Monsieur le ministre, le débat d'orientation budgétaire est l'occasion de s'interroger sur la pertinence de la politique économique du Gouvernement.
La réponse pourrait être lapidaire.
Avec une confiance des ménages au plus bas, un investissement des entreprises languissant, un tassement de nos performances à l'exportation, tous les indicateurs sont au rouge.
J'y vois d'abord la conséquence d'une approche dogmatique, qui a consisté à tourner le dos aux recettes pragmatiques et efficaces qui nous avaient permis de réduire significativement le chômage, de relancer l'investissement et de résorber nos déficits publics.
J'y vois aussi la conséquence d'une vraie crise de confiance, qui a sapé votre crédibilité. Trois scrutins successifs auraient pu vous inciter à vous remettre en cause. Il n'en est rien.
Vous continuez à exhorter les Français à travailler plus, sans leur offrir la moindre perspective. Vous les alarmez sur la situation financière du pays, que votre majorité ne cesse de dégrader par son incapacité à user franchement des leviers de la politique économique.
Cette politique doit plus que jamais s'inscrire dans un contexte européen, et je voudrais me placer dans cette perspective.
Quelle est la situation économique de la zone euro ?
Premièrement, l'ensemble de la zone souffre d'un déficit de croissance par rapport à son potentiel réel.
Deuxièmement, ce déficit de croissance pèse sur les recettes des Etats et aggrave les déficits publics de la plupart des pays de la zone euro.
Troisièmement, la zone euro souffre de freins structurels à la croissance : déficit d'innovation, de recherche et de formation supérieure, utilisation insuffisante de la ressource humaine.
La France offre, hélas, quant à elle, une illustration criante de ces blocages.
Malheureusement, et c'est le quatrième élément du diagnostic, les réformes qui permettraient de lever ces freins structurels ne se traduiront par une élévation du potentiel de croissance de l'Europe que dans quelques années.
Or nous sommes dans une situation d'urgence : urgence politique, eu égard à l'état des opinions publiques européennes ; urgence économique, car, à poursuivre l'ajustement des comptes publics sans croissance, nous risquons de n'avoir que plus de déficit et plus de chômage.
Cependant, nous savons bien, et vous mieux que quiconque, monsieur le ministre, qu'il est difficile de conduire des réformes structurelles sans croissance.
La question qui nous est posée aujourd'hui, qui est posée à tous les pays de la zone euro, et qui me semble également l'enjeu de ce débat d'orientation budgétaire est donc la suivante : comment stopper la dérive des finances publiques sans casser la croissance ? Il me semble tout à fait illusoire d'espérer atteindre cet objectif tant qu'une impulsion forte ne sera pas intervenue au niveau européen.
Compte tenu du degré d'interdépendance des économies européennes, la régulation conjoncturelle de l'activité est une question d'intérêt commun. Or, la politique monétaire mise à part, les politiques de régulation de la conjoncture - politiques budgétaires ou salariales - sont des politiques nationales.
Cette situation favorise les stratégies individuelles des Etats membres de la zone euro lorsqu'il faudrait au contraire une véritable coordination des politiques économiques.
Je prendrai à cet égard l'exemple de l'Allemagne, engagée dans une stratégie de désinflation compétitive, fondée sur la maîtrise des coûts salariaux et la conquête de parts de marché à l'exportation. Cette stratégie connaît évidemment quelques succès, comme les récents gains de parts de marché de l'Allemagne. Ceux-ci coïncident d'ailleurs de manière troublante avec les pertes de parts de marché enregistrées par la France.
Cela n'a toutefois pas pour autant dopé la croissance allemande, en raison de la faiblesse des revenus salariaux et de la consommation.
J'aurais également pu évoquer le cas de l'Italie à ce sujet.
Que doit faire la France dans ce contexte ? Doit-elle chercher également à maîtriser autant que possible les coûts salariaux, s'engager dans cette course à la compétitivité, au risque d'aggraver la dérive déflationniste de la zone euro ? Je ne le crois pas.
Je crois au contraire que, pour sortir de l'impasse politique et économique actuelle, notre pays doit proposer à ses partenaires une réflexion sur une véritable stratégie coopérative en faveur de la croissance.
Pourquoi, malgré l'assainissement de la situation financière des entreprises et le redressement de la rentabilité, malgré une épargne abondante et une économie globalement compétitive, l'investissement de la zone euro est-il aujourd'hui inférieur en volume à ce qu'il était en 2000, alors que, depuis dix ans, il a doublé aux Etats-Unis ?
Cela tient à une raison finalement assez simple, qu'il faut regarder avec lucidité : la croissance n'offre plus aucune crédibilité dans la zone euro.
Dès lors, une initiative politique et collective de l'Eurogroupe est indispensable pour restaurer la crédibilité de la croissance dans la zone euro.
Premièrement, l'Eurogroupe doit clairement affirmer sa confiance dans l'euro et rappeler que la monnaie européenne permet à l'ensemble des pays de la zone de profiter durablement de taux d'intérêt bas.