Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avec l'article 3, nous abordons les enjeux démocratiques du traité.
Pour approfondir sa construction, l'Union européenne doit absolument se démocratiser. Or le traité constitutionnel, qui sera soumis au vote des Français par référendum, prévoit à cet égard des avancées importantes sur deux points. Voilà qui constitue à mes yeux deux raisons essentielles d'approuver le traité, donc d'approuver au préalable la révision constitutionnelle.
Je vois une première avancée dans le renforcement, indéniable, des pouvoirs du Parlement européen : désormais, la Commission européenne sera issue de la majorité du Parlement. Nous avons pu constater que ce progrès s'était déjà traduit dans les faits à l'occasion des débats qu'a provoqués la composition de la Commission Barroso.
Ce renforcement des pouvoirs du Parlement européen était indispensable, pour que le lien démocratique entre les citoyens, par l'intermédiaire de leurs élus, et les décisions européennes fût clairement lisible.
Le second domaine d'avancée démocratique du traité constitutionnel concerne le renforcement des pouvoirs de contrôle des parlements nationaux sur les décisions européennes. C'est évidemment un point crucial, car dire que nous nous interrogeons tous en France sur le poids réel de notre Parlement, en particulier dans le domaine des relations internationales, et plus précisément encore dans celui de la construction européenne, est un euphémisme !
Je ne ferai pas l'historique complet des avancées en la matière ; je me contenterai de rappeler la création des délégations parlementaires pour l'Union européenne en même temps que l'élection au suffrage universel direct des députés européens en 1979, les nouveaux droits de contrôle liés au traité de Maastricht en 1992, puis leur renforcement à l'occasion de la révision constitutionnelle permettant la ratification du traité d'Amsterdam en 1997.
Aujourd'hui, le protocole n° 1 sur le rôle des Parlements nationaux dans l'Union européenne renforce la capacité de ces derniers à exprimer leur point de vue sur les projets d'actes législatifs européens. Il améliore notamment l'information des Parlements nationaux en prévoyant, pour les Parlements bicaméraux, la transmission directe à chacune des chambres des projets d'actes législatifs et de l'ensemble des documents européens, par les institutions européennes et non plus par l'intermédiaire des gouvernements.
Le traité prévoit également l'information et la participation des Parlements nationaux dans le cadre de l'espace européen de liberté, de sécurité, et de justice et des activités d'Eurojust et d'Europol.
Le protocole offre, en outre, une garantie supplémentaire en matière de contrôle, dans la mesure où aucun accord politique ne pourra être constaté en Conseil des ministres européens, et ce pendant un délai de six semaines à partir de la transmission du projet d'acte législatif européen aux Parlements nationaux. A l'évidence, ce délai, relativement court pour un volume croissant de textes, nous imposera d'adapter la procédure d'examen dans notre assemblée, pour la rendre la plus efficace possible.
Il n'est pas trop tôt pour y réfléchir concrètement. Je ne sais pas s'il faut que la délégation du Sénat pour l'Union européenne soit transformée en commission, mais nos collègues Hubert Haenel, Denis Badré et Michel Charasse ont eu raison de soulever le problème, car le statu quo ne le résoudra assurément pas.
Le protocole n° 2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ouvre de nouveaux droits au Parlement français, qui permettent de mieux l'intégrer au processus de décision européen. Le Parlement français sera désormais chargé, comme les autres Parlements nationaux, du contrôle du principe de subsidiarité pour tout projet législatif européen. Chaque chambre aura, en amont, la possibilité d'adresser aux institutions européennes un avis motivé, si elle estime qu'un projet d'acte législatif européen n'est pas conforme au principe de subsidiarité.
Ce dispositif est important. En effet, si le traité constitutionnel avait été en vigueur, la proposition de directive Services, dite « Bolkestein », aurait pu être réexaminée ou retirée voilà un an déjà, puisqu'elle date de janvier 2004.
En outre, en cas de violation de ce principe, les Parlements nationaux pourront déposer un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne.
Enfin, les Parlements nationaux disposeront d'un droit d'opposition à la procédure de révision simplifiée du traité - la clause passerelle - permettant le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée.
A nous de saisir cette occasion de faire mieux vivre la démocratie en Europe !
Ainsi, les modifications du titre XV de notre Constitution dans ses articles 88-4, 88-5 et 88-6, ne constituent donc pas, comme voudraient le faire croire les opposants au traité, des pertes de souveraineté nationale sans contreparties. Elles permettront au contraire un meilleur contrôle par l'Assemblée nationale et le Sénat des décisions européennes. Elles constituent donc un progrès en faveur du renforcement des pouvoirs du Parlement, donc de la démocratie.
C'est la raison pour laquelle je voterai l'article 3 de la révision constitutionnelle.