Intervention de Alain Lambert

Réunion du 29 novembre 2006 à 15h30
Loi de finances pour 2007 — Débat sur les effectifs de la fonction publique

Photo de Alain LambertAlain Lambert :

Monsieur le ministre, puisque M. le rapporteur général et Mme le rapporteur pour avis ont fait une présentation très complète des effectifs de la fonction publique, je vais me contenter de traiter d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur : la nécessité d'instituer une vraie politique de gestion des ressources humaines de l'État.

Je tiens cependant à dire, les intervenants qui m'ont précédé ayant au fond tous suggérer de faire un bilan de l'évolution des effectifs de la fonction publique à l'échelle de la législature, que ce ne serait en effet pas inutile, attendu le nombre d'emplois qui ont été créés sous la législature précédente.

À ce propos, monsieur le ministre, avez-vous, à ce stade de l'année, une estimation des ETPT, les équivalents temps plein travaillé, consommés en 2006 ?

Je voudrais également insister sur la nécessité de poursuivre nos travaux pour acquérir une parfaite connaissance et une prévision améliorée des compétences dont l'État aura besoin en fonction de l'évolution de ses missions, de ses métiers, de son organisation et de l'impact des nouvelles technologies.

Comme je l'ai annoncé, j'en viens, monsieur le ministre, à la nouvelle politique de gestion des ressources humaines de l'État.

Je souhaiterais d'abord savoir si nous partageons le même constat.

Pour ma part, je constate que le système actuel est à bout de souffle : avec plus de 2 millions de fonctionnaires répartis en 900 corps, il ne tient compte ni des besoins de l'employeur ni des aptitudes professionnelles des agents. Les règles actuelles conduisent à une sous-utilisation de nos ressources en freinant la mobilité, en ne permettant pas la gestion de proximité non plus que la rationalisation des services déconcentrés. Cette méthode aboutit à un dialogue social corporatiste, au détriment d'un vrai dialogue social centré sur les sujets propres au fonctionnement des services.

La structuration en corps contient en elle-même les antidotes au changement : elle alimente un corporatisme rétif à toute rationalisation du système qui conduit à l'échec des tentatives d'amélioration. Les fusions de corps, quoi qu'on en dise, progressent mais ne progressent quand même que très lentement. En outre, la prolifération des statuts d'emplois ne permet pas d'enraciner une culture fonctionnelle de la gestion.

À système inchangé, mon pronostic est qu'il serait : impossible de favoriser la mobilité choisie des personnels entre ministères et fonctions, mobilité sur l'importance de laquelle M. le rapporteur général insistait tout à l'heure ; impossible de modifier la répartition des recrutements entre les différents métiers pour tenir compte de la redéfinition progressive des missions de l'État ; impossible d'atteindre les objectifs de la LOLF, qui supposent que les responsables de programme aient plus de latitude pour choisir leurs collaborateurs dans un vivier plus large.

Aussi, une réforme d'ampleur me paraît urgente, et je pense que nous serons tous d'accord pour considérer qu'elle doit respecter le principe de la fonction publique de carrière. Il s'agirait donc d'englober dans cette réforme tous les fonctionnaires de l'État régis par les titres Ier et II du statut général des fonctionnaires, c'est-à-dire la plupart des fonctionnaires civils à l'exception des militaires, des magistrats et des fonctionnaires des assemblées parlementaires.

Quelles sont les pistes de renouvellement de la gestion de la fonction publique que nous pourrions ouvrir ensemble ?

Il faudrait d'abord que chacun accepte de sortir de ses postures classiques, celles du formalisme et de la rigidité, celles des débats sans fin sur l'évolution de concepts - emplois budgétaires, ETP, ETPT, etc. - dont, entre nous soit dit, personne ne mesure vraiment la portée et qui sont désormais à ranger au placard du passé.

Développons, en revanche, les systèmes d'information en matière de ressources humaines, les SIRH, pour lesquels nous avons pris un peu de retard, en favorisant leur interopérabilité et leur capacité à offrir une vision claire et exhaustive de ce que dépense l'État pour payer ses agents, ainsi que des compétences dont il dispose ou qu'il devra acquérir afin d'assurer ses missions.

D'ailleurs, monsieur le ministre, je souhaite que vous nous indiquiez quel est l'état d'avancement de la réforme de la paye et de la convergence des SIRH.

L'État doit impérativement se fixer des objectifs en termes de maîtrise pluriannuelle de la masse salariale. En effet, le cadre purement annuel ne permet pas à nos gestionnaires de remplir leurs missions dans de bonnes conditions, me semble-t-il.

Il est également urgent de faire davantage confiance au terrain et de donner de plus grandes libertés aux gestionnaires locaux, en matière de dialogue social, de gestion des ressources humaines - c'est d'ailleurs là une contrepartie normale, qui est attendue, presque avec désespoir, par le terrain -, et de rémunération, l'ensemble de ces règles s'inscrivant dans un cadre national suffisamment large et général pour ne pas étouffer l'initiative locale.

Le regroupement des corps au sein d'espaces statutaires élargis est la clé de ce changement, me semble-t-il. Il permettrait non seulement de favoriser la mobilité et l'adéquation entre les profils et les postes, mais également de renforcer les capacités managériales des gestionnaires ministériels. Il s'agirait de substituer à l'actuelle nébuleuse de la fonction publique une organisation regroupant les 900 corps existant en une trentaine de cadres statutaires, dont chacun se situerait à l'intersection d'une grande filière professionnelle. L'appartenance à un tel cadre garantirait aux agents des règles communes de déroulement de carrière et une vocation à occuper de nombreux emplois.

La gestion se verrait simplifiée, grâce à la réduction du nombre et du poids des procédures, à la déconcentration, qui deviendrait dès lors possible, et à la rénovation du dialogue social, enfin délivré des questions corporatives de carrières et de statuts. Les délais entre l'apparition et la satisfaction d'un besoin de recrutement s'en trouveraient immédiatement diminués.

Dans le même temps, la logique de l'emploi se verrait renforcée. Le vivier des candidats aux emplois s'ouvrirait beaucoup plus largement qu'aujourd'hui. Les responsables de programmes LOLF pourraient y puiser, afin de trouver la personne dont le profil répondra le mieux aux exigences de l'emploi et qui pourra être affectée directement et simplement sur le poste. Une telle réforme inviterait à poursuivre et à approfondir le travail de définition de référentiels de métiers déjà engagé.

La logique des filières professionnelles appelle, évidemment, une gestion des concours par spécialité, sans empêcher pour autant une gestion des carrières par cadre statutaire.

En regroupant les personnels au sein de vastes ensembles, la réforme pourrait mieux séparer l'appartenance statutaire et les fonctions exercées, en leur conférant une plus grande importance.

La rémunération des fonctionnaires pourrait prendre en compte trois facteurs, à savoir l'indice, le poste et la performance individuelle ou collective selon le niveau d'emploi des personnels.

Monsieur le ministre, accordons aux gestionnaires les moyens d'exercer la plénitude de leurs compétences managériales à l'égard des fonctionnaires, en limitant les tâches de gestion purement administratives des carrières, afin de permettre le développement d'une véritable fonction « ressources humaines » dans l'administration, la gestion centrale veillant, quant à elle, à préserver la mobilité des agents.

Dans cette perspective, n'oublions pas non plus des facteurs aussi importants que la nécessaire réforme de la haute fonction publique et de l'ENA, l'Ecole nationale d'administration, la formation initiale - dont l'appareil est coupé de l'Université ! -, la formation continue - pour favoriser les adaptations - et les modalités de récompense des agents qui accomplissent des efforts supplémentaires pour s'ouvrir des évolutions de carrière.

La fonction publique doit s'engager résolument sur la voie ouverte par la LOLF et s'adapter au nouveau mode de fonctionnement de l'État. Il lui faut abandonner les postures juridiques et la défense d'un statut qui offre déjà certaines souplesses pour passer à une approche managériale et à une vraie association entre liberté et responsabilité.

Enfin, j'exprime l'espoir qu'une telle réforme donnera un second souffle au dialogue social. La dispersion actuelle des corps se traduit par un nombre très élevé de commissions administratives paritaires, qui mobilisent des moyens matériels et humains très importants, pour des résultats somme toute peu satisfaisants, tant pour l'administration que pour les agents.

Voilà, monsieur le ministre, la contribution que le groupe UMP voulait apporter à cet enjeu vital qu'est la modernisation de la gestion des ressources humaines de l'État, car après tout, je le répète, il s'agit là du capital le plus précieux dont disposent l'État et la Nation.

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