Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 2 décembre 2006 à 15h45
Loi de finances pour 2007 — Écologie et développement durable

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question du changement climatique est désormais une question d'actualité récurrente. Il ne se passe pas de semaine sans qu'une série d'articles, de conférences ou de films nous alerte sur cette question.

Tout le monde s'alarme des conséquences désastreuses de l'effet de serre sur notre planète : sécheresses de plus en plus sévères, cyclones chaque fois plus violents, inondations de plus en plus fréquentes, hausse des températures, etc. Bref, c'est un ensemble de catastrophes qui s'abat sur la planète, frappant plutôt, de surcroît, des populations déjà extrêmement vulnérables.

En avril dernier, la mission d'information sur l'effet de serre a remis un rapport préconisant de poursuivre, de toute urgence, un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 25 % d'ici à 2020, afin de limiter le réchauffement de la planète, au lieu de l'objectif de 5, 2 % d'ici à 2012 qui avait été fixé par le protocole de Kyoto.

Il serait donc grand temps de nous doter d'une politique environnementale qui prenne réellement en compte les urgences écologiques

C'est à l'aune de ces enjeux que nous devons juger votre budget, madame la ministre. Or, s'il est en nette augmentation - ce dont on ne peut que se réjouir -, il reste tout de même anormalement faible eu égard aux défis à relever.

Permettez-moi, madame la ministre, de citer des propos que vous avez tenus lors de votre conférence de presse sur le budget 2007 : « La part du budget du ministère dans le budget civil de l'État augmente depuis 2005 dans des proportions notables ; elle atteindra 0, 40 % en 2007 si l'on tient compte du programme des interventions territoriales de l'État. Il s'agit d'un niveau jamais atteint par le ministère. Je n'en espère pas moins que, très vite, le ministère de l'écologie représentera 1 % du budget civil de l'État. »

Voilà qui se passe de commentaire. Je crois qu'avec 0, 40 %, nous n'avons effectivement pas le compte !

Le Gouvernement pense-t-il pouvoir répondre aux attentes des Français en matière de protection de l'environnement en n'y consacrant que 0, 40 % de son budget civil ? Je pense qu'il est loin d'avoir réellement pris l'exacte mesure des besoins et du travail à réaliser en matière de protection de l'environnement.

La protection de l'environnement, enjeu de premier ordre, est l'une des problématiques majeures de la campagne présidentielle qui débute.

Or, à l'heure où le rapport Stern révèle que le coût économique du réchauffement de la planète pourrait s'élever à plus de 5 500 milliards d'euros si les gouvernements ne prennent aucune mesure significative pour mettre sous contrôle les émissions de gaz, je ne pense pas que ce budget permette de répondre à cet objectif prioritaire.

C'est d'autant plus regrettable que l'investissement financier dans la lutte contre le réchauffement climatique, loin de pénaliser l'essor économique des pays industriels, constituerait une démarche volontariste créatrice de richesses. Le rapport Stern souligne d'ailleurs combien il importe d'investir dans la recherche et le développement, ainsi que dans les nouvelles technologies moins polluantes.

Je déplore que le Gouvernement n'apporte pas une réponse plus globale au problème du réchauffement climatique.

Parlons, par exemple, de la politique des transports. Les transports sont, en effet, le premier secteur d'émission de gaz à effet de serre. Or les crédits du programme « Transports terrestres et maritimes » sont en diminution de 11, 3 %, ce qui limite les capacités de développement des modes de transport alternatifs à la route.

À cela il convient d'ajouter les actuels dérapages en ce qui concerne le plan national d'allocation de quotas de CO2 sur la période 2008-2012. Madame la ministre, mercredi dernier, vous avez retiré vos propositions. Vous disposez désormais de deux semaines pour soumettre un nouveau projet à la Commission européenne. Pourriez-vous nous dire comment le Gouvernement compte gérer cette crise ?

Au-delà du manque d'ambition de ce budget, je souhaite aborder deux points qui me tiennent à coeur.

Je tiens d'abord à vous dire, en tant que rapporteur de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques naturels et technologiques, que je suis très sensible aux progrès réalisés en la matière.

L'un des objectifs principaux de cette loi était de mieux prendre en compte les risques accidentels dans l'urbanisme autour des sites Seveso, au travers de la création des plans de prévention des risques technologiques. Un autre objectif était de renforcer la concertation avec les acteurs internes et externes à l'entreprise.

Ce sont 421 plans de prévention des risques technologiques qui doivent être élaborés d'ici au 31 juillet 2008, concernant 622 établissements industriels classés Seveso recensés au 1er janvier 2005, sur plus de 900 communes. Ils seront réalisés en quatre phases successives.

L'élaboration des 124 plans de prévention des risques technologiques de la première phase a été engagée au dernier trimestre 2005. Il s'agit, dans un premier temps, de mettre à niveau les études de dangers, ce qui devrait permettre d'apprécier la maîtrise des risques dans les établissements. Trois plans de prévention des risques technologiques sont déjà entrés en phase opérationnelle.

Par ailleurs, plus de 21 000 communes sont exposées à des risques naturels majeurs menaçant les biens et les personnes. L'État a mis en place une politique de prévention dont l'un des outils est, depuis 1995, le plan de prévention des risques naturels. Ce plan a pour objet de rassembler la connaissance des risques sur un territoire donné, d'en déduire une délimitation des zones exposées et de définir des prescriptions en matière d'urbanisme, de construction et de gestion dans les zones à risques, ainsi que des mesures de prévention, de protection et de sauvegarde des constructions existantes dans ces zones.

L'objectif de 5 000 plans de prévention des risques naturels approuvés a été atteint à la fin de 2005. Cela concerne un tiers de la population. La démarche doit être poursuivie pour des territoires sur lesquels les menaces restent réelles. Ainsi, sera particulièrement privilégiée en 2007 l'approbation des plans de prévention des risques naturels inondations et risques sismiques. Tout cela va dans la bonne direction.

Deuxième point, primordial dans le contexte actuel du renchérissement du coût de l'énergie : les biocarburants.

Je tiens à saluer les efforts que le Gouvernement a accomplis en accompagnant l'initiative de la représentation nationale consistant à introduire dans la loi d'orientation agricole les objectifs que nous nous sommes fixés quant à l'incorporation de biocarburants dans l'énergie. Nous avons également entrouvert la porte des huiles végétales et de leurs utilisations. Il faut que nous avancions dans ce domaine.

Si nous voulons que la France soit au rendez-vous des biocarburants, comme nous le souhaitons tous, nous devons faire preuve d'une grande détermination. À la suite du rapport demandé à Alain Prost, des avancées ont été réalisées, notamment avec l'annonce du plan E85 ainsi qu'avec l'adoption d'un régime fiscal très favorable à ce carburant dans le présent projet de loi de finances.

Je constate cependant que le plan E85 ne pourra réellement se développer et avoir un effet réel sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre que si le Gouvernement incite les distributeurs à mettre en place un véritable réseau de pompes vouées à ce carburant. Or on est à cet égard loin du compte ! Tant qu'il en sera ainsi, l'utilisation de l'E85 restera marginale et réservée à des flottes captives, ce qui n'est absolument pas à la mesure des enjeux liés au développement des biocarburants.

Il faudra également que les constructeurs automobiles s'engagent résolument dans cette voie, et nous comptons sur le Gouvernement pour les y inciter.

Nous n'arrivons pas à atteindre les taux d'incorporation cibles que nous avions fixés, que ce soit au niveau communautaire ou au niveau national, lorsque a été mise en place la fameuse TGAP. On atteint à peine 1 % pour le bioéthanol alors que, nous devrions être à 1, 5 % dès cette année et à 3, 5 % en 2007.

J'ajoute que la table ronde qui a été réunie sur l'initiative des ministres de l'agriculture et de l'industrie mercredi dernier a fait apparaître que l'incorporation en direct demeurait au second plan des préoccupations.

Je crains fort que l'annonce d'un plan E85 ne relègue à un rang subalterne l'incorporation en direct de l'éthanol dans les essences, alors qu'elle reste la priorité du Parlement. Je le crains d'autant plus que, comme je le disais à l'instant, on ne voit pas arriver la mise en place des pompes nécessaires au développement du plan E85.

N'en doutons pas, le défi de la lutte contre le changement climatique ne concerne pas que notre agriculture et notre industrie ; il nous concerne tous et ne pourra être relevé que collectivement.

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