Intervention de Alain Chatillon

Réunion du 25 mai 2011 à 14h30
Débat sur l'état de la recherche en matière d'obésité

Photo de Alain ChatillonAlain Chatillon :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la surcharge pondérale et l’obésité ont connu une hausse spectaculaire au sein de la population adulte européenne.

En Europe, un adulte sur deux est en surpoids et un sur six est obèse. La France compte 20 millions de personnes en surpoids ou obèses. Une étude de l’IRDES, l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, sur des données de 2002 situe le coût de l’obésité dans notre pays entre 1, 5 % et 4, 6 % des dépenses de santé.

La consommation moyenne de soins et de biens médicaux d’une personne obèse s’élèverait à environ 2 500 euros, soit le double de celle d’un individu non obèse. Selon cette étude, les dépenses de santé liées à l’obésité atteindraient 2, 6 milliards d’euros, et 2, 1 milliards d’euros pour l’assurance maladie.

L’obésité s’avère jouer un rôle central dans le développement d’une série de maladies chroniques, dont le diabète non insulinodépendant, c’est-à-dire le diabète de type 2 – plus de 80 % des diabètes sont liés à l’obésité –, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires, mais aussi certains cancers et des maladies respiratoires et articulaires, sources de handicap.

La lutte contre l’obésité et le surpoids est devenue une priorité en Europe et dans tous les pays de l’Union. Les politiques de santé publique doivent considérer le problème à sa base : c’est en traitant le surpoids que l’on pourra endiguer la déferlante de l’obésité.

En effet, les études ont démontré que les sujets atteints de surcharge pondérale avaient 90 % de risques de développer une obésité.

L’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, a publié le 12 mai dernier son avis relatif aux pratiques de régimes à visée amaigrissante. Ses conclusions doivent nous alerter, dans la mesure où, dans ces pratiques, se côtoient le pire et le meilleur, et nous amener à tirer une série de conclusions concernant la recherche pour lutter contre l’obésité et pour améliorer le contrôle du poids.

Concernant l’alerte, nous devons être très vigilants face aux discours qui véhiculent une image faussée du corps. La communication et les actions de prévention de l’obésité, comme celles qui portent sur les enjeux de la perte de poids, doivent être ciblées sur les personnes à risque.

Des actions tous azimuts ont souvent des effets contre-productifs à moyen terme en poussant des populations normales à s’engager dans des pratiques alimentaires à risque pour tenter d’atteindre une image idéalisée du corps.

L’avis de l’ANSES établit notamment les conséquences néfastes de régimes fantaisistes, fondés sur des privations ou des exclusions, qui ne sont pas des actes anodins, en particulier pour les populations sensibles : adolescentes, femmes enceintes, personnes âgées... Ces régimes fantaisistes entraînent une reprise rapide du poids et ont parfois d’autres conséquences néfastes plus ou moins graves pour la santé.

La réponse n’est évidemment pas dans le laisser-aller, et l’avis de l’ANSES permet d’avancer en ce qui concerne les mesures qu’il conviendrait de promouvoir.

La première conclusion, madame la ministre, est qu’il faut favoriser et faire progresser la recherche sur des régimes sérieux, scientifiquement fondés, de perte et de contrôle du poids. Nous avons de grands laboratoires de recherche publics dont la réputation est désormais internationale. Mais nous avons aussi d’autres atouts : la France a une position industrielle forte sur les marchés de l’alimentation spécifique, avec des entreprises capables de développer une recherche adaptée aux besoins particuliers d’une population cherchant à perdre du poids ou à contrôler son poids. C’est un atout important sur lequel nous pouvons nous appuyer : les équipes de recherche existent, les connaissances sur ce sujet sont accessibles, nous ne partons pas d’un désert scientifique.

Si la première conclusion relève d’un effort de recherche devant être porté par des professionnels, la deuxième conclusion relève davantage du rôle du législateur. Il s’agit de créer un environnement juridique propice à la recherche et au développement de produits permettant de répondre aux problématiques de perte de poids et de contrôle du poids.

Quelle est la situation actuelle ? Il existe une directive-cadre à l’échelon communautaire pour les produits alimentaires diététiques. Celle-ci offre un cadre adéquat dans la mesure où il est à la fois très contraignant pour les entreprises du secteur, mais aussi protecteur pour les entreprises ayant accepté de se hisser à ce niveau de contrainte en termes de sécurité du consommateur et de qualité.

Cette norme européenne a également influencé la construction de normes mondiales – je pense ici au codex alimentarius – et a permis d’élever les produits européens au rang de référence dans les pays tiers. Par son haut degré d’exigence, cette directive a aussi encouragé les entreprises à investir dans la recherche, d’abord pour atteindre et pour conserver le niveau nécessaire, ensuite pour développer des produits plus efficaces.

Cette situation était par conséquent satisfaisante du point de vue tant de la recherche que du développement de notre industrie pour répondre à un problème de société de plus en plus important.

Or cette législation européenne repose sur une évaluation scientifique des risques datant de 1990. Elle demande donc, bien évidemment, à être mise à jour, à la lumière des évolutions des comportements alimentaires et des progrès de la recherche. Il est nécessaire de continuer à assurer, au travers d’un cadre européen commun, un haut niveau d’exigence à l’égard des produits destinés au contrôle du poids ou à la perte de poids. À défaut, l’Europe sera envahie de produits plus ou moins bon marché, vendus sur Internet ou distribués via des circuits divers, qui n’offriront pas la moindre garantie de fondement sur une recherche appliquée.

La principale incitation à la recherche pour les entreprises est de pouvoir valoriser le fruit de plusieurs années d’investissement financier et d’efforts de leurs équipes de chercheurs. Il faut que le cadre légal que nous leur offrons donne l’avantage à des entreprises qui jouent le jeu de la recherche, de la sécurité et de la qualité face à des intervenants qui proposent des « miroirs aux alouettes » aux personnes dont le désir d’améliorer leur silhouette est d’autant plus puissant que les médias transmettent une image faussée du corps humain.

Dernière conclusion, il me semble que notre rôle est de pousser la Commission européenne à proposer une nouvelle version de cette directive-cadre sur les produits diététiques. L’enjeu n’est pas nécessairement de communiquer à tout-va en direction du grand public sur la question de l’obésité, cela peut même s’avérer contre-productif dans certains cas. L’enjeu est plutôt de cibler les personnes à risque, de mettre à leur disposition les moyens de changer leurs comportements alimentaires et d’assurer durablement un contrôle du poids. Il convient de développer la recherche appliquée pour proposer aux personnes qui en ont réellement besoin des outils adaptés.

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