Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 31 juillet 2007 à 10h00
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Discussion d'un projet de loi

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Ce point mérite donc une explication.

Je terminerai mon intervention par quelques réflexions.

D'abord, comme de nombreuses personnes entendues l'ont souligné, et M. le rapporteur vient lui-même de le rappeler, de nombreux textes prévoient déjà des contrôles et des inspections sur les conditions de détention. Ainsi, des services d'inspection doivent notamment s'assurer du respect des normes d'hygiène et de sécurité, une commission de surveillance, présidée par le préfet et rassemblant des élus, des magistrats, des fonctionnaires et des membres d'associations, doit se réunir régulièrement, certains magistrats doivent - ou devraient - visiter les établissements pénitentiaires de leur ressort et établir des rapports.

Il existe donc déjà de nombreux contrôles, même s'ils sont parfois oubliés.

Il devrait donc, me semble-t-il, y avoir un nécessaire travail de toilettage et de mise en cohérence des différents types de contrôles existants.

La commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires avait déjà dressé un constat sévère à propos des contrôles qui sont actuellement réalisés dans les établissements pénitentiaires. Voici un extrait de son rapport : « Au terme des travaux de la commission, il apparaît que les contrôles prévus sont nombreux, variés, mais qu'ils sont à peu près dépourvus d'effets, soit parce qu'ils ne sont pas exercés, soit parce qu'ils sont exercés de manière trop formelle, soit encore parce que l'habitude a été prise de faire preuve de beaucoup moins de rigueur - notamment en ce qui concerne l'hygiène et la sécurité - dans le contrôle des établissements pénitentiaires que dans celui des autres établissements recevant du public. Le bilan en matière de contrôles est clairement accablant ».

Il est évident qu'on ne peut rester indifférent à de tels propos, et c'est le moment d'en tirer les conséquences.

Je souhaite également attirer l'attention sur la nécessité d'établir un droit applicable dans les lieux privatifs de liberté. Le Premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet, avait insisté sur cet aspect, s'agissant notamment des prisons. Je le cite : « L'instauration d'un contrôle dans les prisons implique donc un inventaire du droit applicable dans ces lieux, particulièrement pour une institution telle que l'administration pénitentiaire dans laquelle le droit occupe une place déterminante parce qu'elle met en oeuvre la contrainte étatique. (...)

« Le droit de la prison révèle certaines carences. Ainsi, il comprend essentiellement des règlements et un droit subordonné, composé de circulaires, mais aussi de règlements intérieurs variables entre les établissements, alors que la reconnaissance au détenu d'un statut de citoyen aurait commandé une intervention législative pour régir ses rapports à l'administration. (...)

« En prison comme ailleurs, les droits doivent être « concrets et effectifs ». Or les nombreux constats ou auditions ont montré que, du fait de leur isolement et de la diversité des cultures, les détenus n'ont pas un égal accès au droit, identique à tout citoyen, ne pouvant trouver une personne indépendante pour obtenir une réponse à leurs questions ou une solution à leur litige. »

Il y a, là aussi, matière à nourrir la réflexion, dans la perspective de la réforme pénitentiaire qui s'annonce.

Enfin, pour conclure, j'insisterai sur la nécessité d'un effort budgétaire substantiel pour cette nouvelle institution et pour les lieux de détention en général. Ce n'est pas la peine de se donner bonne conscience s'il n'y a pas de moyens ! On le sait, cette question est cruciale.

Si le contrôleur général n'a pas de moyens suffisants, notamment pour assurer le recrutement de ses collaborateurs, il y a peu de chances pour que l'institution d'un contrôle extérieur et indépendant ait une réelle efficacité.

À cet égard, j'ouvrirai une parenthèse concernant les contrôleurs qui seront recrutés par le contrôleur général. Selon moi, il est très important que le recrutement s'attache à diversifier les compétences, compte tenu de la variété des situations et, surtout, des domaines sur lesquels le contrôleur général pourra porter son regard. Il est nécessaire que celui-ci ait les moyens d'avoir une vision très large du contrôle qu'il aura à effectuer.

Tels sont, mes chers collègues, les quelques éléments de réflexion que je voulais apporter à notre débat. Il y aurait évidemment beaucoup d'autres choses à dire, notamment sur l'état de nos prisons et la nécessité d'améliorer les conditions d'hygiène, d'adapter la formation des personnels ou de permettre aux détenus d'avoir accès sans difficulté à des formations ou à des soins. L'examen d'un projet de loi pénitentiaire, que vous nous avez annoncé, madame le garde des sceaux, sera l'occasion de revenir sur ces sujets majeurs.

Vous avez choisi aujourd'hui de circonscrire la question des prisons à celle de leur contrôle. Même si ce choix ne couvre qu'une partie de la problématique, je crois que nous ne pouvons que saluer une telle initiative, qui était attendue depuis longtemps.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion