Intervention de Rachida Dati

Réunion du 31 juillet 2007 à 10h00
Contrôleur général des lieux de privation de liberté — Discussion d'un projet de loi

Rachida Dati, garde des sceaux :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'ont dit MM. Hyest et Béteille, le Médiateur, Jean-Paul Delevoye, a fait un travail remarquable en matière de médiation dans les prisons. Il a enrichi nos propres travaux et contribué à souligner la nécessité de créer un contrôle indépendant. Cependant, le rattachement de la fonction de médiateur à l'institution de contrôle créerait une véritable confusion dans les missions.

J'ai également noté votre souhait, monsieur le président de la commission des lois, que le contrôle des autorités judiciaires soit plus effectif sur les activités des prisons. Je le rappellerai aux chefs de cour, en leur précisant que c'est non seulement mon souhait, mais aussi celui de votre Haute Assemblée.

Mon dispositif reprend la proposition de loi que vous aviez déposée, monsieur Hyest, adoptée à l'unanimité par votre assemblée le 26 avril 2001, en confiant le contrôle à une autorité indépendante et spécifique.

S'agissant des moyens alloués au contrôle général, vous en débattrez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008. Le Gouvernement vous proposera alors de doter celui-ci d'une vingtaine emplois et d'un budget de 2, 5 millions d'euros.

Cette enveloppe pourra être revue à la hausse les années suivantes, en fonction de la charge de travail effective du contrôleur. Il faut savoir que le contrôleur anglais a commencé avec six personnes, pour une population carcérale nettement supérieure à la nôtre. Aujourd'hui, celle-ci est de plus de 82 000 personnes, mais elle a atteint parfois 88 000 voire 90 000 personnes, ce qui n'est pas notre cas.

Il faut également savoir que le budget prévu pour le contrôleur sera plus élevé que celui du Défenseur des enfants, qui s'élève actuellement à 1, 8 million d'euros, et représentera plus de 25 % de celui du Médiateur, qui atteint 8, 5 millions d'euros aujourd'hui, étant précisé que ce dernier instruit plusieurs millions de demandes individuelles.

La Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention administrative et des zones d'attente, présidée par M. Chemin, magistrat à la Cour de cassation, exerce un contrôle d'une très grande efficacité, comme l'a rappelé M. Hyest. Le projet de loi ne prévoit ni n'implique sa suppression. Cependant, le Gouvernement est d'avis qu'il n'est ni utile ni souhaitable de faire coexister plusieurs mécanismes de contrôle ayant le même rôle. Aussi sa suppression sera-t-elle sans doute, à terme, envisagée.

Monsieur Détraigne, vous avez exprimé des craintes sur les pouvoirs du contrôleur, en particulier concernant la restriction apportée à la possibilité de procéder à des visites inopinées.

Le texte prévoit le principe selon lequel les visites doivent être programmées. Elles présentent ainsi l'avantage d'être plus approfondies. Lorsque nous lui avons rendu visite, le contrôleur britannique, Mme Owers, nous a indiqué qu'il mettait en place ce type de visites pour permettre un meilleur travail d'approfondissement, notamment lors de la rédaction des recommandations.

Pour autant, le texte prévoit que les visites inopinées seront possibles dans certaines circonstances particulières. Il semblerait donc que l'intention du Gouvernement ait été mal comprise sur ce point. Les visites inopinées auraient été possibles en cas de plainte ou de dénonciation ou même en cas d'événement particulier signalé au contrôleur. Ainsi, le champ des visites inopinées sera très large. Mais peut-être ce point devra-t-il être clarifié par nos débats.

Vous m'avez également interrogée sur la signification de la notion de personne morale dont l'objet est la défense des droits fondamentaux.

Le contrôleur doit protéger les libertés individuelles. Il est donc normal que les associations de défense des droits de l'homme puissent le saisir.

Monsieur Othily, je sais que vous êtes très attentif à la situation des prisons. Vous avez appelé de vos voeux le vote d'une loi pénitentiaire. Je partage pleinement cette volonté. Je souhaite que l'ensemble des questions soient examinées à cette occasion : la politique d'aménagements des peines, les droits des détenus, les régimes de détention - il faut aussi qu'ils puissent être différenciés et adaptés -, les missions du service public pénitentiaire et de ses personnels.

Nous pourrons consolider avec M. Delevoye le rôle des délégués du Médiateur dans le cadre de cette loi pénitentiaire.

Madame Assassi, je m'étais engagée lors de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive à présenter un texte sur le contrôle des lieux de privation de liberté C'est aujourd'hui chose faite !

Vous avez souhaité que le contrôleur général dispose d'un pouvoir d'injonction. Je vous rappelle qu'il exercera un magistère moral. La publicité de ses avis et de ses recommandations lui permettra d'être un aiguillon pour l'administration. En outre, son rapport sera rendu public et remis au Parlement ainsi qu'au Président de la République.

En revanche, il serait problématique d'attribuer un pouvoir d'injonction au contrôleur général. Le contrôleur empiéterait en effet sur les pouvoirs du juge. Peut-on imaginer qu'il ordonne la sortie d'un détenu alors que ce dernier a été condamné par un juge ? Peut-on également imaginer qu'il mette fin à une garde à vue décidée par le procureur ?

Le pouvoir d'injonction est de nature juridictionnelle. Confier un pouvoir si général à une autorité indépendante serait donc contraire au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. À cet égard, je sais que c'est aussi le sentiment d'éminents constitutionnalistes, dont votre collègue, le doyen Patrice Gélard.

Monsieur Badinter, vous avez insisté sur l'importance de la personnalité qui sera nommée à cette éminente fonction. Je partage votre souci. Je puis vous garantir que le Gouvernement sera particulièrement vigilant sur ce point.

Si le processus de nomination n'intègre pas le Parlement à ce stade, les travaux de la commission présidée par M. Balladur, qui viennent de s'engager à la demande du Président de la République, permettront des avancées sur ce point. Mais le Gouvernement ne souhaite pas anticiper sur ses conclusions.

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