...quelque secret que ce soit, et même le secret médical.
Je donne simplement un exemple : qu'il y ait allégation, suspicion ou constat de violences subies par un détenu de la part d'un autre détenu ou des personnels pénitentiaires, comment savoir si le fait allégué est exact sinon en se référant d'abord aux documents médicaux qui établissent la réalité des violences subies ? Dire que, au nom du secret médical, ce sera impossible me paraît une erreur, comme ce le serait également dans les établissements psychiatriques s'agissant, par exemple, de l'usage des ceintures de contention.
Dans un tel domaine, le contrôleur doit bénéficier de la plus grande ouverture. Il ne peut pas être question d'un contrôle partiel, limité, contraint du fait d'une autorité qui doit à l'inverse garantir, enfin ! et l'administration de soupçons injustifiés, et les détenus des menaces que parfois ils sentent poindre sur eux, pour ne pas parler de la réalité des violences et des atteintes qu'ils subissent et qui tiennent à la surpopulation carcérale.
Enfin, en troisième lieu, il faut au contrôleur non seulement l'autorité personnelle, non seulement les pouvoirs dont nous déterminerons l'étendue, mais aussi les moyens. Car rien ne relève plus de l'hypocrisie que de faire naître des institutions dépourvues des moyens de réaliser leur mission, comme, hélas ! aujourd'hui la CNIL à juste titre le fait savoir. Il est là de notre devoir de souligner que par exemple en Angleterre, où il existe pour les seules prisons un service compétent, près de quarante contrôleurs sont placés sous les ordres de l'inspecteur général. Cela veut dire pour la France, où le champ d'activité, avec 5 500 lieux à contrôler, est plus large, au moins une soixantaine, peut-être quatre-vingts contrôleurs assistant le contrôleur indépendamment des autres services.
C'est dire qu'il faut un budget, et je souhaiterais, puisque, à cet égard, nous n'avons pas d'information précise, que, au moins dans les grandes lignes, Mme le garde des sceaux nous fasse savoir quel budget prévisionnel a été élaboré pour cette administration, pour ce contrôleur. Car, sinon, encore une fois, nous serions en présence d'un faux-semblant, d'une hypocrisie à laquelle je ne peux pas croire.
Enfin, et je conclurai sur ce point, quand ce contrôleur aura été instauré, ce n'est pas pour autant que la situation des établissements pénitentiaires et des lieux de détention sera transformée. Certes, il veillera à ce qu'il n'y ait pas d'atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine, cela est bien, cela est juste. Par ailleurs, grâce aux recommandations qu'il formulera - et je sais que la direction de l'administration pénitentiaire y est sensible -, il promouvra des réformes que tous souhaitent et soulignera des défauts ou des manques auxquels il doit être remédié. Mais ce n'est pas suffisant ! Tout est à faire encore, et nous attendons avec impatience la grande loi pénitentiaire depuis trop longtemps différée et qui, j'en suis sûr, fera l'objet dans cet hémicycle d'une attention et d'un débat particulièrement soutenus.
Il n'y a pas d'espérance possible d'avoir une condition digne de la France dans les prisons aussi longtemps que ne seront pas respectés trois principes impératifs.
Le premier est que la prison est l'ultime recours, et non la première défense pénale. Car nous savons tous par deux siècles d'expérience que la prison, telle qu'elle est dans sa promiscuité, sa surpopulation et ses conditions, est le foyer de la récidive et l'école du crime. Alors, méfions-nous, ne cédons pas à la tentation du tout-carcéral, refusons autant que nous le pouvons le recours à la prison et espérons que nos magistrats sauront, à cet égard, résister à la pression, parfois, de l'opinion publique.
Le deuxième principe est que celui qui est détenu n'en demeure pas moins un être humain et un citoyen titulaire de tous ses droits fondamentaux - c'est d'ailleurs la raison d'être du contrôle instauré aujourd'hui. Prison, certes ; privation de liberté, certes ; dans quelques cas extrêmes, déchéance de certains droits, certes. Mais tous les autres droits sont siens et, précisément, c'est au contrôleur de veiller à ce qu'ils puissent être respectés et exercés.
Enfin, le troisième principe, trop souvent perdu de vue lui aussi, est que l'on sort toujours, ou presque, de prison et qu'il est du devoir, du premier devoir de l'administration pénitentiaire et, au-delà, de nous tous de faire en sorte que, dans toute la mesure possible, la prison prépare la réinsertion, précisément parce que le prisonnier est appelé à sortir, à regagner la société des femmes et des hommes libres, et qu'il lui faudra bien pouvoir retrouver sa place : la sortie « sèche », on le sait, est toujours désastreuse en termes de récidive, et les aménagements multiples de peine qu'évoquait M. Othily sont là pour y parer.
Je souhaite que ces impératifs soient au coeur de la loi pénitentiaire qui nous sera présentée : à coup sûr, si elle est telle que nous l'espérons, celle-ci marquera un grand progrès par rapport à deux siècles que j'ai trop étudiés de rapports singuliers entre la communauté nationale et ses prisons, rapports qui appellent bien des réflexions dont toutes ne sont pas, croyez-moi, à l'honneur de notre société.