Je vous propose une logique à l'opposé de la vôtre.
Les mêmes aléas conjoncturels subsistant chaque année, pourquoi ne pas bâtir un budget sur une croissance nulle, qui n'aurait qu'un caractère comptable et qui, en conséquence, n'aurait aucune incidence sur les prévisions des investisseurs, des industriels ou des consommateurs ? Ce serait source de discipline budgétaire, et le surplus probable serait affecté en grande partie au remboursement de la dette. Ce raisonnement préside à la gestion de toute entreprise ou de tout ménage ; il s'agit ici du budget de l'Etat, bien sûr, mais la bonne gouvernance - c'est devenu un terme à la mode ! - ne peut-elle s'y appliquer ?
Ces propositions seraient aisément comprises par nos concitoyens. Pour entrer en application, elles nécessitent cependant une transformation des esprits au ministère des finances et même une évolution du concept de budget, qui passerait de celui d'une augmentation inéluctable des dépenses à celui de leur contention par leur adaptation aux ressources.
Pour réduire ses pertes, qui sont le pendant du déficit de l'Etat, une entreprise est à la recherche permanente d'une meilleure performance. Pourquoi cette préoccupation serait-elle étrangère à l'Etat ? Dans quels grands secteurs l'Etat peut-il mieux dépenser ?
Les dépenses d'intervention sont quasiment toutes préaffectées. Les investissements de l'Etat dans le domaine civil peuvent être difficilement compressés sous peine de stériliser l'économie. A l'échelon européen, les dépenses militaires pourront être beaucoup mieux utilisées et recèlent un potentiel d'économie qui pourra s'exprimer, notamment, lorsque l'Agence européenne de l'armement sera pleinement opérationnelle.
Reste les dépenses de personnel. C'est un sujet sensible, qu'il est possible d'aborder par le biais d'un constat, que vous avez d'ailleurs fait vous-même, monsieur le ministre. En 1980, le budget était équilibré, la dette représentait 20 % du PIB. Aujourd'hui, le déficit budgétaire est en réalité de 20 % et la dette représente 65 % du PIB. Entre temps, le nombre de postes dans la fonction publique a augmenté de 900 000, c'est-à-dire 10 % des dépenses de l'Etat.
Pourtant, pendant ce temps, l'informatique a connu une progression formidable, ce qui a entraîné, dans des activités comparables comme la banque et les assurances, des suppressions de postes compensées par des réaffectations très importantes d'administratifs vers le secteur commercial, engendrant une productivité génératrice de dynamisme.
Avec 900 000 fonctionnaires en plus, le service public est-il meilleur aujourd'hui qu'en 1980 ? Monsieur le ministre, combien de temps faudra-t-il encore attendre pour dégraisser les « mammouths ministériels » bien connus ?