Intervention de Robert Bret

Réunion du 16 février 2005 à 21h30
Modification du titre xv de la constitution — Article 3

Photo de Robert BretRobert Bret :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 3 constitue le coeur du projet de loi constitutionnelle.

C'est en effet cet article qui organise l'adaptation de la Constitution française au traité constitutionnel, à la condition expresse, je vous le rappelle, que le traité soit ratifié.

Il n'est pas question de refaire le débat que nous avons eu cet après-midi à l'occasion de l'examen de l'article 1er, mais il faut noter le caractère limité des adaptations préconisées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 novembre 2004.

De deux choses l'une : ou bien le Conseil constitutionnel estime qu'un certain nombre de verrous demeurent dans la Constitution française, qui garantissent ce que M. Pierre Mazeaud a nommé les « principes essentiels de la République » ; ou bien il considère, comme la Cour de justice de l'Union européenne, que la norme européenne prévaut dorénavant sur les normes nationales, y compris constitutionnelles.

Même sans se prononcer sur le fond, ne serait-il pas nécessaire, dans un souci de transparence, de clarifier les raisons de l'intervention limitée du juge constitutionnel ?

Sur des sujets comme la laïcité ou les services publics, nous dirigeons-nous vers un conflit de jurisprudences entre le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de l'Union européenne ?

Je prends l'exemple de la laïcité, dont nous célébrons le centenaire et sur laquelle un débat important a eu lieu l'an dernier dans notre pays.

Même si la référence à l'héritage chrétien a été abandonnée en cours de route, plusieurs articles du traité portent atteinte au principe de laïcité et s'appuient sur le concept de communautarisme.

Loin d'avoir une conception « laïcarde », nous estimons pourtant que la laïcité est indissociable du concept d'égalité des chances et de progrès social. Jean Jaurès le rappelait à propos de l'éducation : « Laïcité [...], progrès social, ce sont deux formules indivisibles. Nous n'oublierons ni l'une ni l'autre... ».

Monsieur le rapporteur, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 novembre 2004, qui diverge de celle du 1er juin 2004, précise qu'une norme européenne ne pourra s'imposer à une disposition contraire expresse et explicite de la Constitution française.

Qu'en sera-t-il si une décision de la Cour de justice de l'Union européenne tranche dans un sens opposé à une décision du Conseil constitutionnel ?

Tout cela manque de clarté et demeure opaque pour la grande majorité des citoyens qui, légitimement, exigent d'avoir à se prononcer sur des enjeux précisément exposés.

Mais l'article 3 n'est pas acceptable pour d'autres raisons encore. Il reprend, par exemple, la notion d'« euroracisme » en réservant le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux seuls ressortissants de l'Union européenne.

Au nom de quoi un citoyen suédois, portugais ou hongrois bénéficierait-il de ce droit, alors que le citoyen algérien, marocain, tunisien ou originaire de tout autre pays extracommunautaire, et travaillant depuis des années, parfois toute une vie, dans notre pays, serait toujours écarté de la citoyenneté ?

Nous avons fait le choix de ne pas déposer d'amendements sur cet article, à l'exception d'un amendement de suppression, pour manifester clairement notre refus de participer à ce débat avant la sanction populaire. Pour autant, nous soutiendrons les amendements restaurant une égalité de traitement entre étrangers, quelle que soit leur origine.

L'article 3 comprend également l'instauration du référendum dit « automatique », en cas d'adhésion nouvelle à l'Europe. Nous nous opposons clairement à cette disposition pour les raisons que nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer.

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