Qu'on veuille bien me pardonner de revenir sur le sujet des langues et minoritaires, mais cet amendement-ci se rattache à l'article 53-2 de la Constitution.
Cela a déjà été rappelé, le Conseil constitutionnel constatait le 15 juin 1999 la non-conformité avec notre Constitution de la charte des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe. Il convient donc, si nous voulons pouvoir la signer, de modifier notre loi fondamentale sur ce point.
La révision de la Constitution à laquelle nous procédons aujourd'hui est donc bien une occasion nouvelle, et peut-être la dernière avant longtemps, d'introduire un article permettant cette ratification ultérieure.
Je ferai un bref rappel. Le 7 mai 1999, le ministre délégué aux affaires européennes, M. Moscovici, avait signé la charte au nom de la France, avec l'appui du Président de la République, en retenant trente-neuf des quatre-vingt-dix-huit articles qu'elle comporte. Il déposait en même temps deux lettres interprétatives portant sur les notions de « vie publique » et de « groupe », afin que ces expressions fassent l'objet d'une interprétation juste. A titre d'exemple, puisque c'est ce qui est souvent mis en avant, l'impossibilité de recourir à la langue régionale devant la justice ou dans les services publics avait alors été explicitement mentionnée.
La déclaration formulée par la France dans la perspective de la ratification de la charte établissait sa compatibilité avec la Constitution « dans la mesure où elle ne vise pas à la reconnaissance et à la protection de minorités, mais à promouvoir le patrimoine linguistique européen, et que l'emploi du terme de groupes de locuteurs ne confère pas de droits collectifs pour les locuteurs des langues régionales ou minoritaires ».
Il s'agit donc bien seulement d'une question de reconnaissance, officielle cette fois-ci, de la diversité culturelle et linguistique au sein de l'Union et au sein de la France.
Pour notre pays, la recherche d'une solution satisfaisante quant à l'affirmation de cette reconnaissance nécessite de passer par une étape préalable de révision de la Constitution. Tel est l'objet de cet amendement, dans lequel est nettement réaffirmé notre attachement à l'unité de la République et à la suprématie de la langue française, garante de la cohésion nationale.
Il est clair que la défense de la diversité sur les plans européen et mondial n'est efficace et crédible que si elle est conjointement mise en oeuvre aux échelons national et régional.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous rappeler les propos qu'a tenus le Président de la République au palais de l'Elysée, le 2 février 2003, à l'occasion des Rencontres internationales de la culture : « La France propose l'adoption, par la communauté internationale, d'une convention mondiale sur la diversité culturelle ... Elle affirmerait que la diversité culturelle appartient au patrimoine commun de l'humanité ... Elle proclamerait l'égale dignité de toutes les cultures. Elle devrait concrétiser les droits et les devoirs des Etats, à savoir : le respect du pluralisme linguistique et la mobilisation pour enrayer la disparition des langues dans le monde. Au rythme actuel, la moitié d'entre elles auront disparu dans ce demi-siècle. C'est une perte incommensurable ... »
C'est aussi notre avis, et c'est pourquoi nous défendons cet amendement.
Il est bien regrettable que, malgré ces propos, la France soit régulièrement mise en cause, au niveau tant européen que mondial, pour la timidité dont elle fait preuve dans la protection et la mise en valeur de ses langues régionales.
Mes chers collègues, l'attachement à ces langues, qui concernent de nombreuses régions métropolitaines et d'outre-mer, ne relève pas de la nostalgie. La preuve en est que notre patrimoine linguistique, qui est l'un des plus riches d'Europe, constitue un atout remarquable pour le développement de notre culture et de toute notre création intellectuelle.
La reconnaissance de ces héritages culturels et linguistiques, véritable source de créativité, doit s'accompagner de la réfutation de toute forme de communautarisme. N'oublions pas qu'elle peut être aussi un véritable rempart contre toute dérive, tant il est vrai que l'humiliation ressentie encore maintenant par certains reste très forte et pourrait favoriser le repli communautaire, dont nous ne voulons pas et contre lequel nous luttons.
Il est donc souhaitable que le Parlement saisisse la chance qui lui est offerte de traiter cette question des droits fondamentaux. Lui seul peut le faire et, je le répète, le faire dans l'attachement à notre unité nationale, à nos principes républicains et à la langue française, qui, seule, permet et facilite notre vie en commun.