Madame la ministre, le budget de l'écologie et du développement durable que vous nous présentez peut être apprécié de diverses manières, selon les critères que l'on utilise.
Il est vrai que, globalement, ce budget n'est pas mauvais. On a vu pire dans le passé ! Dans un contexte de fortes contraintes, vous avez fait plus que sauver les meubles puisque votre budget est en augmentation.
Avouez toutefois qu'il est difficile de se faire une idée exacte et précise de votre budget.
D'abord, on y trouve beaucoup de taxes affectées, ce qui a certes pour vertu de faire échapper les budgets considérés à la régulation budgétaire en cours d'année, mais a l'inconvénient de ne pas garantir un niveau de recettes suffisant pour couvrir toutes les dépenses de l'exercice, le ministère étant conduit, dans le cas où le produit de la taxe considérée n'atteint pas le niveau escompté, à apporter le complément nécessaire.
Ensuite, de nombreuses politiques environnementales étant transversales, on peut les retrouver dans d'autres budgets, tels ceux de l'agriculture ou de l'équipement ; c'est, par exemple, le cas des crédits affectés à l'aménagement de la Loire.
Enfin, d'autres budgets, complètement autonomes, sont dotés de recettes propres. C'est le cas de celui des agences de l'eau, qui représente quand même 2, 3 milliards d'euros, dont 1, 68 millions de recettes de redevance.
Je voudrais insister sur un aspect souvent négligé : les diverses exonérations fiscales ou crédits d'impôt, qui peuvent représenter des montants de non-recettes très importants ; on en a une illustration particulièrement frappante dans le chapitre des incitations aux économies d'énergie, qui est bien une politique à caractère environnemental.
En outre, il arrive que les crédits de l'État aient un effet levier ou multiplicateur sur les crédits environnementaux des collectivités territoriales, lesquels s'élèvent à 28, 5 milliards d'euros.
Avant tout développement ultérieur, je me dois, madame la ministre, d'exprimer mon courroux, sinon mon indignation, devant le nouveau report de la deuxième lecture du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques à l'Assemblée nationale. Faut-il y voir un manque de considération du Premier ministre à l'égard de la politique de l'eau ? En ce cas, c'est inacceptable, et c'est méconnaître les enjeux que recouvre ce texte, certes imparfait par certains côtés. Ou bien faut-il comprendre que la majorité actuelle, incapable de se mettre d'accord sur le fond de ce texte, ne veut pas étaler ses divisions à la veille des grands rendez-vous électoraux ?
Au-delà de ces hypothèses, je ne peux que rappeler l'attente forte de tous les partenaires liés à l'eau, qu'il s'agisse des pêcheurs, qui attendent la transformation du Conseil supérieur de la pêche en Agence nationale de l'eau et des milieux aquatiques, ou des élus des agences de l'eau, dont je suis. Comment ne pas comprendre l'impatience du président de la commission « programmes », par exemple, qui doit pouvoir bâtir un neuvième programme 2007-2013 sur des bases et des recettes solides et pérennes, et non incertaines comme aujourd'hui ?
Pour revenir à votre budget, on peut rappeler que, dans la présentation actuelle, la politique de l'eau n'est pas très lisible et que des réformes de la LOLF sont nécessaires à ce propos ; nous l'avions déjà dit l'année dernière.
Les indicateurs de performances ne me paraissent pas très pertinents. Pourtant, les enjeux sont importants ; je ne prends que l'exemple des stations d'épuration, qui doivent, pour celles qui existent, être mises aux normes pour le traitement de l'azote et du phosphore ou, pour celles qui n'existent pas encore, être construites dans les délais les plus brefs, sous peine de voir la France subir des condamnations financières importantes, très dommageables pour notre budget.
L'objectif final est bien d'avoir un réseau de rivières en état écologique pour 2015.
Cela dit, on peut se réjouir de l'effort que vous avez accompli pour mettre le droit français en conformité avec le droit communautaire. On constate, en revanche, une augmentation des contentieux nationaux qui risquent de peser lourdement sur le budget.
Manifestement, un gros effort est fait en direction des parcs nationaux et de leur établissement public, des parcs naturels marins et de l'agence des aires marines. Il est vrai qu'il y a, là aussi, une attente très forte, après le vote de la nouvelle loi sur les parcs nationaux et régionaux puisqu'on passe de 34, 2 millions à 49, 1 millions d'euros en autorisations d'engagements et de 32, 8 millions à 47, 1 millions d'euros en crédits de paiement. Pour les parcs nationaux, je pense qu'il sera nécessaire d'inscrire 65 millions d'euros pour 2008-2009.
De même, ont été pris en compte les besoins des 157 réserves naturelles et l'action Natura 2000. Là aussi, il faut ajuster les moyens aux objectifs que l'on s'est fixés.
Pourtant, je regrette que l'on n'ait pas pris en compte toutes les demandes exprimées aujourd'hui par les quarante-cinq parcs régionaux, dont l'action pour la défense du patrimoine naturel est largement connue et reconnue. J'ai donc déposé un amendement afin qu'il soit répondu à cette attente.
Si un effort est fait en faveur des effectifs, avec 40 créations et 18 transferts, je regrette vivement que l'État se désengage progressivement de l'aide qu'il peut apporter aux grandes associations écologiques nationales : les crédits sont passés de 5, 1 millions d'euros en 2005 à 4, 9 millions d'euros en 2007. Pourtant, ces associations mènent un travail d'alerte, de réflexion et d'actions responsables, et souvent remarquables.
À l'heure où les problèmes environnementaux font la une de la presse du fait d'une médiatisation parfois un peu excessive de diverses personnalités, il faut, je le crois, prendre en considération ces associations pour leur travail pédagogique, qui mérite respect et estime.
Au-delà de cette gestion budgétaire au quotidien, il nous faut réfléchir, madame la ministre, au moyen de mieux soutenir la richesse de notre biodiversité, qui subit un processus inexorable de dégradation ou de mort. Nos efforts globaux restent insuffisants face à ce que certains ont appelé le « massacre de la biodiversité animale et végétale ». Ce problème mérite d'être pris à bras-le-corps ; l'avenir de la planète tout entière en dépend.
Deuxième sujet de préoccupation : la maîtrise et surtout la diminution des gaz à effet de serre. Même si la France est, parmi les pays industriels, le troisième plus faible émetteur de CO2 par habitant, il n'en reste pas moins que Bruxelles juge nos efforts insuffisants. Madame la ministre, que comptez-vous faire sur ce dossier ? J'ai le sentiment que notre plan en faveur de l'éolien tarde à se mettre en place.
Troisième sujet de préoccupation : la place qu'aura la politique environnementale dans les contrats de projets, en particulier dans leur volet territorial. Vous avez fait émerger - et je crois que c'était judicieux - la notion d'infrastructure écologique. Espérons que les préfets et les représentants des régions et des départements se retrouveront sur des objectifs ambitieux dans ce domaine.
On parle en permanence de développement durable en indiquant qu'il s'agit de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Au-delà de votre force de conviction, qui est grande, votre budget est-il capable de relever ce défi ? Voilà la question qui est posée et qui m'amène à conclure en exprimant un certain scepticisme.