Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 25 mai 2011 à 14h30
Débat : quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat est l’occasion de rappeler que la petite enfance est un enjeu de société et de se poser, parmi d’autres, les questions suivantes : quels sont les besoins des enfants ? Quels sont ceux des familles ? Qui peut les satisfaire au mieux ? Quelle est la structure qui peut prendre en charge au mieux l’enfant ?

C’est le moment de réaffirmer solennellement qu’une politique publique ambitieuse dans ce domaine constitue un investissement pour l’avenir de notre pays.

Bref, c’est l’occasion de tracer les grandes lignes d’un véritable plan d’urgence pour l’accueil de la petite enfance.

L’enjeu est double : d’une part, permettre à toutes les familles qui le souhaitent d’obtenir pour leur enfant un mode d’accueil de qualité sans barrière financière ; d’autre part, faciliter l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle pour les parents, en particulier les mères.

Qu’observons-nous aujourd’hui ?

Les politiques gouvernementales convergent vers une dégradation des dispositifs existants, au détriment des attentes des familles et des professionnels. J’en veux pour preuve la RGPP et sa logique dogmatique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite.

Ces décisions tournent le dos aux principes fondamentaux du service public de l’éducation et fragilisent l’école de la République.

Si la dégradation des conditions d’accueil ou de scolarisation des jeunes enfants est inacceptable, elle n’est pas inéluctable, à condition de poser une exigence de qualité. Force est cependant de constater que la question reste entière.

De multiples études réalisées en France et à l’étranger montrent pourtant que la qualité d’accueil des enfants serait liée à la prise en compte des niveaux de qualifications professionnelles, des taux d’encadrement et d’une taille restreinte des groupes d’enfants.

Une vraie politique de la petite enfance ne doit pas non plus ignorer la complexité des métiers de ce secteur d’activité. Or, aujourd'hui, tout laisse à penser qu’il n’est pas nécessaire d’acquérir une formation solide pour s’occuper de jeunes enfants en collectivité.

Il en va ainsi de la réduction de la proportion de personnel qualifié dans les établissements, qui est passée de 50 % à 40 % depuis juin 2010, ou encore de la possibilité donnée aux assistantes maternelles, qui n’ont que 120 heures de formation, de se regrouper en dehors de leur domicile pour accueillir jusqu’à seize enfants, cela sans supervision ni encadrement !

Oui, l’accueil en structure collective nécessite du personnel qualifié et cela impose des moyens !

Cela doit se traduire par un accroissement des places d’auxiliaire de puériculture, de puéricultrice et d’éducatrice de jeunes enfants dans les écoles de formation, et des postes d’enseignant et d’agent territorial spécialisé des écoles maternelles, ou ATSEM, personnels formés à l’éducation et à l’accompagnement de tout jeunes enfants.

L’accueil des enfants de moins de trois ans en école maternelle ne doit pas non plus servir de variable d’ajustement pour la suppression de postes dans l’éducation nationale. Au contraire, l’école maternelle doit être dotée des moyens nécessaires pour que chaque famille qui le souhaite puisse scolariser un enfant âgé de deux ou trois ans dans des conditions adaptées à cet âge d’entrée à l’école maternelle.

À ce sujet, la scolarisation obligatoire dès l’âge de trois ans s’impose de plus en plus.

Par ailleurs, comme l’ont dit à plusieurs reprises mes excellents collègues Claude Bérit-Débat et Jean-Jacques Mirassou, les jardins d’éveil ne constituent pas une réponse adaptée aux attentes des familles. Ces structures, créées avec des conditions dérogatoires, pèsent sur le budget des familles.

Se pose également la question du coût pour les communes, qui devront aménager des locaux municipaux et faire face à de nouvelles charges de fonctionnement et de personnel.

Le secteur de la petite enfance est devenu en quelques années un lieu privilégié d’expérimentation. Dans ce domaine, les collectivités locales font preuve de créativité pour améliorer, d’un point de vue tant quantitatif que qualitatif, la prise en charge des jeunes enfants.

En élargissant les amplitudes horaires des structures, l’offre de garde doit permettre de proposer des solutions aux parents ayant des horaires atypiques. Par exemple, la ville de Metz expérimente depuis 2009 une offre de garde de nuit. De même, certaines entreprises ont pris l’initiative d’accompagner leurs salariés dans la recherche de solutions adaptées.

Dans mon département, les Côtes-d’Armor, c’est le cas, par exemple, du réseau MAMHIQUE, pour Modes d’accueil mutualisés en horaires atypiques. Les assistantes maternelles volontaires, qui sont salariées par les parents, reçoivent en outre une indemnité compensatrice pour horaires décalés. Cette indemnité permet de prendre en compte la valeur ajoutée du service offert, ces assistantes pouvant être amenées à se rendre la nuit au domicile des parents.

Dans ma commune, nous avons fait le choix politique d’ouvrir une classe dite « passerelle » pour les enfants de deux à trois ans. Cette structure accueille aujourd’hui une vingtaine d’enfants, avec un encadrement adapté : le matin, un instituteur, une éducatrice de jeunes enfants et une ATSEM sont présents ; tandis que, l’après-midi, la structure fonctionne comme une crèche collective, sous la responsabilité de la directrice de la maison de la petite enfance.

Madame la secrétaire d'État, sachons tirer profit de ces expériences innovantes pour bâtir un véritable service public de la petite enfance.

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