Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement attache une très grande importance à cet amendement.
Le Sénat lui-même a pris l'initiative, dans le cadre des discussions du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a été adopté en février dernier, d'allonger la durée du congé de maternité des mères d'enfants nés prématurément, c'est-à-dire plus de six semaines avant la date présumée de l'accouchement.
Toutefois, si ce congé de maternité est dû, il n'est assorti d'aucune indemnité supplémentaire, ce qui induit une très forte inégalité entre les femmes selon qu'elles ont, ou non, les moyens de s'arrêter plus longtemps de travailler.
Or la naissance d'un enfant prématuré crée d'énormes difficultés pour les parents.
Tout d'abord, le prématuré est toujours un enfant hospitalisé. Le lien entre la mère, le père et l'enfant ne peut pas se construire normalement au travers des vitres d'une couveuse. Il est en effet impossible de toucher un grand prématuré dans les premières semaines de sa vie. Le lien entre les parents et l'enfant doit donc être construit après l'hospitalisation.
Ensuite, même en ajoutant les six semaines de congé prénatal qui sont accordées aux mères d'enfants prématurés, comme aux autres mères, aux dix semaines qui suivent le congé de maternité, c'est-à-dire après seize semaines, l'enfant grand prématuré reste fragile. Il ne peut être confié à une garde d'enfants ou à une crèche comme on le ferait pour un enfant né à terme.
C'est pourquoi il est nécessaire de permettre aux mères d'enfants prématurés qui exercent un emploi de prendre un congé de maternité indemnisé plus long que celui qui est actuellement prévu par notre législation.
La solution qui est proposée par le Gouvernement consiste à prévoir que la totalité de la période de prématurité sera reportée après la naissance. On ne se limitera donc plus au seul congé prénatal de six semaines qui constituait, en réalité, un bien maigre forfait pour la mère d'un enfant né huit, voire dix semaines avant terme.
C'est une solution juste parce qu'ainsi, quelle que soit la date de sa naissance, aucun enfant ne sera séparé de sa mère avant ses dix semaines d'âge réel, c'est-à-dire d'âge par rapport à la date présumée de l'accouchement.
C'est aussi une solution équitable puisqu'elle permet aux mères qui n'auraient pas les moyens de profiter d'un congé sans solde de rester plus longtemps auprès de leur enfant.
Enfin, c'est une solution simple parce que la date de la naissance de l'enfant suffit à calculer la durée du congé supplémentaire.
Par cet amendement, notre société apportera une réponse nouvelle au défi de la prématurité : défi posé d'abord à nos politiques de santé publique en matière de prévention de la prématurité et de prise en charge des enfants nés prématurément ; défi posé aussi à nos politiques familiales, qui doivent préserver le lien entre la mère et l'enfant dans les premiers temps de la vie, ce qui est compliqué dans le cas de naissance prématurée ; défi posé, enfin, quant à la place des femmes dans le monde du travail puisqu'il s'agit de permettre à ces mères de ne retourner travailler que lorsque leur enfant sera suffisamment fort pour supporter la séparation et pouvoir être déposé en crèche ou laissé à une garde d'enfants.
Cet amendement apporte ainsi un élément supplémentaire de conciliation entre vie familiale et vie personnelle, force du modèle français de politique familiale. La France est, en Europe, le pays dont à la fois le taux de natalité est le plus élevé et le taux d'activité des femmes le plus important, puisqu'il atteint aujourd'hui 80 %. Contrairement aux idées reçues, ces deux données sont liées. En effet, ce qui fait augmenter le revenu de la famille et lui permet donc d'élever le nombre d'enfants qu'elle souhaite, ce sont bien sûr le quotient familial et les allocations familiales, mais c'est aussi et surtout l'activité professionnelle des deux membres du couple.
Le Gouvernement n'a pas retenu l'amendement n° 44, car il déboucherait sur une situation que ses auteurs n'ont sans doute pas souhaitée. En effet, si cet amendement était adopté, la mère d'un enfant né deux jours après le début du congé prénatal aurait droit à seize semaines de congé indemnisé tandis que la mère qui aurait accouché deux jours avant le début de ce congé aurait droit, elle, à vingt-deux semaines et deux jours d'indemnités journalières. Il en résulterait une inégalité : pour deux naissances séparées de quatre jours, l'une des mères aurait droit à vingt-deux semaines de congé indemnisé et l'autre à seize semaines seulement.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement souhaite l'adoption de l'amendement n°98.