Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pure mission de constatation de la dépense fiscale, la mission « Remboursements et dégrèvements » nous fournit toutefois d'intéressants éléments sur la réalité des engagements financiers réels de l'État en matière budgétaire.
Il se trouve en effet que, même extraite de l'ancien budget des charges communes, cette mission est la plus importante du budget général, atteignant 76 841 millions d'euros. Deux programmes composent la mission et portent l'un sur la fiscalité nationale, l'autre sur les mouvements affectant la fiscalité locale. Le premier programme vise 62 393 millions d'euros de dépenses prévues, dont 41 300 millions d'euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, qui confirme son statut d'impôt au recouvrement le plus coûteux, et 9 300 millions d'euros au titre de l'impôt sur les sociétés. Encore ne s'agit-il là que de crédits de caractère évaluatif, attendu que les montants en jeu intègrent, en réalité, les effets du cadrage économique de la loi de finances initiale.
Mais la tendance lourde reste confirmée : l'essentiel des dépenses de remboursements et dégrèvements portant sur la fiscalité d'État est consacré à l'activité économique, puisque les deux éléments ci-dessus relevés constituent 81 % des crédits. Le seul remboursement de la TVA dite « déductible » équivaut pratiquement au montant net perçu de l'impôt sur les sociétés.
On notera, par ailleurs, que l'élément le plus dynamique de la progression des crédits est constitué par l'évolution de la prime pour l'emploi. Les éléments dont nous disposons sur ce sujet nous permettent de dire qu'elle est surtout une prime à l'emploi précaire et à temps partiel, avant d'être un élément de pouvoir d'achat des ménages. Elle constitue, de surcroît, un formidable moyen de gestion de la modération salariale dans les entreprises, fait qui n'est pas sans incidence sur la situation des dégrèvements locaux.
S'agissant de la prise en charge de la fiscalité locale, comme pour le programme « Fiscalité d'État », les crédits ouverts sont d'abord et avant tout consacrés à la prise en charge par le budget général de la taxe professionnelle, puisque sur 14 088 millions d'euros de crédits, 9 800 millions d'euros, soit près de 70 %, portent sur la taxe professionnelle. Il s'agit, en l'espèce, des conséquences du plafonnement de la taxe sur la valeur ajoutée, qui consomme, et de loin, l'essentiel des crédits ouverts.
On observera, par ailleurs, que parmi les admissions en non-valeur sur les créances fiscales considérées comme irrécouvrables, une partie devrait sans doute être imputée également à la taxe professionnelle.
Notons cependant que, pour être parfaitement objectifs, nous devrions ajouter à la prise en charge par l'État de la taxe professionnelle, dans le cadre de cette mission, le poids spécifique de l'allégement transitoire des bases - 1, 1 milliard d'euros au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP - ou encore celui de la suppression de la base taxable des salaires, que l'on peut aisément estimer entre 11 milliards et 12 milliards d'euros aujourd'hui.
Le coût réel de la prise en charge de la fiscalité locale n'est donc pas retracé dans cette mission.
L'insuffisance d'éléments d'évaluation, matérialisée par le caractère souvent succinct des réponses au questionnaire budgétaire relevé par Mme le rapporteur spécial, atteste la nécessité d'une véritable remise à plat de nombre de dépenses fiscales qui sont venues surcharger notre législation au fil du temps.
Nous appelons à une remise en question de l'efficacité économique et sociale de la dépense fiscale, qui ne saurait selon nous se substituer positivement à la dépense publique, comme ce fut trop souvent le cas ces dernières années.
C'est à partir de cette approche critique que nous pourrons donner sens à la mission dont nous débattons.