Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 5 novembre 2004 à 10h30
Cohésion sociale — Article 37-1

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Comme nombre d'associations et de syndicats, nous avons été frappés par le caractère indigent du volet « emploi » du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale et par l'absence de mesures, qu'il serait pourtant urgent de prendre, visant, en fonction de la croissance, à augmenter le nombre d'emplois de qualité et à sauvegarder et à renforcer les emplois existants. Nous avons donc tenté de faire des propositions pour remédier à ces manques. Mais, évidemment, si l'objet de ce projet de loi n'est plus la cohésion sociale, ce n'est alors plus la peine de s'en préoccuper !

Quoi que vous puissiez en dire, et vous n'avez pas prouvé le contraire, le Gouvernement ne mène aucune politique volontariste visant à s'attaquer aux causes et aux incidences des destructions d'emplois.

Les seules décisions prises concernant les licenciements ne visent pas à les prévenir, encore moins à les interdire - n'en parlons pas ! - lorsque les salariés ont manifestement affaire à des patrons voyous, soucieux avant tout des dividendes de leurs actionnaires. Elles ne visent pas non plus à imposer aux employeurs une véritable obligation de reclassement de tous leurs salariés, laquelle suppose le maintien du contrat de travail et du salaire jusqu'à la réalisation de l'objectif. Non, les mesures ajoutées, dictées par l'organisation patronale, le MEDEF, tendent toutes à libérer les énergies du patronat, et celui-ci n'en manque pas ! Le patronat pourra ainsi licencier sans entrave, c'est-à-dire sans obligation à l'égard des salariés, sans contrôle du juge, de l'administration, du Gouvernement.

Contrairement aux adeptes de la politique fondée sur la thèse selon laquelle pour « déverrouiller l'emploi et tuer la peur de l'embauche, il faudrait s'attaquer à la législation sociale », nous pensons que l'enjeu est ailleurs : le débat devrait porter plutôt sur l'iniquité du code du travail que sur sa prétendue efficacité.

Développant cette analyse dans un article de doctrine paru dans le numéro du mois de septembre de la revue Droit social, Frédéric Bruggeman, expert auprès des comités d'entreprise, propose, après avoir souligné le traitement très inégal des salariés en cas de licenciement, non pas de supprimer les règles actuelles - information du comité d'entreprise, avis, etc - mais de les approfondir, de les étendre.

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous soyons très opposés à votre décision, somme toute assez prévisible, d'abroger purement et simplement, après les avoir suspendues, les dispositions de la loi de modernisation sociale.

Comme pour les 35 heures, vous faites une véritable fixation sur des mesures dont une grande partie, pourtant, ne devraient pas beaucoup vous gêner, puisqu'elles n'ont pu trouver un début d'application, faute de décret ! Je pense à celles qui sont relatives au droit d'opposition du comité d'entreprise et au recours au médiateur. Par ailleurs, d'autres mesures n'ont pas toujours desservi les employeurs, contents de trouver là un moyen supplémentaire de flexibilité du travail. Idéologiquement, il faut supprimer la loi de modernisation sociale : si ce n'est pas de l'idéologie, je ne m'y connais pas !

Comment ces mesures, qui ne sont pas appliquées, pourraient-elles être à l'origine de l'aggravation constante du taux de chômage, des fermetures d'entreprises, des délocalisations et des faux licenciements individuels que l'on constate depuis votre retour aux commandes du pays ? On tente de nous faire croire que la situation s'aggrave à cause de la loi de modernisation sociale alors que ses dispositions ne sont pas appliquées ! En fait, il faut surtout les supprimer parce qu'elles jurent dans le paysage libéral !

Dès le départ, le Gouvernement savait qu'il suspendait des mesures qui responsabilisaient les employeurs en matière d'emplois pour pouvoir mieux les abroger et « démolir » les droits des salariés à être informés, à discuter des choix, à proposer des solutions alternatives ou à exiger un reclassement.

Les négociations sur les restructurations ne pouvaient aboutir tant étaient léonins les termes du deal proposé par le patronat : « échanger l'aménagement des dispositions actuelles du code du travail et la sécurisation concrète des procédures contre des possibilités - virtuelles - d'information préalable des salariés, de formation ».

Si le Gouvernement reprend la main, c'est pour exiger du Parlement qu'il accepte de supprimer non seulement une loi, mais aussi certaines parties du code du travail ou certaines jurisprudences, ce qui se traduira, là encore, par un recul en matière de droits des salariés.

Ce marchandage n'est évidemment pas acceptable. C'est pourquoi nous vous proposons de voter cet amendement de suppression.

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