En effet, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous envisagiez de revenir à un plafonnement à la valeur ajoutée de 3, 5 %, de neutraliser pour l'avenir toute possibilité d'augmentation du poids de la taxe pour les entreprises situées à ce plafond et de pérenniser la neutralisation pendant deux ans de l'imposition des investissements nouveaux.
Le seul plafonnement à la valeur ajoutée ne serait pas de nature à poser de graves difficultés. En revanche, la restriction imposée en contrepartie aux collectivités locales, sans en connaître à ce jour les modalités, ni la faisabilité, ni même la recevabilité au regard des articles 72 et 72-2 de la Constitution, serait sans doute un coup porté au principe d'autonomie des collectivités locales.
En outre, si elle était maintenue sans être précisée ni affinée, cette solution priverait les collectivités locales d'un levier important d'augmentation du produit de la fiscalité directe locale.
Par ailleurs, vous m'accorderez qu'elle renforcerait les inégalités de richesse fiscale entre les territoires, dès lors que le plafonnement, fondé sur la valeur ajoutée, frapperait prioritairement les entreprises du secteur industriel et toucherait à un moindre niveau les entreprises de services.
Enfin, cette contrainte sur les recettes de taxe professionnelle pèserait fortement sur les groupements intercommunaux, dont près de la moitié sont aujourd'hui financés par le biais d'une taxe professionnelle unique et couvrent pratiquement la moitié de la population française.
L'annonce de cette réforme pose un problème de fond sur les rapports que le Gouvernement aspire à instaurer entre l'Etat et les collectivités locales. On peut y voir une contradiction dans la mesure où il a naguère prétendu défendre une logique - que l'on peut d'ailleurs admettre - de responsabilisation accrue des collectivités locales, d'affirmation de leur autonomie. Il serait intéressant de connaître les modalités d'application de cette réforme.
On a le sentiment que le Gouvernement souhaite en revenir à une sorte de tutelle a priori sur les collectivités locales. L'annonce d'une réduction des marges de modulation des taux de la taxe professionnelle vient, en effet, s'ajouter à une longue liste de déclarations faites depuis le début de l'année et portant notamment sur la nécessité de limiter les « dépenses des collectivités ».
Tout à l'heure, M. Jégou a nettement précisé sa position, et je ne suis pas loin de partager les observations dont il a fait part au Sénat.
Pour autant, tout cela n'empêche pas le Gouvernement, qui n'en est évidemment pas à une contradiction près, de préciser dans son rapport préparatoire au débat d'orientation budgétaire que « le développement d'outils de pilotage contraignant des dépenses locales n'est évidemment pas d'actualité ».
Cette restriction est d'autant moins opportune que les besoins se feront inéluctablement ressentir devant la logique de la « décentralisation des déficits » qui prévaut depuis trois ans et face à une compensation incomplète, ou à tout le moins inéquitable, des transferts de compétences.
Dans ce cadre, la seule marge de manoeuvre restant aux collectivités locales consistera à augmenter le taux des impôts sur les ménages. Or chacun sait que ceux-ci s'appuient sur des bases obsolètes, et très souvent injustes, avec des marges d'évolution fortement limitées.