Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 31 juillet 2007 à 10h00
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Discussion d'un projet de loi

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Il pourra se voir opposer un refus fondé sur des considérations absurdes telles que « les troubles sérieux dans l'établissement », alors qu'une visite pourrait justement s'avérer utile en de telles circonstances.

De surcroît, il ne peut librement publier ses avis ni les réponses des autorités, alors que, vous le savez bien, la transparence de son travail est nécessaire à son indépendance. Il ne peut alerter le procureur de la République des faits dont il pourrait prendre connaissance. Il ne pourrait même pas présenter ses conclusions, objectives et fiables, au cours d'une procédure judiciaire ayant un rapport avec des faits qu'il aurait pu constater.

À trop vouloir le museler, ce contrôleur général n'en est plus un : il ne sera qu'une chambre d'enregistrement de doléances, et ses conclusions ne seront qu'une compilation d'avis et de propositions sans effet obligatoire.

Dans votre projet de loi, le contrôleur général est une autorité consultative, pas une autorité indépendante ayant des pouvoirs d'injonction. Dans ces circonstances, l'exigence d'efficacité et d'effectivité n'est plus.

Ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat et moi-même avons saisi, au mois de juin 2006, la Commission nationale de déontologie de la sécurité pour cinq affaires concernant les conditions de détention dans le centre pénitentiaire de Liancourt. Depuis, certains surveillants ont été condamnés et plusieurs procédures sont en cours. Dans ses recommandations, la CNDS a décidé, le 16 janvier 2007, de saisir le procureur de la République de ces faits.

Il faudrait que le contrôleur général ait, lui aussi, des compétences pour être efficace et pour exercer un pouvoir effectif. Or vous remarquerez, madame la ministre, que les droits des parlementaires combinés à ceux de la Commission nationale de déontologie de la sécurité sont plus efficaces que le système que vous nous présentez.

De deux choses l'une : soit le contrôle indépendant que vous souhaitez mettre en place est supérieur en qualité, en effectivité et en moyens à ceux qui existent déjà, soit son existence est un leurre, une nouvelle mesure d'affichage politique incomplète et biaisée par rapport aux engagements internationaux de la France.

Nous avons déposé plusieurs amendements qui visent à donner au contrôleur général la place qu'il mérite : un droit de visite large, sans restrictions absurdes ; un droit de publication de ses avis et des réponses des autorités sans autorisation préalable ; un droit de saisir le procureur de la République des faits dont il pourrait prendre connaissance ; un droit d'intervenir dans une procédure judiciaire en qualité d'amicus curiae afin d'éclairer les juges de ses constatations.

C'est à ce seul prix que le contrôleur général pourra exercer un contrôle indépendant et conforme au principe du respect de la dignité des personnes privées de liberté tel que découlant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Car malgré la privation de liberté, l'égalité et les droits doivent pouvoir subsister !

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