Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 11 bis du projet de loi d'orientation agricole pose le principe de l'interdiction de la commercialisation et de la distribution des emballages et des sacs en plastique à compter du 1er janvier 2010. Cette mesure soulève un certain nombre de questions concernant tant la définition de la notion de biodégradabilité que l'objet de l'interdiction ou son champ d'application. Nous verrons ces trois points dans un instant.
Dans un premier temps, je souhaite vous faire part, mes chers collègues, de quelques remarques.
Il est en effet important de préciser dès à présent que la réutilisation d'un cabas serait sans doute plus efficace pour la protection de l'environnement et que c'est vers cela que nous devons tendre.
De plus, il ne faut pas oublier qu'un sac biodégradable reste source de pollution ; il est donc plus important, je le soulignais à l'instant, d'en limiter la diffusion à la source. Cela est d'autant plus vrai que, durant les trois mois où le sac est censé se dégrader progressivement, il peut produire les mêmes effets qu'un matériel non biodégradable : je pense en particulier aux animaux, tels les dauphins, qui peuvent l'avaler.
Enfin, il serait utile d'établir un réel bilan environnemental coûts/avantages, dans la mesure où la production des matières nécessaires à la fabrication des sacs ou emballages peut elle-même être source de désagréments pour l'environnement. Prenons l'exemple du maïs : sa culture nécessite de grandes quantités d'eau et s'accompagne souvent de l'utilisation de produits phytosanitaires ; un problème d'OGM peut même se poser.
Ainsi, un certain nombre de contraintes ne doivent pas être ignorées au moment où nous débattons de ce sujet.
La deuxième partie de mon propos vise plus précisément la mesure proposée dans le projet de loi, selon les trois axes précédemment énoncés.
En premier lieu, vous n'êtes pas sans savoir, mes chers collègues, qu'une étude récente de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, relative à la « biodégradabilité et [aux] matériaux polymères biodégradables » concluait qu'il ne fallait pas confondre les deux concepts de biodégradation et de biodégradabilité, qui demandent à être définis et normalisés.
Il est en effet nécessaire, pour clarifier le débat et pour que chacun d'entre nous puisse affirmer sa position, que soit mis au point un langage commun entre scientifiques, prescripteurs, distributeurs, utilisateurs et industriels : c'est l'objet de la norme NFU 52-001, intitulée « matériaux biodégradables pour l'agriculture et l'horticulture ». Cet effort est également relayé à l'échelle européenne ; cependant, la technicité des éléments du débat et les inconnues entravent encore largement la clarification entreprise.
A ce stade, précisons d'emblée que certains produits ont déjà été commercialisés, à tort, sous le label « biodégradable ». Ainsi, l'exemple du Néosac, sac en polyéthylène, a montré combien il était facile de confondre biodégradation et fragmentation. Il est bien évident que la fragmentation n'est en rien une solution pour un développement durable de l'environnement.
En deuxième lieu se pose la question de l'objet de l'interdiction. Doit-on interdire tous les sacs non biodégradables ou seulement ceux qui sont distribués à la sortie des caisses ? Dans ce dernier cas, quels magasins seraient concernés ? Les supermarchés ne sont pas seuls !
Il est également difficile de légiférer sur les emballages des denrées alimentaires dans la mesure où l'innocuité de tels emballages biodégradables n'est pas encore établie. L'état actuel de la recherche scientifique sur ce dernier point ne permet donc pas une interdiction générale des sacs et emballages non biodégradables.
En troisième lieu, et ce sera mon dernier point, quel doit être le champ d'application de l'interdiction ? Aux termes de l'article 11 bis du projet de loi sont seules interdites la commercialisation et la distribution desdits sacs et emballages. Or, nous savons que bon nombre de produits importés continueront de nous parvenir emballés dans des matériaux interdits par la législation française. Sachant que le coût de l'emballage biodégradable risque d'être plus élevé, se pose la question du surcoût que devront supporter les produits emballés selon les nouvelles normes françaises. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à étendre l'interdiction aux sacs et emballages importés.
Nous sommes cependant conscients des difficultés qui ne manqueraient pas de surgir si cette disposition risquant d'être considérée comme une atteinte à la concurrence et à la libre circulation des marchandises était évoquée. L'harmonisation des règles, au moins au niveau communautaire, est donc d'une grande importance.
Le marché des sacs et emballages biodégradables, comme celui des biocarburants, constitue un espoir dans la diversification des activités agricoles. Cependant, il importe d'évaluer toutes les conséquences des mesures prises en termes non seulement d'environnement, mais également d'impact économique et, surtout, de santé publique.