Face à ces constats accablants, il me semble important de mesurer le poids des trois principaux facteurs nous ayant conduits à cette situation, avant de pouvoir en tirer un certain nombre de conséquences et d'envisager de nouvelles orientations.
Tout d'abord, il nous faut nous interroger sur la situation économique de la France par rapport à ses principaux concurrents, en considérant notamment la capacité de notre pays à agir sur son taux de croissance. Les experts s'accordent à penser que la croissance française sera bien moins favorable l'an prochain, alors qu'elle avait été bonne en 2004 et a nettement décru en 2005. Face à la hausse du prix du pétrole, qui pourrait être contrée par un développement important des bioénergies, et l'atonie des marchés intérieurs de nos meilleurs clients, je suis sceptique sur le fait qu'elle puisse être prise en compte comme variable d'amélioration pour les finances publiques en 2006.
Au-delà de ces variables exogènes, nous devons nous interroger sur les véritables moteurs de la croissance aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Qu'est-ce qui explique que ces pays aient un taux de croissance soutenu sans comparaison avec le nôtre ? Et, en plus, l'organisation des jeux Olympiques revient à l'un d'eux !...
Personnellement, je pense que ce taux de croissance est dû au fait que l'investissement y est libéré et peut s'orienter vers la recherche, l'innovation et la création d'emplois. Il est évident que, plus la recherche est active, plus elle porte ses fruits. Il faut donc reconnaître que la France est aujourd'hui incapable de susciter cette dynamique vertueuse et de s'interroger sur les raisons de cet immobilisme.
Notre rôle de parlementaires, dans le cadre des orientations budgétaires, est donc de recenser et d'analyser les handicaps structurels de notre pays. Et ils sont malheureusement multiples !
Nous devons faire face à une situation bloquée par une longue absence de réformes structurelles. Les comptes sociaux pèsent toujours autant sur le déficit : 13, 5 milliards d'euros pour le régime général cette année. Nous sommes très loin des prévisions toujours optimistes de M. Douste-Blazy !
Je souhaiterais évoquer la branche famille puisque les quatre branches sont maintenant déficitaires.
Monsieur le ministre, je livre à votre réflexion une anomalie que j'ai constatée au sujet de l'aide personnalisée au logement, l'APL. J'ai écrit à plusieurs reprises, sans recevoir aucune réponse, sur l'augmentation anormale des loyers des logements HLM en 2004 : dans certains cas, la hausse a été de 7 % alors que ces HLM disposent d'une trésorerie florissante. Je pense notamment à l'Ile-de-France, où les constructions ont été ralenties par manque de foncier.
Cette augmentation anormale des loyers, associée à une stagnation des salaires en raison des 35 heures et de la difficulté de trouver un emploi, vous a obligé à dépenser 700 millions d'euros supplémentaires cette année pour l'APL. D'ailleurs, chaque année, nous assistons à un dérapage total et incontrôlé de l'APL. On me dit que les arbitrages interministériels ne vous ont pas été favorables. Mais nous ne pouvons pas continuer comme cela.
De la même façon, je trouve incroyable que nous ne puissions pas profiter davantage des départs à la retraite dans la fonction publique, comme cela a été dit par nombre de mes collègues. Il ne s'agit pas de dénoncer et de montrer du doigt les fonctionnaires. Mais quelle déception quand on sait que 75 000 « fonctionnaires Pompidou » vont partir à la retraite ! Au-delà des chiffres - tout le monde les a dénoncés -, une réflexion plus approfondie devra être menée sur la nature des missions de l'Etat et l'évolution des métiers. Alors que certaines professions ont été modifiées depuis 1945, nous continuons à les classer dans des catégories désormais obsolètes. Et il faudrait avoir le courage de supprimer certaines missions de l'Etat qui ne sont plus régaliennes. Cela allégerait le poids des salaires avant que celui des pensions n'explose.
Le second handicap auquel nous devons nous attaquer est le niveau beaucoup trop élevé de la dépense publique. La limitation, pour l'année 2004, des dépenses exécutées à 283, 6 milliards d'euros, soit un montant très légèrement inférieur aux objectifs de la loi de finances initiales, n'est pas satisfaisante. Je m'inquiète que, pour la troisième année consécutive, nous nous contentions de la seule stabilité en volume des dépenses. Notre collègue Montesquiou a dit tout à l'heure que, si nous ne prenions pas en compte l'inflation de 1, 8 %, nous pourrions faire un effort supplémentaire que chacun, ici, appelle de ses voeux.
En effet, au-delà de la nécessité de réduire les dépenses de fonctionnement de l'Etat, ne serait-ce que pour satisfaire aux exigences du pacte de stabilité européen, nous ne pouvons continuer à ignorer que ce niveau trop important de dépenses nous prive totalement de marges de manoeuvre en matière d'investissement et nous place dans l'incapacité d'entretenir notre patrimoine ou, comme je l'ai déjà dit, d'investir sur l'avenir, notamment dans la recherche. Il ruine nos ambitions en matière d'emploi, pourtant principale priorité budgétaire de votre gouvernement pour 2006.
Avec un taux de chômage supérieur à 10 %, il est légitime que le Gouvernement rende prioritaire la lutte contre ce fléau : ce n'est pourtant pas avec un plan ou une loi et 1 milliard d'euros supplémentaires que l'on résoudra le problème. Les emplois ne se décrètent pas, monsieur le ministre. Ce n'est pas le Gouvernement qui crée des emplois, ce sont les entreprises.