Intervention de Ivan Renar

Réunion du 10 novembre 2005 à 15h45
Emploi de la langue française — Adoption des conclusions du rapport d'une commission

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

La diversité linguistique est un véritable patrimoine commun de l'humanité, aussi nécessaire pour le genre humain que la biodiversité dans l'ordre du vivant. Sa protection est un impératif éthique, notamment face à l'hégémonie de l'anglo-américain et à la menace d'uniformisation que celle-ci constitue. Langues de tous les pays, unissez-vous ! Pas contre l'anglo-américain, qui est une langue comme une autre, mais qui doit pas être au-dessus des autres.

Si l'anglo-américain s'affirme comme étant la langue internationale et confirme toujours plus sa prégnance, c'est aussi parce qu'il est la langue d'un système socio-économique et culturel dominant et arrogant.

C'est donc aussi sur le terrain de la pensée, de l'esprit, des idées, de la création artistique, des modes de vie, des représentations du monde que se mène ce combat.

Pour des centaines de millions d'hommes et de femmes, le français dans le monde est la langue des droits de l'homme, de la liberté et de la citoyenneté.

A cet égard, il est particulièrement révélateur de constater que les Américains se sont farouchement mobilisés, quasiment seuls, face à l'ensemble des nations, pour tenter de faire capoter la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle.

Les quotas mis en place pour la chanson française sur nos ondes sont des dispositions tangibles. Si nous voulons que la langue nationale soit le lieu le plus évident de la communauté nationale, du corps social, de l'égalité des chances, et donc de l'intégration comme du rayonnement de notre culture et de nos savoir-faire, le politique se doit de programmer les moyens de son enseignement et de sa diffusion nationale et internationale.

Le cinéma français, la littérature, la presse, la musique, l'enseignement supérieur, les domaines scientifiques, les radios et les chaînes de télévision doivent être les conservatoires et les laboratoires intelligents de notre langue et de son développement « naturel et adapté », d'autant que si les langues vivent, s'enrichissent, évoluent, il n'y a aucune fatalité à leur déclin.

Promouvoir l'usage du français suppose avant tout des mesures incitatives et le renforcement en moyens budgétaires des leviers sur lesquels il repose.

Je pense, en particulier, à l'école et à la télévision, qui devraient être les deux véhicules fondamentaux de promotion du français, en France comme à l'étranger. Je dis « devraient » parce que le chantier est encore devant nous.

A propos de la loi Toubon, que nous actualisons partiellement en quelque sorte, Alain Rey déclarait déjà : « Quand la loi s'adresse à des adultes en matière de langue, elle met la charrue devant les boeufs. Tout ce qu'on peut faire pour modifier la perception de la langue dans une société, c'est par l'école, et uniquement l'école. » Voici ce que pouvait dire André Malraux : « Les enfants, là est la clé du trésor. »

Que dire de notre éducation nationale, qui privilégie l'apprentissage de l'anglais au détriment de toutes les autres langues, d'ailleurs toutes en net recul, pour ne pas dire en voie de disparition, dans les cours ? Comment s'étonner que les Italiens, les Portugais, les Russes, les Allemands, boudent l'apprentissage du français, quand nous ignorons nous-mêmes délibérément leur langue, et je ne parle pas de l'arabe ou du chinois ?

Pour ma part, je reste attaché aux propositions du groupe de travail sénatorial sur l'enseignement des langues vivantes étrangères dont le rapport - vous vous en souvenez, monsieur Legendre, puisque vous en étiez l'auteur ! - préconisait de placer l'anglais en deuxième langue, parce que de toute façon, nous n'échapperons pas à l'anglais.

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