Intervention de Georges Othily

Réunion du 9 juin 2005 à 15h00
Politique générale — Explicationsde vote

Photo de Georges OthilyGeorges Othily :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, remettre la France en marche, voilà un dessein louable et consensuel, mais qui impose de trouver les moyens de cette ambition.

Le plan d'urgence de lutte contre le chômage que vous avez annoncé, monsieur le Premier ministre, est une marque de volontarisme et d'action.

Vous avez rappelé non seulement l'urgence de la tâche, mais aussi les contraintes qui pèsent sur son exécution, à commencer par l'étroitesse des marges de manoeuvre budgétaires dont vous disposez.

Ce mal qui ronge la France a atteint un niveau inacceptable, particulièrement pour les jeunes et pour les plus de cinquante ans.

Plus que jamais, toutes les énergies des pouvoirs publics doivent être mobilisées au service de l'emploi.

Vous avez fait part de votre intention de recourir aux ordonnances pour que les premières mesures entrent en vigueur dès le 1er septembre prochain. Néanmoins, même si tous les gouvernements, depuis trente ans, ont utilisé cette méthode pour répondre au problème du chômage, force est de constater que l'efficacité n'a jamais été au rendez-vous. Les ordonnances privent le Parlement du débat, de la possibilité d'amender et de faire des propositions pour dégager des solutions efficaces. Or, là, nous n'avons pas le choix : condition fait loi.

Au-delà des causes conjoncturelles qui affectent la grande majorité des pays européens, nous connaissons les blocages structurels qui font de la France l'un des pays développés dans lequel le chômage de masse persiste.

Le danger qui guette l'action publique consisterait à reporter indéfiniment les traitements drastiques contre ce fléau. L'avenir s'annonce difficile. Selon l'INSEE, la population des plus de soixante ans dépassera en nombre celle des moins de vingt ans en 2020. C'est par conséquent dès à présent qu'il faut préparer ce renversement démographique majeur.

Il existe plusieurs pistes, déjà explorées mais mal exploitées, qu'il vous appartiendra, monsieur le Premier ministre, non seulement d'approfondir mais aussi et surtout de rendre efficaces.

La première d'entre elles concerne la complexité de notre droit du travail et la stérilité du dialogue social, qui desservent notre économie.

Malheureusement, cette complexité favorise l'augmentation du traitement judiciaire des rapports entre employeurs et salariés : au sein de l'OCDE, la France occupe le premier rang pour le nombre des licenciements donnant lieu à des recours judiciaires, avec un taux de 25, 1 %. Le traitement social du chômage ne doit pas se résoudre en dernier ressort devant un juge.

La seconde piste renvoie à l'insuffisance de notre effort de recherche. La France ne consacre que 2, 23 % du produit intérieur brut à cet effort, contre 2, 49 % en Allemagne, 2, 82 % aux Etats-Unis et 4, 27 % en Suède.

Notre pays ne saurait plus longtemps tolérer l'expatriation de ses meilleurs chercheurs et de ses capitaux pour ne devenir qu'un centre de formation scientifique. L'objectif des 3 % du produit intérieur brut consacrés à la recherche est un passage obligé pour stimuler l'innovation et la valoriser.

L'innovation en Europe est insuffisante, et c'est l'une des causes du manque de créations d'entreprises. Un réseau paneuropéen de personnalités convaincues, ELITE, a été conçu pour agir en tant que groupe de pression en faveur de l'innovation. Il s'agit de mettre en place l'équivalent du programme SBIR qui fonctionne aux Etats-Unis, d'abonder systématiquement les programmes de type EUREKA, de créer des fondations pour l'innovation et la recherche, avec des avantages fiscaux coordonnés, de renforcer les programmes « mobilité » de la Commission, de financer l'innovation par un grand emprunt de la Banque européenne d'investissement.

Le groupe du Rassemblement démocratique et social européen attache également une grande importance à la valorisation de l'apprentissage et, plus largement, au développement des filières professionnelles, deux vecteurs clés de l'intégration au monde du travail. Tant que 20 % des élèves quitteront le primaire sans avoir atteint le niveau requis en classe de sixième, le traitement social du chômage restera une fatalité.

L'apprentissage n'est pas la voie de garage et d'échec trop souvent décrite. Cette idée reçue doit disparaître. On compte seulement 365 000 contrats d'apprentissage en France, contre 1, 6 million en Allemagne. L'apprentissage constitue pourtant un facteur de transmission de savoirs et de compétences qui bénéficie aussi bien aux jeunes qu'aux entreprises. Le réseau des artisans représente la première entreprise de France et un gisement considérable d'emplois potentiels. La baisse des charges ne pourrait qu'encourager un maximum d'artisans à embaucher, ne serait-ce qu'une personne.

Il serait aussi intéressant, dans l'intérêt des communes et des associations, d'augmenter sensiblement le nombre des emplois aidés. Les jeunes ou les moins jeunes qui doivent pouvoir bénéficier de contrats aidés ne disposent la plupart du temps d'aucun diplôme : ce sont les laissés-pour-compte du système éducatif et du marché de l'emploi.

Enfin, l'ensemble des acteurs du dialogue social, État, syndicats, chefs d'entreprise, doivent se mobiliser pour mener de concert l'ensemble des réformes qui attendent notre pays. Les gains de productivité doivent être mis au service d'un meilleur partage de la valeur ajoutée, afin de permettre, comme vous l'avez énoncé, monsieur le Premier ministre, une défense du pouvoir d'achat.

La compétitivité de nos entreprises et le dynamisme de notre appareil productif sont des atouts que nous ne saurions dilapider dans un contexte déjà difficile.

Monsieur le Premier ministre, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, pour l'essentiel, prend acte de vos engagements devant les Français. L'ampleur de votre tâche est immense, et il vous appartiendra de guider votre action avec le courage nécessaire et le souci constant de l'intérêt général, mais, vous le savez, les Français vous jugeront d'abord sur vos résultats.

Le vote des membres de notre groupe sera à l'image de la diversité qui le caractérise, mais celui de la majorité d'entre eux sera positif.

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