nécessaire que nous engageons ce débat d'orientation. Notre nouvelle constitution financière nous permettra d'aborder les prochains enjeux budgétaires avec les yeux ouverts, ouverts sur la pertinence des objectifs suivis, sur la transparence de leur gestion et, surtout, sur les conditions de leur exécution.

C'est en effet à la mise en oeuvre d'une vigilante logique comptable que nous devons procéder. Cette logique devra soutenir et encadrer nos grandes priorités politiques, tout en veillant à ne pas affecter leur substance.

Pour ce qui concerne la commission des affaires étrangères et de la défense, j'aborderai deux politiques importantes qui ont en commun d'avoir une incidence budgétaire substantielle et de répondre à des engagements politiques majeurs de notre pays, définis au plus haut niveau de l'Etat.

Je commencerai par notre politique de défense.

Celle-ci demeure un poste majeur du budget de l'Etat, mais reconnaissons que ce n'est pas elle qui a contribué, ces dernières années, à l'alourdissement de la dépense publique.

En effet, le budget militaire, en monnaie constante, a diminué sur les quinze dernières années, contrairement aux budgets civils. Cette évolution n'est pas anormale. Elle correspond en grande partie aux choix effectués pour adapter nos armées au nouveau contexte international.

Au cours de la précédente législature, la décrue avait été excessive, au risque d'affecter la cohérence même de notre outil militaire menacé d'une dégradation brutale faute d'être suffisamment modernisé et entretenu.

La loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 permet un rattrapage. L'effort supplémentaire qu'elle prévoit sur six ans n'est que la contrepartie des abattements opérés sous la législature précédente. C'est pourquoi son respect constitue une nécessité absolue. Nous nous félicitons que, sur les trois premières années, les lois de finances initiales aient été strictement conformes à ses dispositions et que, dans l'exécution, l'équipement n'ait pas été sacrifié pour financer les opérations extérieures. Celles-ci ont été couvertes, comme il se doit, par des ouvertures de crédits spécifiques. En outre, pour la première fois, elles ont commencé à être, mais en partie seulement, provisionnées en loi de finances initiale. Nous souhaitons que cette démarche se poursuive, ne serait-ce que par souci de sincérité budgétaire.

Le Gouvernement a indiqué qu'en 2006, pour la quatrième année consécutive, l'annuité de la loi de programmation militaire serait respectée en loi de finances initiale. La continuité de l'effort, si elle se confirme, est d'autant plus méritoire que la situation des finances publiques est difficile.

Mais cet effort est nécessaire. Il s'agit de permettre à la France de conserver un outil militaire suffisant dans un monde marqué par les conflits et d'assurer ses engagements en faveur de la paix et de la sécurité internationale.

Il s'agit aussi, à travers la recherche toujours duale, de préserver notre capacité d'innovation technologique militaire et civile, avec toutes les conséquences de ces investissements sur notre industrie et nos emplois, en particulier dans les secteurs stratégiques de l'aéronautique, de l'espace, de l'électronique.

J'ajouterai que la défense peut être citée en exemple pour la réforme de l'Etat. Elle s'est en effet réformée comme aucune autre administration publique : la professionnalisation, la réduction du format des armées et les restructurations massives sont intervenues, alors que le métier militaire évoluait profondément, faisant de l'engagement permanent sur les théâtres extérieurs le quotidien de notre armée.

On ne peut aussi qu'être frappé par la convergence entre les objectifs de la loi organique relative aux lois de finances et les évolutions intervenues dans la défense ces dernières années.

D'ores et déjà, les lois de programmation représentent un effort de planification, impliquant des arbitrages rationnels par rapport à des objectifs cohérents. Elles donnent lieu à un suivi continu, grâce à un cadre de référence régulièrement actualisé.

La LOLF permettra également d'amplifier les réformes déjà engagées en matière de gestion.

La défense s'est non seulement adaptée au nouveau cadre financier, mais elle a voulu accompagner la réforme par une profonde redéfinition des responsabilités budgétaires au sein du ministère.

Le pouvoir d'arbitrage renforcé confié au chef d'état-major des armées est une avancée très positive. Cela permettra d'aller plus loin dans la rationalisation des choix, en matière tant de personnels que d'équipement.

Félicitons-nous que la défense ne soit plus considérée comme la variable d'ajustement du budget et que l'indispensable continuité de l'effort soit maintenue depuis trois ans. Veillons à ce que le nécessaire souci de la performance comptable n'occulte pas celui de la performance opérationnelle et faisons confiance à la défense, qui a déjà su se réformer profondément, pour optimiser, avec rigueur et cohérence, les moyens importants que la nation lui consacre.

Le second sujet porte sur notre action pour le développement.

La commission s'est félicitée de ce que l'aide au développement, politique dont les objectifs sont une priorité de la communauté internationale - on le voit avec le G8 qui s'ouvre aujourd'hui même - ait été reconnue sur le plan budgétaire comme une des missions de l'État par le regroupement des deux programmes des deux ministères qui y consacrent les dotations les plus importantes, le ministère des affaires étrangères et celui de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il s'agit là d'un pas décisif vers une présentation plus lisible et plus transparente de la réalité de l'effort que notre pays consent en faveur du développement dans une conjoncture budgétaire tendue. Pour parfaire cette transparence, la commission des affaires étrangères attend beaucoup du document de politique transversale consacré à l'aide au développement afin que l'aide publique française ne soit pas l'addition d'actions ministérielles dispersées et constatées a posteriori, mais bien le fruit d'une stratégie interministérielle concertée.

Dans ce domaine, notre pays s'est donné comme objectif de consacrer, à l'horizon de 2012, 0, 7 % de son produit intérieur brut au développement des pays les plus pauvres. En 2007, la France devrait atteindre l'objectif intermédiaire de 0, 5 % du PIB.

En septembre prochain, la soixantième assemblée générale des Nations unies fera le point sur l'état d'avancement des objectifs du millénaire pour le développement. Ce sera l'occasion d'appeler à la mobilisation des États pour créer un effet de levier suffisant pour enclencher, enfin, un cercle vertueux de développement dans les pays les plus pauvres, en particulier en Afrique. Avec 0, 47 % de son PIB consacré au développement, notre pays consent un des taux d'aide les plus élevés : il doit le soutenir et tendre à le rendre encore plus efficace.

L'augmentation du volume de l'aide est certes nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. Elle doit s'accompagner d'une organisation encore plus cohérente et plus efficace pour en favoriser le pilotage, au service d'une stratégie de lutte contre la pauvreté recentrée sur les secteurs prioritaires : infrastructures, santé et éducation de base. La commission des affaires étrangères sera attentive à ce que la mise en application de la LOLF favorise la cohérence de notre aide avec les objectifs définis par la communauté internationale, souvent sur l'initiative de la France.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la rigueur raisonnée de la dépense publique n'est pas incompatible avec l'ambition politique d'un pays.

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